LIBE BLOG/A l'école des sans-papiers
..Le 25 octobre dans le Loiret, un nourrisson de trois semaines (trois semaines !) était placé en garde à vue avec ses parents moldaves, puis en rétention et qui, finalement libéré par le juge des libertés et de la détention, a été débarqué par les gendarmes sur un coin de trottoir, sans aucun secours.
Le lendemain, vendredi 26 octobre à Sens (Yonne) en fin de matinée, la police arrêtait une ressortissante malienne sans papiers, Mme Sima.
Cette mère de trois enfants (Yamadou 8 ans, Bambo Moussa 22 mois et Ladji 4 mois) fait habituellement une heure de ménage à la poste de Saint-Clément (banlieue de Sens) de 8h30 à 9h30. Elle rentre ensuite chez elle, en autobus, où son mari garde les deux petits, l’aîné étant à l’école. Son mari part ensuite pour son propre travail, en prenant un train à 10h26.
Quand elle arrive au bureau de poste, le vendredi 26 octobre, la responsable lui annonce qu’elle ne peut plus travailler car elle n’a pas de papiers et elle la chasse. Mme Sima demande à téléphoner pour qu’un ami vienne la chercher car il n’y a pas de bus. Refusé. Elle part donc à pied pour rejoindre la station où elle prendra un autre bus. Mais là, l’attendent visiblement quatre policiers qui fouillent son sac et l’embarquent. Coïncidence ? Peu probable. La question est de savoir si c’est la police qui a prévenu la poste ou la poste qui a dénoncé son employée. Mme Sima demande aux policiers à passer chez elle car elle a un bébé qu’elle allaite. Refusé.
Ne la voyant pas rentrer, son mari suppose que, comme cela s’est produit quelques fois, son bus a quelques minutes de retard : il part prendre son train en confiant l’enfant de 22 mois à la voisine et en laissant le bébé qui dort dans son berceau (le père dit avoir laissé la clé à la voisine, qui, elle, soutient le contraire mais cela n’a pas de sens : on ne voit pas pourquoi M. Sima aurait laissé son enfant de 22 mois à quelqu’un à qui il ne voudrait pas donner sa clé).
Pendant ce temps, Mme Sima est placée en garde à vue. Elle n’est ramenée chez elle qu’à midi, heure à laquelle les policiers constatent que Bambo Moussa est chez la voisine et Ladji seul dans l’appartement. Elle est autorisée à l’allaiter. Les policiers fouillent l’appartement en attendant que Yamadou rentre de l’école. Ils embarquent alors tout le monde : les «grands» sont placés «dans un foyer», le bébé «à la Croix-Rouge». Ladji sera amené à sa mère deux fois dans l’après-midi et la soirée du vendredi pour qu’elle l’allaite. En revanche il ne lui a plus été présenté entre le vendredi soir et le samedi 11 heures, date de sa libération. Sevrage à la hache. Dans l’après-midi, les douleurs dues aux montées de lait obligent Mme Sima à se rendre à l’hôpital.
Il semblerait qu’informé des faits, le cabinet de M. Hortefeux ait demandé la libération de Mme Sima et précisé qu’il n’y aurait pas d’APRF (arrêté préfectoral de reconduite à la frontière). M. Sima est convoqué le 30 octobre à 9 heures au commissariat de Sens pour «la régularisation de sa situation», lui a-t-on dit oralement. A voir.
Mais l’urgence n’est pas là : les enfants sont maintenant confiés à l’ASE (aide sociale à l'enfance), le procureur ayant pris une ordonnance de placement provisoire assortie d’une interdiction de visite. L’aîné est dans un foyer à Sens, les deux petits à la Croix-Rouge à Migennes, à 40 km du domicile des parents. C’est proprement scandaleux ! Si Ladji s’est retrouvé seul dans un appartement, c’est du fait de l’intervention de la police et de son refus de laisser Mme Sima passer chez elle pour le récupérer.
La suite des événements est tout aussi honteuse : depuis quand les services de police et de justice sont-ils habilités à décider du sevrage d’un enfant, hors de tout contrôle médical pour lui et pour sa mère (Mme Sima n’a vu aucun médecin au cours de sa garde à vue) ? Après les tests ADN, la rafle au faciès, l’interpellation à domicile, le placement en rétention d’enfant de trois semaines, la confiscation des enfants serait-elle la dernière mesure imaginée par le ministère de la Rafle et du drapeau pour lutter contre les familles immigrées ?
• Richard Moyon •
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire