par lilian massoulier
Le service public en quête de recettes: par la publicité ou par l’augmentation de la redevance, De Carolis tente de convaincre le gouvernement de lui accorder une rallonge. Et pour plaire aux Sarko-boys, tous les moyens sont bons. Toute «déontologie» bue.
Le Canard enchaîné de cette semaine n’a pas dû faire beaucoup rire Arlette Chabot, la truculente directrice de la rédaction de France 2.
Dès la une du salvateur hebdomadaire satirique, on apprend qu’un hommage à Jacques Martin a été caviardé. Même Laurent Ruquier, profond admirateur de l’ex-mari de la first lady, n’a pas pu passer dans son émission un extrait de Double jeu, émission datée de 1992, signée du all black royaliste du faubourg Saint-Honoré Thierry Ardisson, émission durant laquelle Jacques Martin s’interviewait lui-même.
Et à la question « Quelle est la dernière personne que tu aies eu envie de tuer ? », il répondait « Le maire de Neuilly ». Ce maire en question, rappelons-le aux plus jeunes, n’était autre que le petit Nicolas, marieur puis successeur de Jacques Martin auprès de Cécilia. Cet humour-là, quasi desprogien, ne passe plus chez De Carolis. Mais Le Canard ne s’arrête pas là : en page 2, il nous informe que le 14 septembre, France 2 consacra une très grande partie de son 20 heures à la disparition de Jacques Martin (encore lui) en lieu et place d’une interview en direct d’un certain Dominique de Villepin. L’Elysée aurait prévenu la chaîne que Sarkozy allait bientôt intervenir à la télévision (hier, en fait) et qu’il hésitait encore entre TF1 et France 2... Finalement, ce fut les deux. Mais exit Villepin, ce désagréable.
Mais France 2 n’a pas l’apanage du cirage de pompe : France 3 s’y met aussi. Marie Drucker doit présenter à compter du début octobre un magazine d’Histoire, Droit d’inventaire et avait pensé pour l’accompagner dans cette émission à... Lionel Jospin, le royal loser. Niet. C’est Max Gallo, plus « sarko compatible » qui sera de la partie, nous informe Le Canard, qui termine ce florilège (de la semaine) en évoquant le sublime « docu-fiction » que France 2 va consacrer le 25 septembre prochain à « Human Bomb », cette affaire de prise d’otage dans une école de Neuilly, prise d’otage durant laquelle s’illustra, en grand libérateur courageux et sans reproche (aux côtés de son papa d’alors, Charles Pasqua) le bien nommé Nicolas Sarkozy lui-même.
Un comédien interprétera Nicolas Sarkozy, façon Bruce Willis dans Die Hard, ou pas loin. N’est-ce point une forme d’éloge flatteur déguisée, s’interroge Le Canard ? Pas du tout, ce projet remonte à 2004, se défend la chaîne. 2004, attendez voir... c’est-à-dire au milieu de la pré-campagne présidentielle, non ?
On le voit donc, on le lit, France Télévisions, plombée par une audience bancale, sinon catastrophique, cherche par tous les moyens à remonter la pente, et remplir ses coffres. Ses journaux télévisés rament derrière ceux de TF1, notamment le 13 heures, systématiquement écrasé, broyé par celui de Pernaut, et ça fait longtemps que ça dure. Jusqu’à présent, la seule solution qu’a trouvé la rédaction de France 2, en tout cas ses responsables, pour combler l’écart, c’est d’imiter le système Pernaut, ce mélange de pétainiste démagogique, moitié brèves de comptoir, moitié Paris-Match, avec un zest de poujadisme de ci de là. Le 13 heures de France 2 s’est alors mis en quête des mêmes horlogers artisans, des mêmes sabotiers, des mêmes fabricants de santon de Provence, des mêmes pénuries d’eau dans le petit village de Montcuq, des mêmes prix qui enflent sur les marchés, des mêmes poissons qui n’ont plus le même goût, et de ces mêmes saisons qu’on ne respecte plus, ma pauvre dame. Mais le Pernaut public n’a pas du tout connu le triomphe de son jumeau du privé. Il n’y a que Pernaut qui puisse s’imiter, et encore, sans doute ne se regarderait-il pas.
Echec du 13 heures de France 2, donc, avec des journalistes qui grognent en coulisse, qui refusent ce journalisme de cocagne sans envergure, loin de l’international, des vrais problèmes de société, enfin de tout ce qui leur permet d’utiliser leurs compétences. Echec aussi de certains magazines, comme Téléfoot, acheté à prix d’or à TF1, devenu France 2 foot, présenté par un transfuge de Canal+, Denis Balbir, lui aussi débauché à prix d’or, si l’on en croit certaines informations qui évoquent un salaire (primes incluses) qui dépasserait les 16 000 euros par mois. Bilalian a démenti, mais même les quelques 8 000 euros net par mois avoués par Denis Balbir paraissent beaucoup eu égard aux audiences catastrophiques du magazine, coupé en deux, il est vrai, par le journal de 13 heures.
Entre la messe et le fromage, le foot ne fonctionne pas sur France 2, pas plus que le cyclisme : le pitoyable spectacle qu’offre le Tour de France, année après année, seringue après seringue, n’a d’égal que la sidérante compromission des journalistes qui le commentent, ignorants ou naïfs, ou les deux à la fois, qui se complaisent dans du formidable et du magnifique là où ne défilent que maigres paysages et exploits en toc.
Le service public est à la ramasse. Faussement insolent, faussement drôle, faussement public, complètement inféodé au pouvoir en place, à ce nécessaire pouvoir une fois de plus sollicité pour sauver le bateau France Télévisions. Sauver Le Téléthon, Fort Boyard, Stade 2. Sauver Gégé Holtz, Guigui Durand ou Pat Montel. Ils ne demandent pas grand-chose : une seconde coupure publicitaire, ou quelques euros de plus de redevance. Mais Sarkozy ne veut pas d’un impôt qui augmente. Allons-y donc pour la publicité, au point où on en est.
Si TF1, comme certains le chantent, c’est l’Elysée, France Télévisions, dans un autre genre, c’est un peu Matignon.
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