QUOTIDIEN : lundi 4 juin 2007
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Il y a à peu près quatre ans, j'ai cessé d'acheter le Monde, que je lisais depuis toujours, parce qu'il devenait trop sarkozyste à mon goût. Je suis alors devenu lecteur de Libération, auquel je me suis habitué, et s'il m'est arrivé d'être critique, je crois pouvoir affirmer que je n'ai jamais été vraiment choqué par tel ou tel article.
Or, il en va tout autrement depuis l'élection de Nicolas Sarkozy, concernant les éditoriaux ou les articles de Laurent Joffrin. J'ai donc décidé, comme d'autres amis, je dois vous le dire, d'abandonner la lecture de ce journal.
Ce ne sont pas les grandes déclarations social-démocrates de M. Joffrin qui me dérangent, non ! Ce qui m'est insupportable, c'est d'être régulièrement insulté dans un journal que j'achète tous les matins. Par exemple, je n'ai guère apprécié d'être traité d' «opposant pavlovien à Sarkozy» . Je suis effectivement antisarkozyste primaire, comme de nombreux lecteurs de Libération , je suppose, mais pourquoi cette insulte ? Ne trahit-elle pas une admiration secrète pour Sarkozy ? Autre exemple : les sarcasmes, en lieu et place d'argumentation à l'égard des structuralistes, des déconstructionnistes et des paléomarxistes, dont il m'arrive d'apprécier certains ouvrages, et qui sont qualifiés de lugubres personnages, de fantômes qui hantent les campus, par contraste avec cette admirable clarté que diffuse la doctrine social-libérale dont Mme Canto-Sperber, par ailleurs directrice de l'ENS et dont l'autoritarisme est dénoncé par la majorité des enseignants, est désignée comme une éminente représentante.
Quant à la bienveillance, sinon l'admiration, pour Sarkozy, elle est évidente. Ce qui me choque le plus, ce ne sont pas les félicitations adressées au Président pour l'initiative qu'il a prise concernant la lettre de Guy Môquet, et je suis persuadé que le fait de qualifier Sarkozy, à cette occasion, d'homme tolérant, relève de l'ironie. Non ! Ce qui me choque vraiment c'est ce qui est tu : à savoir, le fait de passer sous silence la simulation des larmes pendant la lecture de cette lettre, lors de la cérémonie du Bois de Boulogne car cette simulation est abjecte. En effet, si plus de soixante ans après, on est encore bouleversé et révolté par l'assassinat de ce jeune résistant, on ne peut pas ne pas ressentir de la colère à l'égard des bourreaux et de leurs complices. Or, quid de cette colère à l'égard de la France pétainiste ? Où est passée l'habituelle colère de Sarkozy à l'égard des criminels et des délinquants ?
Au moment où la politique devient de plus en plus un grand cirque médiatique, j'attends surtout d'un journal de gauche qu'il ne cède pas sur les exigences éthiques et qu'il dénonce inlassablement les incohérences, les mensonges et, bien sûr, les manoeuvres ignobles des hommes politiques, qu'ils soient de droite ou de gauche. Il s'agit du combat pour la sauvegarde de la démocratie.
Claude Bonneault
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