Ce matin, au Palais de Justice de Paris. REUTERS
Démarche rare dans ce corps, les magistrats et personnels de justice seront en grève le 29 novembre. Ce matin, la ministre de la Justice, Rachida Dati, a été chahutée lors d'une visite au Palais de justice de Paris.Réforme de la carte judiciaire: les magistrats appellent à la grève
LIBERATION.FR : lundi 29 octobre 2007
Les magistrats et personnels de justice appellent à la grève le 29 novembre pour protester contre la réforme de la carte judiciaire, une démarche rare dans ce corps. Les syndicats de magistrats ont boycotté lundi la visite de la ministre Rachida Dati au palais de justice de Paris, où elle a annoncé la suppression de 13 tribunaux d'instance sur 76 dans les ressorts des cours d'appels de Paris et Versailles.
Des personnels se sont regroupés dans les couloirs du palais, sous la surveillance de gendarmes, dans une ambiance houleuse. Une banderole montrait Nicolas Sarkozy s'adressant à Rachida Dati en ces termes : "Rachida, maintenant que j'ai divorcé, tu peux supprimer les tribunaux".
Le mot d'ordre de grève pour le 29 novembre est lancé par le Syndicat de la magistrature (SM, gauche) et les trois principaux syndicats de personnels de justice Usaj (Union syndicale autonome justice), CGT et CFDT. L'Union syndicale des magistrats (USM, majoritaire), qui n'est pas opposée aussi radicalement à la réforme, a expliqué qu'elle allait consulter ses instances pour savoir si elle rejoignait le mouvement - perspective très probable.
"A priori, il n'y a pas de raison qu'on ne s'y associe pas", a dit Christophe Régnard, secrétaire général de ce syndicat.
Le SM et l'USM dénoncent la réforme qui entraîne, selon eux, des fermetures de services publics sans logique, sans méthode, sans concertation et sans moyens financiers. Ils soulignent qu'aucune création de tribunal n'est prévue, alors que la carte est inchangée depuis 1958. La population française a augmenté depuis lors de 20 millions d'habitants. Ils estiment qu'avec 6,519 milliards d'euros, incluant le fonctionnement des prisons (2,4% du budget de l'Etat), le système actuel ne peut fonctionner normalement.
Dati promet d'entendre les inquiétudes
"C'est une fausse réforme. C'est un coup de gomme donné sur ce qui fonctionne le mieux, les tribunaux d'instance, sans concertation véritable et sans réflexion", a déclaré lors d'une conférence de presse lundi Hélène Franco, secrétaire générale du SM. "Mme Dati ne sait pas où elle va, c'est consternant, elle est en train de rater la réforme qu'il ne fallait pas rater, on repart pour 50 ans de n'importe quoi", a ajouté Christophe Régnard.
Lors d'une conférence de presse après sa visite au palais de justice de Paris, Rachida Dati a promis de tenir compte des oppositions mais a affiché sa fermeté. "Ces inquiétudes, je les entends et je les intègre, c'est normal. (...) Il y a des résistances pour des raisons d'usages et d'habitudes", a-t-elle dit. "Ce n'est pas du courage de faire cette réforme, c'est simplement une nécessité, les Français attendent cela", a-t-elle ajouté.
La réforme de la carte judiciaire, lancée en juin, a pour objectif déclaré de rationaliser la répartition des juridictions. Ce dossier fait l'objet de vives contestations chez les élus locaux de gauche comme de droite, qui craignent une sanction des électeurs lors des municipales de mars 2008. La place Vendôme a déjà renoncé au principe initial de la réforme - un tribunal de grande instance (TGI) par département, une cour d'appel par région - pour se concentrer sur la suppression de petits tribunaux d'instance (TI), qui gèrent les petits litiges civils et pénaux.
La ministre a abandonné le comité consultatif national et a écarté l'annonce d'un plan national au profit d'un tour de France des cours d'appel qui doit se terminer mi-novembre. Pour l'heure, quelque 80 TI et six tribunaux de grande instance sont promis à la fermeture. Au total, 200 TI devraient être supprimés, ainsi qu'une vingtaine de TGI.
Les syndicats de magistrats soulignent qu'aucune économie ne pourra être réalisée, puisque les locaux, souvent bâtiments historiques, resteront à la charge de la collectivité, tandis que les personnels transférés devront être indemnisés.
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