Monsieur le président,
J’ai entendu votre appel à la jeunesse africaine pour qu’elle se prenne en main afin de développer l’Afrique, appel lancé depuis Dakar (Sénégal) le 26 juillet dernier, lors de votre première tournée subsaharienne.
Je partage la pertinence de cet appel mais je voudrais relever que vous éludez les vrais problèmes de cette jeunesse: vos pairs africains qui nous imposent de mauvaises politiques.
Il vaut mieux s’en prendre à ces derniers qu’à la jeunesse africaine. Cette jeunesse qui ne croit plus aux chimères, et qui découvre, avec grande amertume, qu’aucun avenir ne lui est véritablement préparé par ces aînés qui ne lui ont légué que la honte, la fatalité et la misère... Bref un continent sinistré.
Vous marchez sur les pas de vos prédécesseurs en voulant nous donner des leçons tout en faisant semblant de ne pas comprendre nos problèmes.
Mitterrand nous avait donné de l’espoir en imposant une exigence démocratique à nos dirigeants à la Baule. Mais vingt ans plus tard nos pays sont toujours gouvernés pas des dirigeants corrompus (comme Bongo qui dirige le Gabon depuis plus de quarante ans), pour qui les élections ne sont que l’occasion de légitimer leur pouvoir en organisant des fraudes systématiques et une répression sanglante.
Dans ces conditions, comment voulez-vous que nous prenions nos destins en main ?
Les Français se sont-ils débarrassés des Allemands nazis par des discours au contenu vague comme le vôtre ? Que seraient-ils devenus si les Américains n’avaient pas débarqué sur les côtes françaises ? Que serait devenue la France sans le plan Marshall ? Les Américains sont-ils allés à Paris avant, pour demander aux Français s’ils voulaient leur libération quand les Allemands occupaient leur pays ?
Ne nous demandez pas si nous voulons de la démocratie, si nous voulons que l’argent soit investi au lieu d’être détourné.
Cela va de soit, et il faut que la France arrête de soutenir nos dirigeants corrompus qui pillent nos ressources pour alimenter leurs comptes en banque suisses, acquérir des biens immobiliers en France et asseoir leur pouvoir dictatorial en entretenant des armées prétoriennes et des réseaux politico-mafieux.
Vous dites que « l’Afrique a sa part de responsabilité dans son propre malheur et que la colonisation n’est pas responsable des guerres sanglantes que se font les Africains entre eux, des génocides, des dictateurs, de la corruption et de la prévarication ». Vous oubliez de désigner les vrais coupables, vos pairs africains, et de dire que la politique française en Afrique depuis 1960 a contribué à cette situation.
Louis de Guiringaud n’avait-il pas déclaré dans l’Express du 15 décembre 1979 que « l’Afrique est le seul continent qui soit encore à la mesure de la France, à la portée de ses moyens. Le seul où elle puisse encore, avec 500 hommes, changer le cours de l’histoire » ?
Alors, monsieur Sarkozy, posez-vous la bonne question de savoir comment aider notre jeunesse à changer le cours de l’histoire de l’Afrique en la débarrassant des dictateurs pilleurs.
La rupture que vous prônez en France vaut aussi pour les Africains et pour la politique africaine de la France.
Il urge de vous voir réviser cette politique trop complaisante pour vos pairs africains en exigeant plus de démocratie et de transparence dans leur gestion, seul gage pour l’implication des jeunes dans le développement du continent. Il n’y a pas d’autre alternative, et nous n’aurons d’autres choix que de vouloir quitter le continent sinistré en tentant de rejoindre l’ « eldorado européen » ou de nous libérer par tous les moyens.
Bruno TSAKADI
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