La nomination de Christine Albanel au ministère de la Culture et de la Communication, mais également au rôle de porte-parole temporaire du gouvernement, sonnait le "la" de la gouvernance présidentielle. Couplée à l’arrivée des deux journalistes à l’Elysée et Matignon : Catherine Pégard (Le Point) et Myriam Lévy (Le Figaro) il fallait comprendre que la politique serait dorénavant plus une affaire de communication que de fond.
Il n’aura pas fallu attendre longtemps pour voir les premiers « placements » de proches de Nicolas Sarkozy et constater le verrouillage tant annoncé des médias. Dès le mois de mai, la nomination du numéro deux de TF1 Laurent Solly, ancien directeur adjoint de campagne du président Nicolas Sarkozy, avait fait grincé des dents.
Puis ce fut au tour du Canard Enchaîné d’être attaqué frontalement, heureusement sans y laisser sa peau de canard... pour le moment.
Puis encore au tour du Monde avec des péripéties en cours dont l’objectif est de changer de gouvernance, et donc d’infléchir les lignes éditoriales pour le moment « à gauche » alors que dans bon nombre de cas, l’impartialité du Monde fait encore office de référence.
Hier, au tour de la chaîne publique France Télévision de passer à la moulinette. Philippe Vilamitjana, directeur de l’antenne et des programmes, indique que la chaîne ne reconduira pas six de ses magazines pour la rentrée, dont Arrêt sur images, l’émission hebdomadaire de décryptage des médias animée par le journaliste Daniel Schneidermann. Celle-ci serait à priori remplacée par "une autre émission de décryptage", type berlusconienne faut-il sans doute comprendre.
Annoncée dans la matinée par le site Internet de l’hebdomadaire Le Point, la suppression d’Arrêt sur images était alignée à celle de Ripostes - émission dont on connaît non seulement la qualité mais aussi l’esprit critique - laissant à penser que la proche garde du Président, dont on connaît l’accointance avec Le Point, avait déjà les cibles en tête. Mais Ripostes a su à priori se défendre, tout en restant néanmoins dans le collimateur des émissions qui peuvent être critiques suivant les invités.
Les grandes manœuvres se poursuivent encore aujourd’hui, et se poursuivront demain.
Au tour des Echos, et sans doute des magazines du type Enjeux les Echos, reconnus pour leurs qualités de contenu et leurs analyses argumentées. Dans le rôle du pourfendeur, « on » envoie la cavalerie lourde avec Bernard Arnault qui aurait proposé une somme proche de 250 millions d’euros - soit plus de deux fois le chiffres d’affaires du groupe Les Echos - pour s’approprier le groupe, propriété du Britannique Pearson, qui édite aussi le Financial Times. Une assemblée générale aura lieu le 19 juin, pour décider d’une grève, qui empêcherait la parution des Echos mercredi 20 juin.
Pendant ce temps-là, à Europe 1, même mouvements, cette fois-ci pour mieux se placer dans les grâces présidentielles : plusieurs poids lourds s’envolent vers des cieux plus gracieux (proches du Président) au Figaro.fr, à RTL, voire à BFM.TV. C’est J.-P. Elkabbach qui doit être déçu de s’être dévoué corps et âme pour un tel résultat...
Il y a de cela un an, le limogeage en force de l’homme fort de Paris Match avait pourtant déjà indiqué les « modes de faire » de sa majesté présidentielle.
Aujourd’hui, le rouleau compresseur est entré en action, avec la ferme intention d’en finir avec les journaux susceptibles de porter un « contre-pouvoir ».
Alors, on pourra sans doute objecter que le rédacteur de cet article raconte n’importe quoi, qu’il ne dit pas la vérité ou bien qu’il tronque l’information : quoiqu’il advienne, il faut constater que depuis l’élection présidentielle c’est l’effervescence dans le milieu du journalisme, tous médias confondus. C’est aussi l’effervescence dans les succursales de la gouvernance des grands groupes avec un accaparement systématique des rédactions, faute de quoi on les attaque frontalement (politique du débauchage ou de la pression).
En France, comme aux Etats-Unis ou en Italie - avec les conséquences que l’on connaît -, force est de reconnaître qu’effectivement, pour les médias, les grandes manœuvres sont lancées. Il paraît que cela a toujours été ainsi, mais est-ce pour autant tolérable, acceptable, normal ?
Certains disaient qu’ils voulaient combattre l’imbrication médiatique-politique-économique. Dans les années à venir, ils auront du pain sur la planche, tant aujourd’hui cette imbrication malsaine semble être à la tête de l’Etat, voire même des Etats.
Tout cela ne laisse, en tout cas, rien présager de bon, pour les rédacteurs libres que nous sommes ainsi que tous les journalistes dignes de ce nom qui font ce métier pour informer, et non pour « communiquer » par allégeance au gouvernement en place...
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