La nouvelle loi contre les discriminations rend possible les classes non-mixtes, interdites dans le public depuis 1975.
Le 15 mai 2008 restera-t-il dans les annales comme la première grande brèche dans le principe de mixité scolaire? Jeudi, le Parlement a en tous cas adopté définitivement la nouvelle loi anti-discrimination, après plusieurs discussions houleuses tant que le texte faisait encore la navette entre les deux assemblées.
Au détour de cette loi, s'installe en effet la possibilité d'organiser un enseignement séparé pour les garçons et les filles à l'école. La mixité s'était pourtant généralisée dès les années 60 dans l'éducation: une circulaire l'impose en juin 1965 pour toutes les nouvelles écoles élémentaires créées, avant de l'étendre à toutes les écoles primaires à la fin de la décennie. C'est, enfin, la loi Haby du 11 juillet 1975 qui allait rendre la mixité obligatoire dans l'enseignement public primaire et secondaire.
Cette disposition du texte finalement adopté a été très critiquée durant le travail parlementaire. Notamment au Sénat, massivement hostile à cette mesure, tous groupes politiques confondus. Début avril, Valérie Létard, secrétaire d'Etat chargée de la Solidarité, avait d'ailleurs été largement interpellée lors de son audition par la commission des Affaires sociales.
C'est ce que raconte Sylvie Demarescaux, sénatrice du Nord (sans étiquette), qui déplore qu'aucun des trois amendements sénatoriaux soit finalement parvenu à infléchir le texte. Mercredi 14 mai, la veille de l'adoption définitive de la loi, la commission mixte paritaire avait en effet fait retirer ces trois amendements visant à supprimer la disposition liée à l'enseignement.
L'un de ces amendements émanait pourtant du centriste Nicolas About, qui préside les affaires sociales au palais du Luxembourg, et qui n'a pas hésité à parler "d'erreur gouvernementale".
Une directive européenne sert de bouc émissaire au gouvernement
De son côté, le gouvernement n'a cessé, jusqu'à l'adoption définitive du texte et malgré les discussions qu'il soulevait, d'arguer de son "absence de marge de manoeuvre", avançant l'obligation de transposer en droit français cinq directives européennes en matière de discrimination.
C'est ce qui fut du reste répondu à la sénatrice Sylvie Demarescaux alors que celle-ci trouvait à s'émouvoir du pas en arrière que cette mesure représente à ses yeux:
"Valérie Létard nous a expliqué que la Commission européenne laissait une très faible marge de manoeuvre dans la transposition des directives en matière de discrimination et que la France n'avait pas vraiment eu le choix.
"Or, pour moi, on revient à ce que j'ai vécu quand j'étais jeune, c'est à dire à une discrimination sexiste. C'est la première fois qu'on revient tant en arrière, alors qu'on avait plutôt bien avancé récemment en matière d'égalité hommes-femmes."
Or si Bruxelles avait bien exigé de ses Etats-membres qu'ils transposent dans leurs législations respectives des mesures antidiscriminatoires, celles-ci concernaient le champ des biens et services. Et nullement l'éducation, prérogative nationale.
Laurence Rossignol, vice-présidente du conseil régional de Picardie et secrétaire nationale chargée des droits des femmes et de la parité au PS, doute elle aussi de cette explication:
"L'Europe? On sourit... Regardez le nombre de directives européennes pour lesquelles la France traine les pieds. Quand on veut freiner, ou peut. C'est un argument fallacieux."
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