Malgré leur mobilisation, les apiculteurs devront cohabiter avec le Cruiser
AFP
Par Par Anne CHAON AFP - Jeudi 21 février, 19h02
PARIS (AFP) - Les apiculteurs, montés par centaines jeudi à Paris pour réclamer l'interdiction du Cruiser "tueur d'abeilles" sont repartis bredouilles, ayant tout juste obtenu d'être associés aux mesures de surveillance de l'insecticide honni.
"Je ne suis pas un happy-culteur", "Cruiser-killer", "Abeilles, pesticides, OGM: l'impossible coexistence": les pancartes brandies par les manifestants (900 selon la police), parfois venus en tenue, enfumoir en main, ou déguisés en abeilles, ont touché les Parisiens sans convaincre les autorités.
Le ministre de l'Agriculture Michel Barnier, qui les a reçus, a refusé de revenir sur l'autorisation du Cruiser, délivrée pour un an le 8 janvier, justifiant, dans un communiqué, qu'elle était "assortie de mesures de gestion particulièrement strictes". Il a par ailleurs promis des mesures de "suivi et de surveillance", des parcelles et des ruchers, à titre expérimental en Rhône-Alpes, Midi-Pyrénées et Aquitaine, en concertation avec les apiculteurs et les ONG vertes.
"Reste à élaborer les protocoles: nous avons demandé la participation du ministère de l'Ecologie qui nous l'a promise", s'est félicité le président de l'Union nationale de l'Apiculture française (UNAF) Henri Clément.
Devant la foule massée sous la Tour Eiffel le matin, M. Clément avait interpellé le ministre Jean-Louis Borloo, l'appelant à se "ressaisir pour que le Cruiser ne reste pas comme une tache sur le Grenelle" de l'environnement.
"A quoi sert l'Union européenne si l'expérience d'un pays ne sert pas aux autres? L'Italie a perdu des milliers de ruches l'an dernier avec le Cruiser", s'interrogeait Chantal Boyer-Lambert, venue du Lot-et-Garonne en laissant ses 224 ruches.
Fabriqué par la firme suisse Syngenta, le Cruiser est un insecticide d'enrobage des semences de maïs dont la molécule active, le thiamétoxam, appartient à la famille des neurotoxiques.
L'UNAF s'est tournée le 29 janvier vers le Conseil d'Etat pour réclamer son interdiction. Car les apiculteurs dressent le parallèle avec deux autres insecticides, le Gaucho et le Regent, incriminés dans la mortalité anormale des abeilles avant d'être interdits.
"Ce qui est sûr, c'est que si nous constatons une forte mortalité au printemps, comme avec le Friponil (la molécule du Regent) dans le sud-ouest, le Cruiser sera mort-né", prévient M. Clément.
Cependant, l'Afassa (Agence française de sécurité sanitaire des aliments) a récemment exonéré le Regent et le Gaucho et mis en cause certains parasites (Varroa) et "l'état sanitaire" des ruchers.
"On va retrouver des traces (de Cruiser) dans toute la chaîne alimentaire", s'insurge François Veillerette, du Mouvement pour les droits et le respect des générations futures (MDRGF): "C'est encore un insecticide systémique, qui diffuse dans l'ensemble de la plante, sa molécule reste longtemps active, même dans le sol et l'eau".
Pour la première fois, les principales organisations écologistes associées au Grenelle s'étaient jointes aux apiculteurs, comme France Nature Environnement (FNE), la Ligue de Protection des oiseaux (LPO), ou l'Alliance pour la planète. Et elles en ont rappelé les engagements: réduction de moitié de l'usage des pesticides en 10 ans et retrait des substances les plus dangereuses.
"A ce stade, les études sont totalement insuffisantes pour attester de l'absence de risque du Cruiser", a jugé FNE. Tandis qu'Allain Bougrain-Dubourg, pour la LPO, rappellait que les abeilles, "un des indicateurs de la biodiversité, ont subi un effondrement de 30 à 40% de leurs populations en zone agricole: il y a davantage de vivant, ici en ville, qu'à quelques kilomètres d'ici où se pratique des cultures intensives qui emploient des produits violents".
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