18/09/2007

Peines planchers : un mois après la loi, les sanctions cognent dur

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Les magistrats peuvent écarter la peine plancher, par décision motivée, dès lors que le prévenu présente des garanties de réinsertion. Mais ce n'est pas toujours le cas.

Un mois après la loi instaurant les peines minimales, en cas de récidive, les premières condamnations tombent. Parfois hors de proportion.

Sur les 61 premières affaires jugées en France, au titre de la loi du 10 août 2007 sur la récidive, les tribunaux ont appliqué à 42 reprises la peine plancher. Elle a été écartée 19 fois, au motif que « les personnes présentaient des gages de réinsertion ». Exemple : l'histoire du jeune Rennais racontée ci-dessous. Autre affaire, le 29 août, à Laval. Le procureur demandait la peine plancher : deux ans ferme. Les juges ont considéré que le jeune prévenu faisait des efforts pour se réinsérer. Ils ont opté pour six mois.

Dans certains tribunaux, au contraire, les magistrats ont la main lourde... conformément à la loi. Le « sommet » a été atteint, le 28 août, à Sarreguemines (Moselle). Sanctionné à 26 reprises, dont 19 fois pour vol, un SDF a été condamné à quatre ans ferme. Il avait volé le porte-monnaie d'une amie et les 30 € qu'il contenait. « L'un de mes autres clients a récemment écopé de trois ans de prison dont la moitié avec sursis, pour des actes de pédophilie, s'indigne Me Alain Zbaczyniak, avocat du SDF. Désormais, celui qui vole deux fois un oeuf va être sanctionné plus lourdement que celui qui vole un boeuf ! »
«Compliquée à comprendre»
« La loi s'applique, mais les tribunaux ne prononcent pas les peines de manière automatique. C'est la preuve que cette loi est utile et équilibrée », répond Didier Guillaume, porte-parole de la garde des Sceaux, Rachida Dati.

Ce n'est pas l'avis de tous les magistrats. On l'a vu avec le vice-procureur de Nancy, convoqué au ministère de la Justice après avoir critiqué le texte. Un juge des Pays de la Loire, qui souhaite garder l'anonymat, dénonce, lui aussi, « une loi qui tente une reprise en main des magistrats. Et, en plus, elle est compliquée à comprendre ».

Reste qu'elle a été votée et qu'elle s'applique. Plus ou moins sévèrement, selon l'appréciation que font les juges des « gages exceptionnels de réinsertion » présentés par les prévenus. À Brest, sur trois peines planchers requises en un mois, les juges n'ont suivi qu'une seule fois. À Nantes, en revanche, sur huit affaires jugées, la peine minimale n'a été écartée qu'une fois, « en raison du jeune âge du prévenu ».

« On est revenu au temps des Misérables »
La loi n'étant pas rétroactive par principe, les premières peines planchers n'ont été prononcées que pour des faits postérieurs au 10 août. Auront-elles un effet dissuasif sur les délinquants multirécidivistes ? Cette exemplarité, le gouvernement l'espère. Les adversaires de cette loi craignent, qu'au contraire, elle ne fasse déborder des prisons déjà surpeuplées.

Plaidant la cause d'un SDF qui avait volé « pour manger », jeudi, à Angers, son avocat, Me Guillaume Asfar, a eu cette phrase : « Nous voici revenus au temps des Misérables de Victor Hugo. Pour deux miches de pain volées, on va en prison. »

Ouest-France

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