LE MONDE | 26.06.07 | 14h19 • Mis à jour le 26.06.07 | 14h19
Le gouvernement essaie de calmer le jeu sur la réforme de la carte judiciaire qui embrase plusieurs tribunaux de province depuis une semaine. Mercredi 27 juin, Rachida Dati va créer un comité consultatif de la carte judiciaire, qui sera chargé de présenter des propositions, à la rentrée. Elle a demandé, lundi 25 juin, aux premiers présidents de cour d'appel et aux procureurs généraux de présenter pour le 30 septembre leurs "suggestions sur les schémas de redéploiement". "Cette réforme ne saurait être ni mécanique, ni géométrique, ni technocratique", a expliqué la garde des sceaux.
"Aucune décision de suppression de juridictions n'a été prise, explique le directeur de cabinet de la ministre de la justice, Michel Dobkine. Nous proposons une méthode de concertation totale pour que l'ensemble des acteurs judiciaires s'approprie la réforme de la carte judiciaire." L'objectif de la chancellerie est d'inscrire la réforme dans un processus de modernisation des tribunaux, mêlant informatisation, sécurisation et gestion des ressources humaines.
Le président de la conférence des premiers présidents, Alain Nuée, apporte son soutien à la réforme : "Il s'agit d'améliorer l'efficacité de la justice en spécialisant certaines juridictions." Le président de la conférence des bâtonniers, Frank Natali se montre rassuré, après la réunion de plusieurs avocats à la Chancellerie, samedi 23 juin : "Aucun schéma ne sera mis en place avant la fin d'une concertation approfondie. Mais tout le monde sera vigilant."
Il y aura bel et bien des juridictions supprimées. "Un tribunal qui, dans tel ou tel domaine, rend peu de décisions, ne peut pas assurer une jurisprudence de qualité" a expliqué Rachida Dati. L'inquiétude demeure, surtout dans les régions où la possibilité de suppression de la cour d'appel s'est répandue comme une traînée de poudre : Agen, Bourges, Grenoble, Metz, Nîmes, Pau. Les mouvements de grève se poursuivaient dans plusieurs barreaux, en attendant la réunion de mercredi, notamment, dans l'Indre, le Cher, à Péronne (Somme), Belley (Ain), Agen et Marmande (Lot-et-Garonne).
Les barreaux de Moselle, premiers à se mobiliser, poursuivent leur "grève totale et illimitée", mais le blocus des palais de justice a été levé "provisoirement" à Metz et Sarreguemines. À Thionville, les avocats ont maintenu le blocage du tribunal, malgré l'intervention de son président, Alphonse Thiry, qui a fait cisailler lundi à la scie sauteuse le cadenas que les grévistes avaient installé sur les grilles d'entrée du palais. À Metz, le bâtonnier Patrice Thiébaut a convaincu ses confrères de la nécessité de faire "un pas en avant, dès lors que la chancellerie a fait un pas en arrière en annonçant qu'aucune décision ne serait prise sans concertation. Les technocrates du ministère ne pourront plus passer en force. Le petit meurtre entre amis envisagé dans le silence des cabinets ministériels n'est plus possible", a-t-il déclaré à l'assemblée générale. À Sarreguemines, le bâtonnier Bertrand Hoffmann a défendu la même position que son confrère messin : "S'il faut durcir à nouveau le mouvement, nous le ferons mais nous n'avons aucun intérêt à nous épuiser durant la phase préalable à la négociation", a-t-il expliqué. Mardi, les dix députés de Moselle devaient être reçus place Vendôme.
A Nîmes, le bâtonnier joue l'apaisement : "Nous avions la crainte que le président élu fasse appliquer de façon mécanique ces propositions, explique Me Olivier Goujon. Mais je suis optimiste. Rachida Dati, la ministre de la Justice, annonce qu'elle engage une concertation. Une délocalisation de la cour d'appel de Nîmes aurait un impact direct sur notre profession. Nous défendons nos intérêts mais aussi ceux de l'économie nîmoise. Le départ de la cour d'appel correspondrait à la fermeture d'une grosse PME : 400 emplois disparus ! La cour d'appel de Nîmes, la dixième de France, a son utilité. On sait bien que plus les cours d'appel sont grandes, moins elles sont efficaces."
Le bâtonnier d'Alès, Nordine Tria, faisait partie de la délégation reçue samedi matin à Paris : "Nous sommes assurés d'une concertation. Aucun texte ne sera pris dans l'immédiat." Me Tria plaide en faveur d'Alès qui est notamment site pilote pour la communication électronique des dossiers. A Saint-Omer (Pas-de-Calais), les avocats ont bouclé le palais de justice et envoyé la clé au ministère de la justice. A Nevers, ils font la grève des audiences pour ne pas être rattaché à Dijon. "Si la cour d'appel de Bourges devait être supprimée, ce serait une catastrophe pour les avocats de Nevers", explique le bâtonnier Antoine Macquart-Moulin.
Les protestations prennent parfois un tour funèbre. A Metz, vendredi 20 juin, près de 500 avocats étaient descendus dans la rue au son des cornes de brume et vêtus de leur "noir de travail". Un enterrement symbolique du tribunal a été mis en scène par les avocats de Millau, lundi, pour commencer une grève totale et illimitée des 17 avocats de la ville. Mardi et mercredi, Pau et Bayonne affichaient des journées "Palais de justice morts."
Alain Salles avec nos correspondants
Article paru dans l'édition du 27.06.07.
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