24/06/2007

La carte des résidences de la Françafrique à Paris

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Des ONG ont porté plainte pour recel après l'achat de propriétés en France par des dictateurs africains. Visite guidée.Les ONG françaises ne veulent pas lâcher la Françafrique. Dernière trouvaille: une plainte pour "recel de détournement de biens publics et complicité", déposée le 27 mars devant le tribunal de grande instance de Paris.

La plainte vise notamment l’acquisition de biens immobiliers de luxe par des personnalités africaines. Et en particulier deux figures du continent: les Présidents congolais Denis Sassou N’Guesso et gabonais Omar Bongo Ondimba.

Après un peu de réflexion et quatre dimanches électoraux, le Parquet de Paris a finalement décidé, lundi 18 juin, de lancer une enquête préliminaire confiée à l'Office central de répression de la grande délinquance financière (OCRGDF).

Les faits dénoncés sont connus depuis longtemps. De nombreux chefs d’Etat, surtout lorsqu’ils sont à la tête d’un émirat pétrolier, ont pris pour habitude de blanchir des fonds, illégalement détournés des recettes de l’Etat, dans l’immobilier. Hôtel particulier dans le XVIe arrondissement, duplex de luxe ou château à la campagne: il y en a pour tous les goûts.

Pour les associations Sherpa, Survie et la Fédération des Congolais de la diaspora, cette décision "doit permettre d’établir les responsabilités pénales individuelles de ceux qui ont détourné l’argent public de leur pays et qui l’ont ainsi appauvri".

Voilà pour le volet judiciaire. Mais la politique n’est jamais loin dans ce type de procédure. "Une culture d’impunité tranquille est pour la première fois ainsi ébréchée", poursuit le communiqué commun des associations. Les Français prennent ainsi le relais de la campagne initiée en juin 2002 par le collectif anglo-saxon Publish What You Pay, auquel s’étaient déjà ralliées les associations pré-citées.

Une innovation juridique possible

Cette procédure a-t-elle plus de chances d’aboutir que l'Initiative de transparence des industries extractives (EITI) de Tony Blair? L’argumentaire des juristes sollicités par les ONG françaises pour rédiger la plainte consiste à dresser un parallèle entre la jurisprudence sur les délits économiques et la corruption à grande échelle des dictateurs africains.

"De manière parallèle, en matière d'abus de biens sociaux, il est admis que des fonds sociaux prélevés par le dirigeant social l'ont nécessairement été dans son intérêt personnel s'il n'est pas justifié qu'ils ont été utilisés dans le seul intérêt de la société", est-il ainsi notifié. "Un tel raisonnement peut être appliqué, par analogie, pour un chef d'Etat, à l'égard du délit de détournement de biens publics et/ou de recel de détournement de biens publics."

Une convention internationale signée en 2005 est également invoquée dans ce document. "La France a été également le premier des pays du G8 à ratifier la convention internationale des Nations unies de lutte contre la corruption, dite de Mérida, qui fait de la restitution des biens et argent détournés un principe fondamental du droit international.

Pour autant, il n’est pas évident que des magistrats osent franchir le Rubicon de l’immunité judiciaire des chefs d’Etat en exercice. Si tant est qu’ils parviennent à traverser le mur des prête-noms et des hommes de paille.

Remue-ménage politique en vue

En réalité, s’ils visent le doyen de la Françafrique, les militants des ONG cherchent aussi à rappeler à l’opinion que la "rupture" prônée par Sarkozy peut s’étendre jusqu’au Gabon.

Omar Bongo Ondimba jouit en la matière de l’aura des pionniers. Tout commence en 1975, dans les couloirs d'une banque privée longtemps restée confidentielle, la French International Bank for Africa (Fiba). Cette dernière est fondée par le groupe pétrolier Elf et la famille Bongo, afin de bénéficier d’un guichet simplifié où les clients pouvaient retirer des sommes en liquide sur un simple appel du Président gabonais.

Comme l’expliquait au moment du procès Elf un ancien ministre des Finances congolais, N’Guila Mougounga, le compte de chaque Etat était alimenté directement par la manne pétrolière. Certains riches particuliers triés sur le volet avaient aussi la possibilité de détenir un compte à la Fiba.

Si la banque d’Elf n’existe plus depuis les enquêtes menées en France et en Suisse par quelques juges intrépides, les circuits de détournement de l’argent public ont été externalisés. Ce qui rend les choses à la fois moins risquées, d’un point de vue judiciaire, et plus fragiles, du point de vue de la fiabilité des opérations financières. Jusqu’à la prochaine offensive judiciaire...

de david servenay(rue 89)

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