01/12/2007

Otages en Colombie: "ici, nous vivons comme des morts" écrit Ingrid Bétancourt

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Par Ingrid BAZINET AFP -

PARIS (AFP) - "Ici nous vivons comme des morts", raconte l'otage franco-colombienne Ingrid Betancourt, détenue depuis plus de cinq ans par la guérilla colombienne des Farc, dans une lettre à sa famille, selon des extraits diffusés samedi à la presse.

"Je vais mal physiquement. Je ne me suis pas réalimenté, j'ai l'appétit bloqué, les cheveux me tombent en grandes quantités", dit l'otage dans une lettre de 12 pages adressée à sa mère Yolanda Pulecio et dont des extraits ont été diffusés samedi à Paris par les comités de soutien à Ingrid Betancourt.

"J'aime la France avec mon coeur, car j'admire la capacité de mobilisation d'un peuple qui, comme disait Camus, sait que vivre, c'est s'engager", dit-elle plus loin. "Toutes ces années ont été terribles mais je ne crois pas que je pourrais être encore vivante sans l'engagement qu'ils nous ont apporté à nous tous qui ici, vivons comme des morts", ajoute-t-elle.

La lettre fait partie des preuves de vie des otages fournies par les Forces armées révolutionnaires de Colombie (Farc), dont une vidéo, diffusées vendredi par les autorités colombiennes. La famille d'Ingrid Betancourt a accueilli vendredi avec émotion et inquiétude la diffusion d'images de l'otage, soulignant "l'urgence" d'une libération tandis que le président Nicolas Sarkozy promettait de "redoubler d'efforts". . L'ex-candidate à la présidentielle colombienne, enlevée en février 2002, apparaît sur une vidéo très amaigrie, immobile, le visage et les yeux baissés.

Ingrid Betancourt a adressé à sa famille une lettre de 12 pages de "désespoir et de solitude", a affirmé vendredi à l'AFP son fils Lorenzo, après avoir pris connaissance du contenu du texte par sa grand-mère Yolanda Pulecio.

Elle n'en peut plus. Il faut la secourir. On sent qu'elle ne va pas tenir très longtemps", a déclaré Lorenzo Delloye. . "C'est tout d'abord une lettre de désespoir de femme qui crie au secours mais malgré tout une mère qui nous aime", a-t-il ajouté. "Elle dit qu'elle se sent terriblement seule, perdue dans cette jungle", a-t-il dit.

"Cette lettre nous montre que maman n'en peut plus comme tous les autres (otages)... qui sont au fond de la jungle en train de mourir tous les jours un peu plus", a ajouté peu après sa soeur Mélanie à la chaîne de télévision France 2. "Si on ne fait pas tout pour qu'ils reviennent le plus vite possible à la maison, on va les perdre dans cette jungle", a-t-elle dit, au bord des larmes.
Comme le reste de la famille, Lorenzo Delloye s'est montré très sceptique concernant les déclarations du président colombien Alvaro Uribe qui a affirmé vendredi qu'Ingrid Betancourt avait été "torturée". "Je demande à M. Uribe de nous fournir les preuves de ce qu'il affirme. C'est inacceptable de lancer ce type d'information sans preuve", a-t-il lancé, appelant la guérilla des Farc et M. Uribe à s'entendre et à engager les négociations pour la libération des otages. "Il faut que le président Uribe comprennent que les otages se sentent seuls et qu'ils meurent de solitude et de désespoir", a-t-il dit.

Ingrid Betancourt est "désespérée" et "souffre", a assuré son mari, Juan Carlos Lecompte, vendredi, après avoir lu la lettre envoyée par sa femme. La Lettre est "cent pour cent personnelle" et la lire a été quelque chose de "très fort", a confié M. Lecompte aux journalistes. "Ce n'est pas pour la presse. Elle est désespérée et souffre beaucoup, elle parle de ses enfants", a-t-il ajouté, devant l'insistance des journalistes. "Ca vient du plus profond d'elle-même", a-t-il lâché. "Elle me dit qu'elle m'aime comme au jour de notre mariage" a-t-il confié, en expliquant que la lettre, de 12 pages écrite en "toute petites" lettres, contenait des messages pour chaque membre de la famille.

Ingrid Betancourt le remercie pour les messages qu'il lui envoie par le biais d'émissions radios et dans lesquels il lui raconte comment vont ses enfants. M. Lecompte a estimé que sa femme avait dû mettre au moins "deux jours" pour écrire la lettre, qui est datée du 22 octobre. "L'écriture est indiscutablement la sienne", a-t-il assuré.

Juan Carlos Lecompte parlait à la presse devant la maison de sa belle-mère, Yolanda Pulecio, après avoir lu la lettre et visionné la vidéo dans laquelle apparaît Ingrid Betancourt. A ce sujet, il a confié son bonheur de voir cette "preuve de vie", après plus de cinq ans de captivité, mais a ajouté avoir été touché de la voir "très maigre, un peu triste et le regard baissé". "On voit qu'elle ne veut rien dire. Elle montre au monde qu'elle est en vie mais qu'elle ne veut pas faire le jeu de la guérilla", a-t-il affirmé.

"Nous sommes extrêmement émues, avec maman, nous sommes très, très, très émues de voir ces images de ma soeur", a dit de son côté Astrid Betancourt. "C'est une image triste de ma soeur, mais elle est vivante", a-t-elle ajouté. "C'est une preuve de vie. Mais je suis très inquiet. Elle est extrêmement maigre et extrêmement fatiguée. Cela montre qu'il y a urgence à la sortir de là", a souligné l'ex-mari d'Ingrid Betancourt, Fabrice Delloye.
La famille et les Comités de soutien à Ingrid Betancourt et la Fédération internationale des comités Ingrid Betancourt (Ficib) ont demandé à l'unisson une relance immédiate des discussions pour la libération des otages détenus par les Farc, qui mènent une rébellion contre les autorités colombiennes depuis 1964.

Les Farc demandent la libération de 500 des leurs contre celle de 46 otages dits "politiques", dont Ingrid Betancourt et trois Américains.

M. Sarkozy s'est réjoui vendredi de ces preuves de vie, affirmant qu'elles encourageaient la France à "redoubler d'efforts". "Il y a encore une longue route pour qu'on obtienne sa libération", a-t-il prévenu, ajoutant qu'il devait s'entretenir avec M. Uribe "dans les heures qui viennent".




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