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AFP - Vendredi 27 juillet, 14h44
DAKAR (AFP) - Le discours du président français Nicolas Sarkozy, prononcé jeudi à Dakar, a provoqué des réactions contrastées au Sénégal, où il a été plutôt mal perçu sur les questions du rejet de toute repentance après la colonisation et la responsabilisation des Africains.
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"En visite d'Etat au Sénégal, Sarkozy fait la leçon aux Africains", déclarait vendredi en Une le journal privé Walfadjri, tandis que Le Quotidien (privé) ironisait sur une "adresse aux Africains" muée en "leçon de français".
A l'adresse des "jeunes d'Afrique", le président français a affirmé jeudi que s'ils voulaient sortir de "l'arbitraire", de "la corruption", de "la violence", du "parasitisme" et du "clientélisme", c'était à eux "de le décider".
"La France ne peut pas vouloir à la place de la jeunesse d'Afrique", a-t-il encore affirmé devant un millier de personnes réunies à l'Université Cheikh Anta Diop de Dakar.
Ce discours a suscité la réprobation d'une partie de l'assistance, qui a à peine relevé la proposition de "projets communs" comme des universités ou des laboratoires, ou l'élaboration d'"une stratégie commune dans la mondialisation".
En outre, l'évocation par M. Sarkozy de l'avènement futur de "l'Eurafrique", un vaste ensemble dont son projet d'Union méditerranéenne serait, selon lui, "le pivot", est quasiment passée inaperçue.
"Il n'a pas été à la hauteur de nos attentes. Ca a été un discours docte qui a voulu donner une pédagogie aux Africains pour sortir de leurs problèmes. Mais les Africains sont conscients de leurs problèmes", a ainsi estimé Aïssata Tall Sall, membre du Parti socialiste sénégalais (PS, opposition).
"Sarkozy n'est pas allé au fond des choses", lui a reproché Mamadou Lamarana Barry, étudiant en Sciences politiques et juridiques, résumant ainsi le sentiment général d'une assistance en grande partie restée sur sa faim.
Mouhamadou Mbodj, coordinateur de l'ONG Forum civil, a en revanche estimé qu'"il ne fallait pas attendre de M. Sarkozy qu'il formule aux Africains leurs propres attentes".
"M. Sarkozy est issu d'une nouvelle génération avec laquelle il y a moins de personnalisation, d'émotion vis à vis de l'Afrique et de nouveaux intérêts dictés par la globalisation: la situation nécessitait une rupture", a expliqué M. Mbodj.
Par ailleurs, le rejet de toute repentance affiché par le président français au sujet de la colonisation, qu'il a toutefois qualifiée de "grande faute", a révolté plusieurs observateurs au Sénégal.
"C'était un discours insultant pour l'Afrique, (...) le président français se fait passer pour un homme au franc-parler et développe des thèses révisionnistes en dénonçant des hommes +mauvais+ et non un système, ce qui est désespérant de sa part", a accusé le journaliste et essayiste Abdou Latif Coulibaly.
Le président français avait pourtant fait amende honorable notamment sur le thème de l'immigration choisie, sur laquelle il est partiellement revenu.
"Si les Africains les mieux formés s'en vont, qui restera pour développer le continent ? Sur cette question (de l'émigration clandestine, NDLR), j'ai beaucoup appris du président (sénégalais Abdoulaye) Wade. Les discussions que nous avons eues m'ont fait évoluer sur une question dont je n'avais pas compris la profondeur, la sensibilité et la portée", avait notamment déclaré M. Sarkozy jeudi en conférence de presse.
"Le discours a démontré beaucoup d'audace dans l'appréciation globale de la situation en Afrique aujourd'hui", a estimé l'opposant Abdoulaye Bathily, qui a par ailleurs salué la rencontre entre M. Sarkozy et l'opposition.
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