ar Claudia Kade et Natalia Reiter
BERLIN (Reuters) - La proposition française de coopération nucléaire avec la Libye fait polémique en Allemagne, où de nombreux députés considèrent qu'elle est une nouvelle manifestation de l'attitude de "cavalier seul" du président Nicolas Sarkozy en matière de politique étrangère.
Nicolas Sarkozy a signé un mémorandum d'entente portant sur la fourniture par la France d'un réacteur nucléaire à la Libye, au cours d'une visite à Tripoli qui avait pour but de renforcer les relations entre les deux pays.
Cette visite a été annoncée dans la foulée de la libération par la Libye des infirmières et du médecin bulgares condamnés à mort après avoir été accusés d'avoir inoculé le virus du sida à des centaines d'enfants libyens.
Bien que cette libération ait coïncidé avec une médiation effectuée en Libye par Cécilia Sarkozy, et dont l'Elysée n'a pas communiqué les détails, le président français a affirmé qu'il ne fallait voir aucun lien entre le dénouement de l'affaire des infirmières et la conclusion d'un accord sur le nucléaire.
Vendredi, un des plus hauts responsables du parlement allemand a accusé Sarkozy de "chercher à faire trop de choses à la fois" en lui reprochant de ne pas avoir consulté ses partenaires européens avant de prendre une décision aussi stratégique que l'accès à l'énergie nucléaire.
ENGAGEMENT PREMATURE ET DANGEREUX
"Même si cela prend du temps, la France devrait s'intéresser au renforcement des politiques extérieures et de sécurité de l'Europe", a déclaré Rupretch Polenz, le chef de file de la commission des Affaires étrangères au Bundestag.
"Mais ce n'est pas ce qui se passe avec ces initiatives unilatérales."
D'autres responsables de la coalition d'union au pouvoir à Berlin ont estimé qu'il était prématuré, voire dangereux, de s'engager sur un projet d'énergie nucléaire avec un Etat qui vient à peine de sortir de plusieurs décennies d'isolement diplomatique.
Cela fait moins de quatre ans que le dirigeant libyen Mouammar Kadhafi a annoncé qu'il renonçait à ses programmes d'armes nucléaires, chimiques et biologiques.
"Même si Kadhafi ne s'intéresse plus aux armes nucléaires, on ne peut pas savoir qui sera au pouvoir après lui, et ce qui se passera alors", a dit Ulrich Kalber, adjoint du chef de file du groupe social-démocrate au parlement.
Les capitales ont levé leurs sanctions diplomatiques contre la Libye et les grandes puissances lorgnent désormais du côté des lucratifs contrats à saisir dans le secteur des hydrocarbures libyens.
"Cette coopération franco-libyenne dans le domaine du nucléaire civil est la preuve que les pays qui respectent pleinement leurs engagements internationaux de non-prolifération peuvent retirer tous les bénéfices des usages pacifiques de l'énergie nucléaire", a fait valoir le ministère français des Affaires étrangères.
"Il ne faut pas confondre l'usage civil avec l'usage militaire", a souligné le Quai d'Orsay, précisant que la négociation avec Tripoli avait début en 2004 et que les partenaires de la France en avaient été informés "en de multiples occasions".
REACTION ALLEMANDE DISPROPORTIONNEE?
Ce n'est pas la première fois depuis son accession à l'Elysée, le 16 mai, que Sarkozy se heurte à la chancelière Angela Merkel.
Les efforts du président français pour affaiblir l'euro et ses appels en faveur d'un contrôle accru de la Banque centrale européenne ont provoqué des tensions entre les deux capitales.
Les spécialistes de la relation franco-allemande affirment que la rivalité entre les deux dirigeants s'est vue lors du dernier sommet européen. Sarkozy, disent-ils, a volé la vedette à Merkel qui, pourtant, le présidait.
Sarkozy a justifié l'accord sur le nucléaire avec la Libye par la nécessité de faire confiance aux pays arabes quant à leur capacité à développer ce genre de technologie à des fins pacifiques au risque, dans le cas contraire, de froisser les populations de cette zone et de favoriser une guerre des civilisations.
L'Arabie saoudite, la Jordanie et l'Egypte disent vouloir développer des programmes nucléaires civils. Washington craint pour sa part que les ambitions nucléaires iraniennes ne provoquent une course aux armes nucléaires dans la région.
Un diplomate français a pour sa part jugé disproportionnée la réaction allemande, en affirmant que la Libye coopérait avec l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) de Vienne et avait signé tous les accords internationaux nécessaires. L'AIEA a refusé de s'exprimer à ce sujet.
Ce n'est pas la première fois que la France offre une technologie nucléaire à un pays arabe.
Des entreprises françaises travaillaient à la construction d'une centrale nucléaire en Irak aux termes d'un accord avec Saddam Hussein, jusqu'à ce qu'en 1981 des frappes israéliennes détruisent le projet.
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