15/11/2007

Christine Bravo ivre de rage contre le mouvement étudiant

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Christine Bravo ivre de rage contre le mouvement étudiant
Henri Maler et Antoine Schwartz
Publié le jeudi 15 novembre 2007
ACRIMED/ Vu sur REZO.NET
Émission « On n’a pas tout dit », France 2, mardi 13 novembre 2007. Laurent Ruquier a convié, pour « débattre » de la « loi Pécresse » et des mobilisations dans les Universités, Emmanuelle, une étudiant de gauche, communiste semble t-il, qui représente le mouvement étudiant, et un étudiant de droit et de droite, dont le prénom nous a échappé, qui « représente » les « anti-bloqueurs ». Vers la fin de l’émission, Christine Bravo, déchaînée, déboule sur le plateau pour vomir sa haine du mouvement étudiant et de tout ce qui, de près ou de loin, lui rappelle les drapeaux rouges de sa jeunesse.

Christine Bravo est coutumière de ces « sorties ». Déjà, en juin 2004, elle avait assimilé à une Saint-Barthélémy, les coupures de courants qui avaient affecté le domicile de Jean-Marie Cavada lors d’une grève de l’EDF (comme on peut le lire dans l’article que nous avions publié : « Christine Bravo contre la Saint Barthélemy des compteurs EDF.) La récidive transcrite ci-dessous est tout sauf anecdotique.

À quelques mots près, inaudibles ou superflus, la retranscription est intégrale. Elle se passerait presque de commentaires… On appréciera le genre de propos que l’on peut entendre à une heure de grande écoute sur l’une des principales chaînes de la télévision publique.

Christine Bravo commence par expliquer que dans sa jeunesse, lorsqu’elle était engagée elle aussi « à gauche », on appelait alors « fachos » ceux qui s’opposaient aux blocages des universités ; elle considère aujourd’hui que ce terme s’appliquerait mieux aux bloqueurs. Est-ce une plaisanterie ? C’est certainement le genre d’humour qui a fait la renommée de l’émission de Ruquier, lui–même plus enclin à faire l’éloge du dernier ouvrage de BHL – comme ce fut le cas dans son émission « On n’est pas couché » le 3 novembre dernier – qu’à laisser s’exprimer une quelconque forme de contestation. Après cette brève entrée en matière, Mme Bravo prend aussitôt à partie l’étudiante :

- Christine Bravo : - « On parlera de la loi Pécresse plus tard. Je voudrais que vous me répondiez sur une question. Est-ce que vous trouvez démocratique d’empêcher les étudiants d’étudier ?… pour éventuellement ne pas devenir des futurs chômeurs plus tard… »

Un spectateur un peu naïf pourrait penser que la chroniqueuse pose une question pour entendre une réponse. Eh bien non. A peine l’étudiante commence-t-elle à répliquer à cette agression déguisée en forme de question qu’elle se trouve aussitôt sèchement interrompue, comme elle sera sans cesse par la suite.

- Emmanuelle : - « C’est un faux débat… »
- Christine Bravo : - « Non, non, non ! C’est militant, c’est militant »…
- Emmanuelle : - « Non, ce n’est pas militant… »
- Christine Bravo (sur le ton d’un interrogatoire de police) : - « Je veux une réponse : est-ce que vous trouvez démocratique d’empêcher des gens de rentrer à l’Université ? »
- Emmanuelle : - « Et moi je veux savoir si c’est démocratique le fait que le gouvernement… » La jeune étudiante ne peut terminer sa phrase car notre experte en démocratie, qui veut une réponse mais ne souhaite pas l’entendre, l’interrompt en s’exclamant :
- Christine Bravo : - « Mais c’est de la politique… ! »

Mme Bravo a tout compris. Oui, en effet, c’est de la politique ! Malheureusement un tel éclair d’intelligence n’était pas fait pour durer. Christine Bravo enchaîne.

- Christine Bravo [Elle élève la voix…] : - « Répondez-moi sur cette question Emmanuelle, est-ce que c’est démocratique d’empêcher des gens qui veulent bosser de rentrer dans leur université ? !! »
- Emmanuelle : - « Les assemblées générales sont démocratiques. Valérie Pécresse s’est exprimée là dessus en disant que tous les étudiants, qu’ils soient pour ou contre les réformes, doivent aller en assemblée générale… Donc quelque part est-ce que l’assemblée générale… » Une fois de plus, Christine Bravo ne la laisse pas terminer :
- Christine Bravo : - « Non, vous ne répondez pas sur la question… Allez, on enchaîne… Vous ne répondrez pas… Est-ce que vous trouvez démocratique d’empêcher les travailleurs non grévistes de rejoindre leurs entreprises le jour où il y a la grande grève, la grève des cheminots ? Est-ce que vous trouvez cela démocratique d’aller les aider ? »

Emmanuelle hésite une seconde, semble se demander : « mais comment répondre à une question aussi idiote et malveillante ? », puis finalement, non sans courage, trouve ses mots :

- Emmanuelle : - « Je trouve que les coups portés par le gouvernement actuellement amènent les travailleurs, les étudiants, à des mesures d’action qui sont les blocages… Laissez moi répondre … Laissez-moi répondre. Ça veut dire que c’est un moyen d’action le blocage, est-ce qu’il est démocratique ou pas … ? … c’est un blocage, la démocratie, où elle est aujourd’hui ? »
- Christine Bravo : - « Puisque vous vous sentez solidaires des travailleurs, moi j’ai envie de vous dire, que vous les jeunes, les étudiants, vous êtes un peu solidaires pour faire parler de vous en période de crise, mais quand il n’y a pas de crise, on ne vous entend pas beaucoup sur les travailleurs [tandis que l’on ne cesse d’entendre Christine Bravo…], vous n’allez pas comparer vos problèmes d’argent de poche hein au pouvoir d’achat des travailleurs. »
- Laurent Ruquier : - « Peut-être pas les étudiants communistes… »

De plus en plus odieuse, non seulement elle a le culot de se poser en défenderesse du pouvoir d’achat des travailleurs, mais elle affiche sans vergogne son mépris pour des étudiants à qui elle se permet d’infliger des leçons de solidarité. Emmanuelle essaye de protester, ou simplement de prendre la parole, mais évidemment Christine Bravo ne la cède pas…

- Christine Bravo : - « Excuse moi, chez les étudiants communistes, dieu merci il n’y a pas que des fils de prolétaires, moi je connais des fils de bourges qui sont communistes, dieu merci ! »
- Emmanuelle : - « Etre solidaires avec les salariés c’est évident, ce n’est pas que parce que aujourd’hui on est médiatisés, parce qu’on nous voit faire des manifestations, on nous voit dans les assemblées générales… évidemment moi, je me sens solidaire avec les salariés… je suis salariée ! »
- Christine Bravo : - « Moi je trouve que vous n’avez rien à faire dans ces conflits là…
- Emmanuelle : - Ah bon, la défense du secteur public, je n’ai rien à y faire ! La franchise médicale, je n’ai rien à y faire ! »
- Christine Bravo : - « Mais attendez, vous n’allez pas en plus un aggraver un mouvement… Mais c’est extraordinaire ! [Christine s’indigne] Qu’est-ce que les étudiants vont faire dans ce bordel là ?! »
- Emmanuelle : - « Mais les attaques du gouvernement… »

Ainsi pour Mme Bravo, les mouvements sociaux ne sont rien d’autre que « ce bordel là »... ! Parce que elle ne se sent pas concernée, nul ne devrait l’être à ses yeux. Et notre diva de la télévision coupe l’étudiante une fois de plus :

- Christine Bravo : - « Quoi, les attaques du gouvernement ! Vous me faites pensez aux établis qui en 1968, les mecs ils voulaient allez conscientiser la masse prolétarienne » [dit-elle avec mépris. Ruquier ricane.] … « Faut arrêter… Le soir ils rentraient chez eux, ils pleuraient dans le giron de leur mère parce qu’ils avaient deux ampoules au doigt, tu vois… » [Rires et applaudissements] « Non, attendez-je vous jure, ça part d’un bon sentiment mais c’est complètement con et utopique… »

« Con » et « utopique ». Cette tentative de rivaliser, par la caricature et l’insulte, avec le discours de Sarkozy sur mai 68 brille par sa vulgarité.

- Laurent Ruquier : - « Le 20 novembre ils soutiendront les fonctionnaires… »
- Christine Bravo (au comble de la finesse) : - « Vous allez soutenir les CRS, c’est bien. De mon temps, on ne soutenait pas les CRS… Bah oui, les CRS c’est des fonctionnaires… »
- Emmanuelle : - « Je veux revenir sur un truc : ça doit être quoi le rôle de l’étudiant ? ça doit être d’aller suivre ses cours, de rentrer chez lui, revenir ensuite… ou ça doit être de réfléchir sur la société ? »
- Christine Bravo : - « C’est de réfléchir sur la société » [Comme je le fais moi-même très rarement, oublie d’ajouter la chroniqueuse…]

Christine Bravo s’adresse ensuite à un étudiant d’Assas (sans doute pour rétablir l’équilibre, dangereusement rompu en faveur d’Emmanuelle…)

- Christine Bravo : - « Vous êtes en fac à Paris II, Panthéon-Assas, et donc futur capitaliste, opprimeur des cheminots… »
- La voix d’Assas – « C’est clair. » Laurent Ruquier et Pierre Perret se marrent de cette bonne blague…

- Christine Bravo poursuit : - « Pourquoi au lieu de pleurnicher dans les médias vous ne faites pas comme les étudiants d’Assas à mon époque, on prenait des gourdins et des nunchakus et allait casser… »

À cette incitation à la violence, à peine masquée par une tentative (désespérée) d’être drôle, le jeune fan de Nicolas Sarkozy répond très sérieusement :

- La voix d’Assas : - « Malheureusement, c’est les étudiants de Rennes qui les ont tous pris, et aujourd’hui c’est les étudiants d’extrême gauche qui ont les massues et les gourdins et qui empêchent les étudiants de rentrer… »
- Christine Bravo (enfin satisfaite) : - « Voilà ! OK il a répondu ! » Notre experte en démocratie triomphe. Seule Emmanuelle essaye de protester …
- Emmanuelle : - « Je réponds quand même… ça concerne une minorité ce qu’il est en train de raconter, tu ne peux pas dire que les 10 000 étudiants qui étaient dans la rue le 8 novembre, c’était 10 000 étudiants avec un gourdin... »
- La voix d’Assas : - « Je parle de ce qui se passe aujourd’hui… Aujourd’hui il y a un vote qui a été démocratique pour une fois et qui montre que les étudiants… »

Ruquier l’interrompt pour une blague d’une grande finesse :
- Laurent Ruquier : - « Pierre Perret dira qu’il en y a des étudiantes qui en rêvent d’un étudiant avec un gourdin. »

- Christine Bravo : - « Attendez… vous vous plaignez d’être à la merci d’une minorité… On a discuté avec une de vos copines, qui est à la fac de Tolbiac, qui nous disait que sur 12 000 étudiants, seuls 500 étudiants grévistes participaient aux AG… 12 000 contre 500… bah franchement j’ai pas envie de pleurer pour les 11 500 qui se laissent manipuler… Si c’est vrai ça, si ce sont eux les minoritaires, mais allez-y dans les AG, allez vous battre…. ! »
- La voix d’Assas : - « Si on commence à faire cela… cela a été le cas à Nantes d’étudiants qui voulaient voter contre les blocages dans les assemblées générales, ils ont été refoulés à l’entrée… »
- Christine Bravo : - « Par qui ? »
- La voix d’Assas : - « Par les étudiants bloqueurs. »
- Christine Bravo [scandalisée] : - « C’est grave ! Ils sont violents ces gens là ! Mais c’est grave ! »
- La voix d’Assas : - « Le problème c’est qu’on ne veut pas aller à l’escalade…. La majorité des gens qui veulent allez en cours, ce ne sont pas des militants, ce sont des gens qui ont autre chose à faire… »
- Laurent Ruquier : - « Il reste deux minutes pour parler de la loi Pécresse, il faut quand même dire le fonds là-dessus. »

En 2 minutes ! On imagine assez le résultat… d’autant que Christine Bravo reprend immédiatement la parole en sa qualité d’experte des questions universitaires…

- Christine Bravo : - « Mon point de vue c’est que le système universitaire français ne marche plus en l’état…. Alors là je suis désolé, je vais vous dire… Vous dites que ça risque de faire une université à deux vitesses, mais elle existe déjà cette université à deux vitesses ! Les grandes écoles d’un côté, les universités publiques de l’autre… Alors moi ce que je vais faire, je vais pousser ma fille vers les grandes écoles [sic] et finalement qu’est-ce qui va se passer ?… Parce que moi je suis cadre, ma fille elle a de l’argent, on est sorti de la merde… Alors quoi, ça veut dire qu’on va laisser dans le public les fils d’ouvrier et qu’on enverra les fils de bonne famille dans les … »
- Laurent Ruquier : - « Elle lutte contre ça ! Elle lutte contre ça. »
- Christine Bravo : - « … C’est ce qui existe déjà donc c’est pour ça qu’il faut maintenant… » [Faire quoi ? … La réforme Pécresse ?]…

Bravo Mme Bravo. Quel talent pour faire valoir ce « bon sens » libéral !

- Emmanuelle : - « Une réforme de l’Université, on en veut une, on est quand même conscient de ce problème là … Il y a quand même un étudiant sur 2 qui échouent, il y a quand même des étudiants qui sont aux 35 heures… quel temps il leur reste pour travailler ? La réponse du gouvernement actuel de vouloir privatiser les universités, c’est peut-être pas forcément la bonne réponse… »
- La voix d’Assas : - « Il n’y a pas de privatisation… »

Suivent quelques secondes d’échanges où « la voix d’Assas » explique que « l’étudiant qui n’est pas dogmatique » se fout de savoir si le livre est payé par le public ou le privé, du moment que le service est bien assuré ; Emmanuelle souhaite en revanche un service public. Ruquier laisse à Pierre Perret, qui semble confondre les Universités avec les « jolies colonies de vacances » de sa chanson, le soin de conclure cette discussion « sur le fond ».

- Pierre Perret : - « Le nœud de ce problème là, c’est… il est vraiment fort dommage qu’ils soient incapables de s’entendre, parce que le but est le même » [sic] « L’Etat manque de moyen aujourd’hui, il est emmerdé de toutes parts pour recolmater les brèches… Mais au lieu de vous diviser, au lieu d’unir vos forces pour vous bagarrer et obtenir vraiment les moyens d’étudier, sans perdre un temps fou … Parce que là vous êtes en train vraiment de perdre du temps…Je trouve cela un peu dommage ».

La jeune militante semble moins enthousiasmée par cet hymne à l’amour :
- Emmanuelle : - « On ne débat pas de la loi du coup… »

Eh oui ! Mais que veux-tu ? Les 2 minutes sont terminées : Vive le service public sur France2 !

Il faudrait beaucoup d’aveuglement pour considérer l’intervention de Christine Bravo comme un tribut cher payé au divertissement : celui-là même que promettent les émissions de mélange des genres (et particulièrement celles qu’anime Laurent Ruquier). La vulgarité de Christine Bravo a valeur de symptôme de la dépolitisation démagogique et poujadiste que peuvent produire de tels spectacles. Sa violence témoigne du pouvoir exorbitant qu’ils confèrent à des « chroniqueurs » dont les prestations font presque regretter qu’ils remplacent les journalistes les plus engagés. Au secours ! Rendez nous Daniel Bilalian !

Henri Maler et Antoine Schwartz



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