Par Thomas Huet (Etudiant et Journaliste) 10H10 04/07/2007/Rue89
Le 21 juin, Phan Jadthaisong et son fils, au tribunal administratif de Paris, (DR).
Le vœu de Brice Hortefeux d’éloigner du territoire français 25000 étrangers en situation irrégulière fait peur… mais ne résigne pas les parents mobilisés autour de leurs homologues sans-papiers. L’école Télégraphe du XXe arrondissement de Paris en offre un bel exemple.
Jeudi 21 juin, les enseignants s’étaient mis en grève pour soutenir et accompagner Phan Jadthaisong au tribunal administratif de Paris avec une trentaine de parents et enfants. Une dernière instance examinait sa demande de régularisation. A deux jours du verdict, les parents ont démontré une nouvelle fois leur détermination en réunissant, mardi, une soixantaine d’habitants du quartier autour d’un apéritif de soutien pour la maman thaïlandaise.
Les enfants ont alerté les parents
Ils se souviennent aussi du curieux mélange dans le cortège accompagnant la mère de Jame au tribunal administratif de Paris le 21 juin. Dans le groupe, rires d'enfants et mines inquiètes des parents se mélaient. Tous tenaient à manifester leur solidarité pour Phan Jadthaisong, installée en France depuis 1998.
"On s’est rapproché de Jame parce qu’il risque d’être renvoyer de France", expliquent Samy et Thibault, élèves de CM2. "En fait, on ne voit pas la différence entre un enfant sans-papiers et un autre." Les questions des enfants ont ainsi alerté les parents. Une sensibilisation vite suivie d’une grande mobilisation l’année dernière.
A l’époque, l'action de RESF et les parrainages républicains ont fait sortir du bois les parents en situation irrégulière. Dix-neuf familles se sont alors fait connaître dans l’école Télégraphe. Sept ont depuis obtenu leur régularisation.
En mars, Phan Jadthaisong a donc reçu une Obligation de quitter le territoire français. Ces fameuses OQTF, ajoutées par l’ex-ministre de l’Intérieur en décembre à l’arsenal juridique des moyens d’expulsion des sans papiers. Dans les couloirs des tribunaux administratifs, on appelle communément ces dossiers les "rejets de circulaires". Lucile Besse, avocate de Madame Jadthaisong:
"Ce sont des cas difficiles à traiter, car l’administration est de moins en moins sensible au retour des parents avec des enfants nés et scolarisés en France."
"Son enfant n’a que 7 ans et demi et parle le thaïlandais, il n’y a donc pas d’obstacles à l’expulsion de Phan Jadthaisong": c'est l’avis rendu par le commissaire du gouvernement au juge présidant la cour. Il n’augure pas de bonne nouvelle concernant la décision du tribunal rendue jeudi. Quatorzième d’une longue liste, l’examen de la demande de Phan Jadthaisong aura pris à peine plus de cinq minutes.
"Faudra-t-il qu'on leur coupe la langue?"
En rejoignant une partie du groupe retenue derrière la grille du tribunal, parents et enseignants expriment leurs regrets. "Faudra-t-il qu’on leur coupe la langue?" s’insurge, devant l’avis du commissaire, Isabelle Abiven, une maman présente dans la salle. Les enseignants se disent aussi choqués. "Je me suis demandé si on parlait d’un déménagement ou d’une famille", s’étonne Marianne Lucy, enseignante en CE2. L’impact psychologique de ces situations sur les enfants est difficilement perceptible pour les enseignants.
Devant le tribunal administratif de Paris, des parents sont refoulés à l'entrée (DR).
A l’issue de l’audience, le petit Jame, lui, s’est enfui. Il a été rapidement rattrapé. Jusqu’alors, son institutrice n’avait pas noté de troubles chez cet élève sans problèmes. Catherine Gégout, élue PCF au conseil de Paris, présente durant l’audience, estime que les critères qu’ont utilisés les préfets pour leur décision sont trop subjectifs. Selon elle, c’est par la mobilisation de la population qu’on arrivera à sensibiliser les pouvoirs publics.
En attendant, parents et enseignants de l’école Télégraphe veulent continuer à se battre pour les douze familles sans-papiers de l’école. "Le danger, c’est que la mobilisation perde son souffle avec les vacances", explique Annie Gafforelli, la marraine républicaine de Phan Jadthaisong. Alors, avec le soutien de plusieurs élus de Paris, le réseau se met en ordre de bataille pour organiser "la veille de l’été."
Des consignes en cas d'urgence
Les parents sans-papiers ont reçu des instructions. Ainsi, ils conservent toujours garder sur eux un certificat de scolarité de son enfant. Un numéro de portable est aussi distribué pour les cas d’urgence, et un répertoire des coordonnées des parents et enseignants présents à Paris durant l’été a été constitué.
A quelques jours de son départ en colonie, Jame a déjà la tête en vacances. Phan se dit "encouragée par tout ce soutien". Les parents de RESF pensent pour leur part à la prochaine étape de leur mobilisation: le bal sans frontières du 7 juillet, organisé place des Fêtes. Eux aussi on fait un vœu: partager une danse de la joie avec Jame et sa maman.
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