lundi 16 juillet 2007
Répression des mineurs : le contre-exemple américain/ Le Monde Diplomatique
Le 5 juillet, au terme d’un examen mené tambour battant par la ministre de la justice Rachida Dati, le Sénat français a adopté le projet de loi renforçant la lutte contre la récidive des majeurs et des mineurs. L’Assemblée nationale en débattra à son tour à partir du 17 juillet. Les peines minimales instaurées par ce texte s’appliquent aux mineurs ; s’ils sont âgés de plus de 16 ans, ceux-ci se voient retirer l’excuse de minorité dès le troisième acte de violence.
Ces mesures s’inscrivent dans une politique de recours massif à l’incarcération — une note de l’administration pénitentiaire publiée le 11 juillet prévoit environ 80 000 détenus en 2017, alors qu’ils sont actuellement au nombre de 60 800 pour 50 500 places. Elles signifient également un nouveau durcissement de la loi à l’égard des mineurs délinquants.
C’est dans ce contexte qu’un éditorial de l’International Herald Tribune (1) vient rappeler le caractère à la fois « inhumain et contre-productif » de la suppression du traitement spécial pour les mineurs. Au cours des dernières décennies, en effet, les Etats américains ont jugé un nombre croissant de mineurs comme des adultes, en les enfermant dans les mêmes prisons que ces derniers. Or, comme l’a encore montré une étude (2) publiée au printemps dernier par l’American Journal of Preventive Medicine, cette politique a eu des conséquences désastreuses : les enfants concernés ont, par la suite, commis davantage de crimes violents que ceux qui avaient été jugés et incarcérés en tant que mineurs. En outre, souligne le journal, la moitié de ceux qui avaient été traduits en justice dans ces conditions n’ont pas été condamnés — mais ont tout de même fait de la détention préventive avec des adultes.
Enfin, il est établi que les mineurs noirs ont davantage de « chances » d’être jugés et condamnés comme des adultes. La déclaration de M. Nicolas Sarkozy justifiant la modification de l’ordonnance de 1945 par le fait que « les mineurs de 1945 n’ont rien à voir avec les géants noirs des banlieues d’aujourd’hui », le 28 juin 2006 en conseil des ministres (lire « La discipline s’impose dès le berceau »), ne permet pas d’affirmer qu’il n’en sera pas également ainsi en France. Un paradoxe au moment où la France, au nom de la protection des mineurs, prend une part active à la campagne internationale pour la libération et la réinsertion des enfants-soldats.
(1) « Juvenile justice in America », International Herald Tribune, 12 juillet 2007.
(2) Lire Michael Tonry, « Treating Juveniles as Adult Criminals. An Iatrogenic Violence Prevention Strategy if Ever There Was One » (PDF), American Journal of Preventive Medicine, avril 2007.
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