Des mots terribles : «La peur existe. Elle empêche de se déplacer, de s’adresser à des structures institutionnelles. La peur empêche l’accès aux soins.» Depuis 2000, Médecins du monde (MDM) rend public chaque année son rapport sur l’accès aux soins. Une photographie très complète de la situation sanitaire des plus démunis, souvent des sans-papiers. Chaque année, les chiffres de fréquentation augmentaient. Jusqu’en 2006, où pour la première fois ils baissent fortement comme le montre le dernier rapport, que Libérations’est procuré. Près de 16 % de consultations en moins dans tous les dispensaires de MDM l’an dernier. Et ce n’est en rien une bonne nouvelle.
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Inquiétude. Dans la France d’aujourd’hui, les pauvres ont peur d’aller se faire soigner : «En 2006, tant les reculs législatifs que l’atmosphère de dénis de droits, de suspicion et bien sûr les chasses à l’étranger expliquent la baisse du nombre de patients reçus en consultation médicale. Ainsi, rappelle MDM, une circulaire promulguée en février 2006 encourage-t-elle les forces de l’ordre à interpeller les sans-papiers dans les foyers d’accueils, dans les salles d’attente, dans les locaux des associations.» Le gouvernement a récemment autorisé «le renvoi de malades étrangers dans des pays où l’accès aux soins est purement formel». Cette inquiétude, devenue palpable, n’est évidemment pas seule en cause. Mais elle s’ajoute à la «méconnaissance des dispositifs», «aux obstacles administratifs», ainsi qu’aux refus de soins, dénoncés par l’ONG au printemps dernier. Au final, «86 % des personnes qui se présentent à MDM n’ont pas de couverture maladie».
En 2006, ce sont 38 490 consultations médicales qui ont été ainsi menées dans les dispensaires de MDM. Quand on regarde au plus près les données, au-delà de la baisse globale, on note «une part toujours plus importante des femmes – près de 45 % –, et une diminution constante de la part et du nombre de patients français. Leur nombre a été divisé par 2 entre 2000 et 2006», cela grâce à la couverture médicale universelle (CMU). Parmi les étrangers, les ressortissants des pays d’Afrique du Nord étaient jusqu’à présent les plus nombreux,mais un phénomène inédit s’est produit : l’arrivée des Roumains.Ils «occupent désormais largement la première place, avec environ 22 % des patients».
Autre caractéristique : près de 20 % des consultants vivent dans la rue, et 40 % dans un logement précaire. La quasi-totalité se démène sous le seuil de pauvreté. Quand on observe les raisons de consultation, ce sont les pathologies articulaires, respiratoires et les affections de la peau qui restent les causes le plus fréquentes. «Dans près de 14 % des consultations, les médecins ont constaté des troubles psychologiques». Dans plus d’une consultation sur sept, les équipes de MDM ont noté «un recours tardif aux soins, et des soins urgents se sont imposés».
Urgence. Face à ce paysage sanitaire de plus en plus fragilisé, Médecins du monde demande la création de permanences d’accès aux soins à l’hôpital. Et rappelle l’urgence d’aller «vers une seule couverture maladie universelle pour toutes les personnes en dessous du seuil de pauvreté». Reste que le climat n’y est guère favorable. Samedi, deux jours avant la publication du rapport, des milliers de manifestants ont défilé dans Paris contre l’instauration des «franchises médicales».
La ministre de la Santé avait alors rétorqué : «Quatre euros par mois, ce n’est quand même pas le bout du monde». Avec la peur en plus, le fardeau devient bien lourd.
Eric Favereau
1 commentaire:
Pour te dire Loran, l 'année dernière au télephone, pour un rendez vous chez l ophtalmo, la 1ère question qu'on m'a posée ct avez vous la CMU???j'ai dit quoi??je connais pas.. je connais que le PMU.Et pourtant je parle le français sans accent :-)..tu vois le dégat..
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