28/10/2007

Le Munich de l'écologie

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Le Munich de l'écologie

Nicolas Sarkozy parle de « révolution verte ».

Le patronat français, Medef et CGPME, se déclare grandement satisfait. Les syndicats par la voix de François Chérèque saluent un processus positif. Corine Lepage (Modem et Cap 21) est aux anges. Le parti socialiste applaudit les mesures annoncées par Nicolas Sarkozy.

L'Union européenne se dit comblée par la voix de son Président. Al Gore a passé commande d'un Grenelle mondial à Sarkozy. Preuve que la vison sarkozyenne de l'écologie est bien « mondialement compatible » sans rien changer à la puissance des grands groupes et aux logiques économiques dominantes. Preuve une fois de plus que le sarkozysme est la version française de la révolution conservatrice mondiale qui balaie la planète depuis les années quatre-vingt. Nous avions donc raison de dire lors du contre-Grenelle de l'écologie le 6 octobre à Lyon que si le Grenelle sera sarko-compatible, le sarkozysme n'est pas, lui, écolo-compatible. Nicolas Hulot a finalement bien mérité de TF1 et du sarkozysme.

Ce Grenelle de l’environnement est un véritable Munich de l’écologie politique.
Munich de l’écologie politique car l'idée qu'une « Union sacrée » soit possible autour du sarkozysme sous le prétexte de la défense de l’environnement a finalement triomphé. Comme si l’écologie n’était pas une affaire de choix de société avec nécessairement des perdants et des gagnants : la grande question étant de savoir qui des pauvres ou des riches paiera la crise écologique.
Munich de l’écologie politique car il impose l'idée qu'on pourrait obtenir des avancées sans constuire d'abord un rapport de force face à la puissance des lobbies économiques et nucléocrâtes.

Ce Grenelle de l'environnement est une défaite de l'écologie que nous paierons très cher. Il retarde le moment où il faudra bien apprendre à vivre mieux avec beaucoup moins ce qui suppose d'abord un autre partage des ressources entre les riches et les pauvres. Dans l'attente du grand soir promis par Sarkozy au nom de sa « révolution verte » et de l'extinction durant cinq minutes de nos ampoules électriques, souvenons-nous que le 22 avril 1970, vingt millions d’américains avaient participé au « premier jour de la Terre », qu’à cette occasion la 5e avenue de New York avait même été fermée à la circulation. Nous avons vu combien cette écologie des bons sentiments est un marché de dupes. Trente ans plus tard, les crises environnementales et sociales sont encore plus dramatiques.

Que penser des mesures prises par le Grenelle officiel ?

On nous parle de geler les constructions d’autoroute et d'aéroports
Cette promesse est un marché de dupes puisque si l'Etat s'est engagé à ne plus augmenter significativement les investissements dédiés au développement de nouvelles capacités routières et aéroportuaires, il a immédiatement ajouté sauf en cas de contournement d'une agglomération, sauf en cas de nécessité liée à un problème de sécurité, sauf en cas d'intérêt local, etc. Que restera-t-il finalement des belles paroles face aux execptions annoncées au nom du « réalisme » économique ? On fera peut être un peu moins d'autoroutes mais on continuera à développer en priorité le TGV au détriment des TER et de la nécessaire relocalisation de nos activités économiques et de loisirs.

On nous promet une fiscalité verte.
Cette promesse est un marché de dupes car le transfert d'une partie de la fiscalité des entreprises sur le carbone aboutira à pénaliser davantage encore ceux qui ont le moins : elle videra comme les péages urbains les routes des voitures des plus pauvres pour que les riches puissent rouler plus vite. Ce projet d'un bonus/malus a été en outre accepté comme une divine surprise comme si la crise écologique tenait avant tout aux vieilles voitures polluantes des plus pauvres et non à la surconsommation des plus riches et à un modèle de vie écologiquement insoutenable.

On nous promet une loi sur les OGM.
Cette promesse est un marché de dupes car le gel annoncé n'est en rien le moratoire exigé par les associations environnementales. Le gel des cultures de maïs Mon 810 durant l'hiver est une campagne de communication pas gênante pour les bio-technologies puisqu'on ne sème pas durant cette période. La loi annoncée par Borloo est en revanche un véritable piège car sous prétexte de liberté de faire ou de ne pas faire des OGM, elle ne répond pas à la question posée par une majorité de français, sur la dangerosité des OGM mais aussi sur le choix d'une agriculture paysanne. Elle entérine les solutions libérales sous forme de dommages et intérêts en cas de pollution génétique. Sarkozy le dit clairement : cette suspension de la culture commerciale des OGM « ne signifie pas que nous devons condamner tous les OGM, et notamment les OGM d'avenir ». Le chef de l'Etat a même exprimé sa volonté d'accélérer encore plus la recherche sur les OGM.

On nous promet plus de bio dans les écoles.
Cette promesse est un marché de dupes puisque la réglementation européenne généralise la bio-industrie contre la véritable agriculture biologique : on n'avancera pas d'un pouce si les aliments bio parcourent la planète avant d'arriver dans les assiettes de nos enfants. Une vraie alternative est de revenir à une cuisine faite sur place, avec des produits locaux, de saison et si possible « bio ».

On nous promet de moraliser la publicité
Cette promesse est un marché de dupes dès lors que l'Etat n'abroge pas la circulaire Jack Lang qui permet à la publicité de pénétrer dans les écoles par les fenêtres tout en demeurant interdite par la porte, tant que l'Etat ne respectera pas la loi en faisant démonter les 40 % de panneaux publicitaires illégaux, tant que la publicité ne sera pas interdite à la télévision aux heures où tant d'enfants sont devant le poste, tant qu'on n'inversera pas la hiérarchie des normes juridiques en faisant primer le droit des usagers à être protégé sur celui des marchands en généralisant, par exemple, des zones sans publicité.

On nous promet de diviser par deux les pesticides.
Cette promesse est un marché de dupes car sitôt l'annonce faite que cet objectif devrait être atteint en dix ans, on apprend que sous la pression de la FNSEA la date butoir disparait.

On nous promet de ne pas créer de nouveaux sites nucléaires.
Cette promesse est un marché de dupes puisque tous les projets se situent sur des sites déjà exploités et que Sarkozy entend imposer le choix du nucléaire à toute l'Europe.

Sarkozy a annoncé la convocation d'un autre Grenelle l'an prochain.
Chiche à la même date : nous organiserons de nouveau un contre-Grenelle.

En attendant nous ne laisserons pas Sarkozy profiter de la présidence française de l'Union européenne en juillet 2008 pour imposer à l'Europe le retour au tout-nucléaire...
Face à une droite naturellement sarko-compatible et à une gauche toujours plus sarko-compatible nous disons que l'on ne peut vouloir à la fois plus de croissance et plus d'écologie.
Face au Front National de Libération de la Croissance canal Attali, nous rejettons l'objectif de 5 % de croissance par an car, comme le disait Attali en 1973, croire que la croissance puisse réduire les inégalités sociales est une escroquerie intellectuelle.
Face à Florence Parisot et à Christine Lagarde qui veulent aller chercher les derniers points de croissance avec les dents, nous lançons un appel à boycotter la grande distribution notamment lors des nocturnes commerciaux et les dimanches.
Face à ceux qui choisissent de nourrir leurs voitures plutôt que six milliards d'humains, nous exigons un moratoire immédiat sur les agro-carburants présenté hier à l'ONU par Jean Ziegler.

Paul Ariès
Co-organisateur du Contre-Grenelle de l'environnement
Rédacteur au journal La Décroissance
Directeur de la rédaction du journal Le Sarkophage



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