22/07/2007

Christine Lagarde voit des paresseux partout.

Partager



"Il faut cesser de penser et se retrousser les manches." Après son discours, elle a gagné un surnom : « l’Américaine »



Jérôme Canard La canard enchaîné n° 4525 du 18 Juillet 2007



Le premier ministre, encore sous le choc a dû en convenir : Elle n’a pas un style vraiment populaire, quand même … » François Fillon commentait ainsi, le 12 Juillet, devant quelques proches, la mémorable prestation de sa ministre de l’Economie Christine Lagarde. Laquelle venait de présenter, deux jours plus tôt à l’assemblée le fameux projet de loi en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat (Tepa ) Une envolée à l’américaine qui a m^me laissé sur place son très libéral sous-ministre au Commerce extérieur, Hervé Novelli. Il confiait avoir été « très surpris » du ton de « la patronne »



Quand à l’intéressée, elle l’a admis : « Je sais que j’ai commis quelques petites maladresses, mais je ne recommencerai plus » Il faut dire que le 10 Juillet, face aux députés, Lagarde n’y est pas allée avec le dos de la petite cuillère en argent …



Ainsi les français l’ignoraient : le travail c’est rien que du bonheur ! Ils doivent cette révélation à la ministre qui leur a ouvert les yeux dans son discours philosophico-politique sur la « valeur travail », aussi historique que délirant. Depuis des siècles, en effet, on leur mentait. La faute, en gros, aux fainéants, aux gauchistes, et à « quelques bobos à la mode », a t-elle dit, qui le dénigrent, selon une bonne vieille « tradition française du mépris qui trouve sa source dans l’Ancien régime ». Tradition qu’ « on retrouve au XIX è siècle chez de nombreux auteurs Paul Lafargue dans son livre ‘’ Le droit à la paresse ’’ recommande à l’homme de ne travailler que trois heures par jour, et de passer le reste du temps à fainéanter et bambancer » s’est aussi indignée la patronne de Bercy. Et le dernier avatar de ce droit à la paresse, c’est la loi des 35 heures, ultime expression de cette tendance historique à considérer le travail comme une servitude » ! L’ouvrier qui trime n’a jamais compris sa chance …



Et la ministre, déchaînée, de s’en prendre joyeusement après Tocqueville et Mirabeau, au sage Confucius, qui conseillait, il y a bien longtemps : « Choisissez un travail que vous aimez, et vous n’aurez plus à travailler un seul jour ». Toutes ces subtilités ont échappé à la femme de ménage ou à la caissière de supermarché …



Ce n’est pas le cas de la Ministre Christine Lagarde, et pour cause : cette grande prêtresse de l’économie mondiale est un peu déconnectée du terrain. Elle oublie de le rappeler dans ses discours, mais avant de revenir en France en 2005, comme sous-ministre au commerce extérieur de Villepin, puis de rejoindre Bercy deux ans plus tard, sa connaissance du monde du travail s’est forgée dans les milieux d’affaires américains et les salons VIP internationaux. Et moins sur les chaînes de montage automobiles.



Pour mémoire, C. Lagarde a effectué la majeure partie de sa carrière comme avocate au cabinet Baker & Mac Kenzie de Chicago, l’un des plus gros de la planète, où elle est entrée à 25 anss en 1981. Dès 1991, elle en est devenue « avocat associé », un statut qui l’a sûrement poussée, dans on laïus du 10 Juillet, à lancer cette jolie formule : « Une feuille de paie est le plus sûr garant de la paix … » Aux Etats Unis, C. Lagarde avait effectivement la paix : dans un cabinet comme Baker & Mac Kenzie, la rémunération annuelle d’un avocat associé va du million au million et demi de dollars.



A Chicago, par la suite, C. Lagarde est montée en grade Elle a pris la tête de ce cabinet de 1999 à 2004. Du coup « le Canard » a sollicité la « chief exécutive » de Bercy pour connaître son salaire à cette époque. Elle nous a juré qu’elle n’émargeait alors qu’à « 800 000 dollars, soit quelques 600 000 euros » Ca rapproche tout de suite des travailleurs. Et on mesure le sacrifice qu’elle a consenti en condescendant à devenir ministre en France.



Enfin, la ministre a regretté aussi que la France soit « un pays qui pense, alors qu’il faut cesser de penser, de tergiverser et se retrousser simplement les manches ». Pourtant, elle-même pensait naguère. Dans sa réflexion étasunienne, elle a compté parmi les membres actifs du Centre d’études stratégiques et internationales (CSIS) de Washington. Autrement dit un puisant cercle de réflexion euro atlantique, truffé de businessmen et de barbouzes, où l’on cogite beaucoup, mais plutôt en faveur des intérêts militaires américains …



C’est simple, le 14 Juillet, devant des journalistes, Sarko 1er était en extase, en évoquant sa protégée : « C’est la meilleure ministre qu’on ait jamais eue aux finances. Elle bat tous les records ! » Sur ce dernier point, on peut difficilement lui donner tort.


Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire