23/06/2007

Le géant pharmaceutique Abbott poursuit Act Up

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Sida . Le laboratoire accuse l’association de piratage informatique après une « attaque virtuelle », le 26 avril dernier, pour perturber le site du groupe.

Le fait est rarissime. D’ordinaire très soucieux de leur image, les groupes pharmaceutiques tentent depuis des années d’entretenir d’étroites relations avec les militants de la lutte contre le sida. Multipliant les conférences, octroyant des subventions. Cette semaine pourtant, le laboratoire Abbott, déjà dans la ligne de mire de nombreux activistes, a décidé de poursuivre l’association française Act Up, à l’origine d’une Net strike (« attaque virtuelle ») le 26 avril dernier. Pendant quelques heures, plusieurs centaines de personnes dans le monde s’étaient connectées en même temps et à de nombreuses reprises pour saturer le site Internet du groupe pharmaceutique.

Familière des actions coup- de-poing, Act Up se défend d’avoir voulu « détruire » le site Web d’Abbott. « Nous voulions simplement attirer l’attention de ses actionnaires à la veille de leur assemblée générale sur la politique scandaleuse et meurtrière de la compagnie », précise Léo Noleti, responsable des questions internationales de l’association. En cause, la décision prise au printemps par Abbott de ne plus commercialiser ses nouveaux traitements en Thaïlande. « Ils ont refusé par exemple de mettre sur le marché un antirétroviral, l’Aluvia, détaille le militant. Or, contrairement à son ancienne version (commercialisée sous le nom de Kaletra - NDLR), il est thermostable, donc très utile dans un pays chaud, rural, où tout le monde, loin de là, ne dispose pas d’un congélateur. »

Cette décision est en réalité une mesure de rétorsion à l’encontre du gouvernement thaïlandais. Conformément au règlement de l’Organisation mondiale du commerce et notamment aux accords de Doha de 2001, celui-ci a décidé d’émettre des licences obligatoires sur plusieurs antirétroviraux, dont un médicament distribué exclusivement par Abbott. Licences obligatoires qui permettent aux gouvernements soit de fabriquer eux-mêmes le produit, soit d’importer des génériques, moins chers et de qualité équivalente. « La décision d’Abbott revient donc à priver, en toute connaissance de cause, les malades thaïlandais d’un médicament indispensable », dénonce également l’association AIDES, qui a apporté son soutien à Act Up et menacé de boycotter Abbott s’il ne retirait pas sa plainte.

Pour le groupe pharmaceutique, le Net-strike aurait « perturbé gravement ses installations » et interrompu certaines de ses activités commerciales. « Par cette action judiciaire, Abbott a voulu marquer le coup : si Act Up réclame d’être entendu, nous aussi ! Et nous estimons qu’il existe bien d’autres voies légales pour protester », explique une porte-parole d’Abbott France. Accusé de piratage informatique, Act Up est donc poursuivi pour entrave au fonctionnement d’un système automatisé de données et détention ou mise à disposition d’un outil qui permet l’entrave au fonctionnement d’un site Internet. Ses militants risquent jusqu’à cinq ans de prison et 75 000 euros d’amende. L’audience a été fixée au 26 octobre prochain.

Lénaïg Bredoux

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