Les instances des droits de l’homme condamnent les interrogatoires subis par la déléguée de l’Observatoire international des prisons.
Par HAYDÉE SABÉRAN/ LIBERATION
QUOTIDIEN : jeudi 6 septembre 2007
Lille de notre correspondante
Les policiers lillois ont-ils dû faire marche arrière, sous la pression des instances nationales et européennes de droits de l’homme, après avoir questionné de façon un peu trop pressante la déléguée de l’Observatoire international des prisons (OIP) à Lille ?
Brimades. Mi-juin, des lettres de détenus de la maison d’arrêt de Sequedin (Nord) décrivant brimades, insultes racistes, vols et violences de la part de certains surveillants sur des détenus, parviennent à l’OIP ( Libération du 3 septembre). L’Observatoire démarre une enquête. Dans le même temps, un mystérieux «Comité de solidarité avec les prisonniers de Sequedin» manifeste devant la prison, avec banderole et tracts sur lesquels figurent des extraits des lettres sous le titre «A Sequedin on rackette, on torture, on tue». L’administration pénitentiaire alerte le procureur, qui ouvre une enquête, sur «l’origine des lettres et le contenu des tracts».
La sûreté urbaine de Lille interroge Anne Chereul, déléguée régionale de l’OIP, en juillet. Le ton est courtois, mais les questions pas toujours, témoigne-t-elle. Elles portent sur ses contacts avec un détenu, sur l’appartenance ou non d’une animatrice culturelle de la prison de Loos à l’OIP, et même sur ses échanges avec Libération. Second entretien en août. On lui indique qu’elle n’est pas entendue comme témoin, mais comme quelqu’un qui pourrait aider la police à identifier des individus, le risque d’une garde à vue est agité.
L’OIP alerte alors, mi-août, le commissaire européen aux droits de l’homme, le médiateur de la République et la commission nationale consultative des droits de l’homme sur les conditions des deux interrogatoires. L’OIP parle de «volonté d’intimidation sans précédent», et d’ «entrave manifeste à l’action de l’Observatoire».
Thomas Hammarberg, commissaire européen aux Droits de l’homme, demande «des éclaircissements» le 17 août à la représentation de la France auprès du Conseil de l’Europe. Michel Forst, secrétaire général de la Commission nationale consultative des droits de l’homme, écrit le même jour au préfet du Nord : «Nous nous interrogeons sur la nature et la portée de ces auditions qui sembleraient participer d’une intimidation incompatible avec les principes garantis par les instruments internationaux des droits de l’homme.» Jean-Paul Delevoye, médiateur de la République, a indiqué mardi à Libération qu’il s’est entretenu avec Thomas Hammarberg, et que ses services «ont pris attache auprès du procureur» .
«Agression». Résultat ? La convocation d’un deuxième membre de l’association, prévue le 20 août, a été annulée, «sur décision du parquet», selon l’OIP. «Les instances de protection des droits de l’homme ont mesuré cette volonté d’intimidation et elles l’ont jugée gravissime. Elles ont agi vite, bien, et à la mesure de l’agression qui était faite», indique Patrick Marest, délégué national de l’OIP. Joints mardi, les services du procureur n’ont pas confirmé l’information.
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