LE MONDE ECONOMIE | 12.06.07 | 12h09 • Mis à jour le 12.06.07 | 17h28
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Chacun est bien dans son rôle : le conseil de la Caisse nationale d'assurance-maladie (CNAM), réuni jeudi 7 juin, a entendu son directeur, Frédéric Van Roekeghem, proposer plusieurs pistes pour économiser 900 millions d'euros. Ce, afin de répondre dans les temps (avant le 30 juin) à l'interpellation lancée le 29 mai par le Comité d'alerte sur l'évolution des dépenses de santé, composé de trois experts indépendants chargés de signaler tout dérapage financier supérieur à 0,75 % de l'Objectif national de dépenses de l'assurance-maladie (Ondam) voté chaque année par les députés (144,8 milliards pour 2007).
Or, l'Ondam serait dépassé de 2 milliards au rythme de progression observé au premier semestre. La Confédération syndicale des médecins français (CSMF), principal syndicat des médecins libéraux, a "mis solennellement en garde" contre "toute mesure faisant peser sur une catégorie de médecins les effets du plan d'économie" ; les syndicats de salariés, de leur côté, ont exigé que l'effort ne porte pas sur les assurés ; le gouvernement, via un communiqué commun des ministres de la santé, Roselyne Bachelot, et du budget et des comptes publics, Eric Woerth, a promis qu'il sera "attentif à ce que les accords signés avec les professionnels de santé soient respectés". Faut-il penser, en particulier, à celui qui, le 16 mars, en pleine campagne électorale, prévoyait d'augmenter au 1er juillet la consultation des généralistes de 21 à 22 euros, malgré l'opposition de M. Van Roekeghem ?
"RECRUTER DES EXPERTS"
Ainsi la Sécurité sociale se prépare-t-elle, dans le désordre, à son énième plan de redressement (au rythme d'un tous les dix-huit mois depuis... 1976), en attendant le prochain : "Je confirme qu'il nous faudra trouver des nouvelles économies sur l'assurance-maladie", a indiqué au Figaro, le 7 juin, le président de la République, Nicolas Sarkozy, qui, en la matière, semble donc moins pressé d'obtenir une "rupture" que sur le marché du travail ou la fiscalité, où des réformes que le locataire de l'Elysée estime "structurelles", ont été annoncées. La question du système de santé n'a pas été abordée pendant la campagne électorale et, selon un bon connaisseur du dossier, "il semble qu'il n'y ait pas de projet de réforme en profondeur tout prêt à surgir des cartons une fois les législatives passées. Les ministres concernés en sont encore à tenter de recruter dans leurs cabinets des experts de ce domaine !" Il est vrai que la véritable échéance n'interviendra qu'à l'automne, au moment du débat sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS). Mais la gestion du dossier par trois ministères (santé, comptes publics et affaires sociales) risque de compliquer les arbitrages.
Pourtant, comme l'écrivent deux économistes du Fonds monétaire international dans une récente étude éditée par le FMI ("What Macroeconomists Should Know about Health Care Policy", de William C. Hsiao et Peter S. Heller), "les pressions croissantes provenant du secteur de la santé - dues en partie au vieillissement des populations, en partie au rythme du progrès des technologies médicales - menacent les équilibres fiscaux, l'inflation et même la balance des paiements courants". Autrement dit, les coûts de santé constituent l'un des problèmes macroéconomiques majeurs des pays développés et ne peuvent être traités à partir d'une approche comptable, cherchant à compenser les déficits croissants par le rationnement des soins et la recherche de nouvelles recettes, à l'instar des franchises prévues pour 2008 ou la TVA sociale envisagée. Pour autant, les auteurs mettent aussi en garde contre des solutions structurelles inspirées du fonctionnement des marchés, dans la mesure où, dans le secteur de la santé, ces marchés sont "défaillants" en raison de l'asymétrie entre l'offre (de soins) et la demande (des patients), ce qui exige l'intervention de l'Etat pour réguler les tendances inflationnistes de l'offre et assurer les risques non couverts.
En France, l'indispensable redéfinition des rapports entre l'offre "libérale" de soins et l'assurance collective de la demande ne semble pouvoir obtenir le consensus politique nécessaire à sa mise en oeuvre. A la CNAM, comme au gouvernement, on espère que les réformes lancées préalablement n'auront pas épuisé leurs effets financiers avant longtemps et, surtout, qu'elles habitueront les professionnels de santé à de nouvelles pratiques plus "responsables" et efficientes. Le dispositif du médecin traitant et le dossier médical personnalisé - deux mesures de la loi Douste-Blazy d'août 2004 - permettent, sur le papier, d'améliorer la coordination des soins, d'influencer les pratiques médicales et l'organisation territoriale de l'offre... à condition de les utiliser à cet effet. Le plan Hôpital 2012 annoncé en février, qui prend le relais du plan Hôpital 2007 lancé en 2002, devrait permettre de généraliser la tarification à l'activité (T2A) et la réorganisation des hôpitaux en pôles autonomes plus souples à gérer. "Même si les applications ne sont pas spectaculaires, il y a un lent progrès de la culture de gestion", observe un expert du secteur, pour qui il faut allier "efficience gestionnaire et qualité des soins, la seule chose qui intéresse les médecins".
Antoine Reverchon
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