02/07/2007

Code du travail

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Alerte !Code du travail (suite1) : Quand Larcher recodifie/Vu sur Indymédia

Quand Larcher recodifie...

(petite histoire d'un processus qu'il est urgent d'enrayer !)

La recodification du Code du travail devait être achevée en juin 2006 et constituer le temps fort du centenaire du ministère du Travail. Cette opération gigantesque a pris du retard, mais Gérard LARCHER se dit déterminé à la mener à bien avant la fin de l'année. Il est encore temps d'empêcher cette réécriture aussi inutile que dangereuse.

Un simulacre de concertation

Le 16évrier 2005, Gérard LARCHER lançait le processus de recodification du Code du travail. Il s'agissait selon lui d'une réécriture à droit constant, donc sans modification des normes, visant à rendre le droit social plus lisible par les usagers, en premier lieu les salariés, les patrons de PME, les artisans…

Cette recodification devait aussi reposer sur la « participation active » des partenaires sociaux. Une commission a été mise en place à cet effet en avril 2005. Au bout de quelques mois de fonctionnement, une toute autre réalité est apparue. Nous étions confrontés à une mise à plat du Code du travail, à l'écriture d'un texte nouveau qui en modifiait substantiellement le contenu, le sens général et, à terme, l'interprétation jurisprudentielle. La concertation annoncée virait à la caricature.

Le calendrier initial, fixé par la loi d'habilitation du 9 décembre 2004, prévoyait la promulgation par ordonnance de la partie législative du Code du travail « réécrit », dans un délai de 18 mois. Le nouveau plan (en huit parties) puis les projets de texte ont été élaborés par une cellule ministérielle sous l'autorité du directeur des relations du travail, Jean-Denis COMBREXELLE (devenu entre temps directeur général du travail), en liaison avec la Commission supérieure] de codification, deux conseillers d'État détachés pour la circonstance et un comité de cinq experts… que nous n'avons jamais pu obtenir de rencontrer.

Le résultat de ce travail était soumis aux partenaires sociaux, morceau par morceau, à raison d'une réunion mensuelle d'environ trois heures, où nous étions censés examiner des documents de quelques centaines de pages. Rarement prises en compte, les modifications demandées par les organisations syndicales (en général de façon unanime) étaient souvent remises en cause lors d'une réunion ultérieure à partir « d'arguments » péremptoires tirés des « principes généraux de la recodification » et des impératifs de la légistique (il s'agit d'un recueil des bonnes pratiques rédactionnelles qui devraient présider à l'élaboration des lois et règlements, concocté par les services du premier Ministre et des conseillers d'État ; on peut le consulter à partir du site de Légifrance).

Recodifier, pour quelle finalité ?

Ce processus très peu démocratique avait d'emblée un défaut majeur : l'absence de débat sur sa finalité. La simplification du droit du travail - dont on verra plus loin qu'elle est malmenée par la nouvelle rédaction - est une constante du discours patronal, souvent reprise par les pouvoirs publics et théorisée en janvier 2004 par le rapport de la commission De Virville. Pour le Medef, le Code du travail devrait à la fois être vidé d'une grande partie de son contenu (de façon à laisser la première place aux normes d'origine conventionnelle) et rendu accessible à ces malheureux chefs d'entreprise contraints de passer un temps excessif à son décryptage, au détriment de leur combat quotidien pour assurer la compétitivité de leur entreprise ! La CGT a une approche bien différente :
Il est démagogique de soutenir que le texte organisant la relation salariale dans une économie développée et un état de droit pourrait échapper à une certaine complexité.
La taille et la difficulté d'appréhension du Code du travail résultent d'abord d'une inflation législative qui a produit des textes mal rédigés, juridiquement obscurs, en particulier ces dernières années. La quasi-totalité des juristes, même fort éloignés de nos positions le soulignent régulièrement.
L'essentiel est pour nous de faciliter l'accès des salariés au renseignement, à la défense juridique, à la justice. Cela passe par la reconnaissance du rôle des syndicats dans ces domaines et par une urgente revalorisation de l'institution prud'homale.

En fait, cette réécriture ne va en rien simplifier l'utilisation du Code du travail : sa première conséquence sera d'obliger à assimiler une nouvelle architecture, une nouvelle numérotation, un vocabulaire et un style linguistique profondément modifiés. Les utilisateurs non professionnels seront les premières victimes de ce bouleversement des habitudes, dont on cherche en vain les apports en terme d'accessibilité. C'est d'ailleurs la tonalité générale des rares articles que lui a consacré la doctrine, à l'exception de celui de C. RADE (« Recodifier le code du travail », Droit social 2006 p. 483). Mais sa double qualité de membre du comité des cinq experts et de directeur scientifique du code édité par DALLOZ explique peut-être sa position…

D'autre part, cette opération, présentée (et en grande partie conduite) comme les dizaines de recodifications réalisées depuis vingt cinq ans, ignore la spécificité du droit du travail. Ses promoteurs eux-mêmes n'avaient sans doute pas mesuré l'ampleur ni la complexité de la tâche, aggravée d'ailleurs par la nécessité d'intégrer au fur et à mesure les nombreuses modifications apportées au Code du travail par les lois et ordonnances promulguées dans cette période à un rythme frénétique.

Ils n'ont pas non plus tenu compte de l'importance prise par la jurisprudence dans le droit du travail : la réécriture complète fait perdre la trace de l'origine et des modifications successives apportées par le législateur à chaque disposition. Les auteurs semblent avoir cru au mirage d'un Code du travail parfaitement clair et ne nécessitant aucune interprétation. Mais dans les faits, le jeu des scissions d'articles ou de certains regroupements peut aussi brouiller des constructions jurisprudentielles ou en induire de nouvelles. Citons par exemple le démembrement de l'actuel article L 321-1 qui réunissait la définition du licenciement économique et les obligations patronales en matière de reclassement. Ces deux dispositions seraient maintenant insérées dans deux articles distincts, placés dans deux sous-sections différentes.
Avec cet exemple, nous abordons l'autre point noir de cette recodification : elle n'a que l'apparence du « droit constant ».

Un droit bien peu constant

L'examen détaillé des textes présentés révèle les mécanismes pervers qui nous éloignent d'une recodification à droit constant. En voici les principaux éléments.

Le déclassement d'articles de législatif en réglementaire. _ Les articles numérotés L… résultent d'une loi votée par le parlement. Ceux numérotés R… ou D… proviennent de décrets, c'est-à-dire de décisions gouvernementales unilatérales. Changer la catégorie d'une disposition permet de la modifier de façon rapide… et beaucoup plus discrète. Cela concerne surtout les questions de compétence ou de procédure. Par exemple, là où l'article législatif du code actuel prévoit une compétence de l'inspection du travail, on le remplace par « l'autorité administrative » et un nouvel article réglementaire précisera que cette autorité est l'inspecteur du travail. Mais pourrait être aussi le directeur départemental du travail, avec une différence substantielle : l'inspecteur du travail, lui, a un statut et une indépendance garantie par la convention de l'OIT. De même, le conseil de prud'hommes disparaît parfois au profit du « juge judiciaire ». Or, il y a une différence de taille entre un recours prud'homal, devant un tribunal de proximité, sans avocat obligatoire, avec une procédure orale et simple et la saisine d'un TGI avec ministère d'avocat et procédure beaucoup plus contraignante.
La raison invoquée est que la recodification doit être l'occasion de réparer les erreurs du législateur qui a mal interprété l'article 34 de la constitution et légiféré avec un niveau de détail qui ne lui appartenait pas. Mais nous sommes là au cœur du problème : le Code du travail régit un contrat très particulier, la relation salariale, dont les parties sont en positions complètement inégales. C'est pour cela qu'il complète et souvent remplace les dispositions ordinaires du Code civil et prévoie des corps de contrôle, administratifs ou judiciaires, exorbitant du droit commun. Notons en outre que ce procédé conduit à une duplication des articles et à un accès plus difficile aux procédures applicables. Le nouveau code devrait dépasser les 3000 articles !

L'externalisation vers d'autres codes Des dispositions qualifiées de « sectorielles » se retrouveraient dans le Code rural (salariés agricoles) ou dans le code de l'action sociale et de la famille (assistants familiaux et autres services à la personne) ou dans celui des transports, alors que le Code du travail devrait être le cadre d'un traitement complet de la relation salariale. Ne s'agit-il pas d'encourager un mouvement vers des droits du travail différents selon les branches d'activité ? Voire même de préparer un nouveau « déclassement », des dispositions légales ou réglementaires devenant du ressort de la convention collective. Or, pour la CGT, les partenaires sociaux ont un rôle à jouer pour l'amélioration du droit en fonction des branches d'activité, mais cela ne saurait exonérer la puissance publique d'établir et de faire respecter des normes protectrices valables pour tous les salariés, notamment ceux qui sont en position de faiblesse. De surcroît, ces externalisations seront une source de complexité supplémentaire.

La magie du plan et des titres La structure générale du nouveau code n'est pas neutre.
C'est par exemple dans la partie 1 (relations individuelles de travail) que l'on traite de tous les aspects du licenciement économique, y compris des aspects collectifs de la procédure dont la finalité devrait être d'abord la prévention des suppressions d'emplois et non pas le seul traitement des conséquences sociales des restructurations. Autre chose aurait été de l'inclure dans la partie consacrée à l'emploi. Laquelle est d'ailleurs centrée sur la promotion des dispositifs gouvernementaux et réussit l'exploit de ne comporter aucun titre évoquant des droits pour les privés d'emploi ! Que penser aussi du traitement du temps de travail dans une partie également consacrée aux salaires, à la participation et à l'épargne salariale ? S'agit-il de rappeler le principe Raffarinesque - et repris par le candidat SARKOZY : « si vous voulez gagner plus, travaillez plus » ?

Le texte présenté met souvent sur le même plan la règle et les dérogations, qui acquièrent ainsi une valeur égale. S'agissant par exemple de la durée du travail, une section « Durée légale et heures supplémentaires » est suivie d'une section « Conventions de forfait ». Laquelle illustre la manière dont l'ordonnancement des articles modifie l'origine et la signification des dispositions qu'ils contiennent : dans la loi Aubry II, les forfaits en jours sont une modalité d'organisation du temps de travail concernant certaines catégories de cadres. Les lois Fillon ont introduit une extension dérogatoire à des non cadres, présentée comme telle dans le même article et héritant par conséquent des quelques garanties prévues pour les cadres soumis à ce régime. Dans le nouveau texte apparaît une sous section consacrée au forfait en jours des non cadres, distincte de celle concernant les cadres. Ainsi, une nouvelle modalité autonome est créée ; et quid des garanties évoquées ci-dessus ?
De nombreuses autres illustrations pourraient être données. On pourra se reporter, sur ce point comme sur les autres, à l'excellent article de Manuéla GREVY et Alexandre FABRE publié dans le numéro de décembre de la Revue de Droit du Travail.

Vocabulaire et grammaire Certes utilisé d'abord par des professionnels du droit, rompus au vocabulaire et à la précision juridique, le Code du travail porte aussi des conceptions du rapport salarial destinées à tous et adresse des messages aux employeurs. Le vocabulaire et la syntaxe utilisés ne sont donc pas anodins.

Or, en application du fameux guide de légistique, les formules impératives (« l'employeur doit informer… ») laissent place systématiquement au présent de l'indicatif (« l'employeur informe… »). Quand le salarié lira par exemple « l'employeur remet un certificat de travail », comprendra-t-il nécessairement qu'il y a là une obligation absolue dont le non-respect sera sanctionné devant le juge des référés ou devant le bureau de conciliation d'un conseil de prud'hommes ? Cette uniformisation du temps utilisé va aussi effacer les différent degrés d'impérativité que comporte le texte actuel : : leur portée symbolique disparaît et il reviendra au juge de rétablir cette hiérarchie à travers les conséquences à tirer d'une violation des obligations patronales.
Le vocabulaire utilisé prête à interprétations diverses : les prud'hommes ne servent-ils qu'à la « résolution des litiges » ; les termes « temps de travail » et « temps de travail effectif » utilisés selon les articles sont-ils vraiment synonymes, etc.
le lundi 2 juillet 2007 à 23h42

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