06/09/2007

Réforme ou putsch ?

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Nicolas Sarkozy veut placer ses hommes à la tête de la haute administration
LE MONDE | 06.09.07 | 13h36 • Mis à jour le 06.09.07 | 15h47

Nicolas Sarkozy veut introduire dans l'administration française le système américain des "dépouilles" ("spoil system"), dans lequel le pouvoir politique renouvelle une partie de la haute administration, afin de s'assurer une meilleure exécution de ses décisions. "C'est dans la logique de responsabilité qu'il défend", confirme Emmanuelle Mignon, directrice du cabinet du président de la République. En ligne de mire : les 120 directeurs d'administration centrale - les principaux hauts fonctionnaires qui font tourner la machine de l'Etat.

La conception française de neutralité de la fonction publique s'oppose en théorie à ce que certains décrivent comme une politisation. Mais, en réalité, le nombre de postes à la discrétion du président de la République, via notamment les nominations en conseil des ministres, s'est considérablement accru sous la Ve République.

M. Sarkozy y voit davantage un processus de légitimation. Pendant sa campagne électorale, le candidat avait confié à ses principaux collaborateurs : "Je vais les dénommer puis les renommer en bloc pour qu'ils sachent de qui ils tirent leur légitimité et pour qu'ils comprennent qu'ils doivent mettre en oeuvre toutes les décisions du gouvernement."

Le président élu a choisi de différer de quelques mois la réforme, notamment pour ne pas brouiller le message de l'ouverture au centre et à gauche. "Même si on avait renommé à 90 % les mêmes directeurs, notre démarche aurait été mal interprétée", estime un de ses collaborateurs.

Au sein même du gouvernement Fillon, certains ministres doutent pourtant de l'utilité de la réforme envisagée. "Personnellement, je préfère avoir un directeur d'administration centrale de gauche que de droite. Parce qu'il fait tout ce qu'on lui demande, par peur d'être viré !", confie un ministre.

Mais M. Sarkozy n'a pas renoncé. "A mi-quinquennat, quand nous aurons restructuré l'administration, on pourra mettre en oeuvre cette idée", promet Emmanuelle Mignon. A cette échéance, le nombre de nominations politiques à réaliser sera en principe moindre puisque, comme l'a promis M. Sarkozy jeudi 30 août lors de l'université d'été du Medef, "le nombre des directeurs d'administration centrale sera divisé par deux".

La réforme est déjà en route. "Vous ne pouvez pas imaginer combien nous avons évité d'erreurs depuis notre arrivée à l'Elysée, en allant chercher directement l'information dans les administrations", affirme l'un des principaux collaborateurs du président. Depuis trois mois, plusieurs administrations centrales, notamment Bercy, ont eu la surprise de voir débarquer, dans de simples réunions de direction ou de service, des conseillers de l'Elysée, venus en "observateurs".

Ces nominations à la tête des principales administrations doivent aussi permettre d'éviter l'inflation des cabinets ministériels, dans lesquels trop de conseillers techniques doublonnent actuellement le travail des administrations. "Cinq ou dix conseillers politiques pourraient suffire si, à côté, on avait des directeurs d'administration centrale qui font le boulot", ajoute un proche du président.

François Fillon a apparemment voulu aller trop vite. Il avait demandé en mai, par circulaire, à chacun de ses 15 ministres de plein exercice de ne pas dépasser 20 conseillers, et il avait fixé un plafond de 4 conseillers à ses 16 secrétaires d'Etat. Soit un total théorique de 364. On en est aujourd'hui à 538... "On avait expliqué à Fillon que 20 conseillers, c'était un entre-deux impossible à tenir", commente l'Elysée.
Christophe Jakubyszy
Article paru dans l'édition du 07.09.07.

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