Au pays de Patrick Balkany, un petit café culturel résiste encore et toujours au programme d’urbanisation de la Mairie. Nous avons essayé de comprendre cette histoire digne d’un scénario de Plus Belle La Vie, en allant à la rencontre de Danièle Zélic, soutien charismatique du café, et de Paul Houée, le fils du fameux Théo. Reportage.
Levallois est le petit frère de Neuilly-sur-Seine. Séparée par une rue, cette ville héberge des jeunes ménages et des familles, foisonne de bureaux et d’emplois, et regorge de magasins plutôt chics (Esprit, Sephora, Petit Bâteau, Mellow Yellow…) ou axés « art de vivre » (décoration, chocolateries, fromagers etc.) Connue pour être le « fief » de Patrick et Isabelle Balkany, (liste réélue au premier tour des Municipales) la ville bénéficie d’une bonne image : dynamisme économique, sécurité et politique familiale, sont les qualités les plus citées par les habitants. Contrastant avec cette ambiance « Tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil », une immense banderole « Expulsée à 81 ans- Sauvez Théo » surplombe le petit bâtiment de « Chez Théo », le plus vieux café de Levallois, rue Rivay.
Nous avons voulu en savoir plus, et Danièle Zélic, artiste-peintre, poète, « grande fan du Maire de Paris » et fondatrice du blog Sauvez Théo a accepté de nous servir de guide.
Devant l’entrée du café, elle nous explique : « La famille Houée est arrivée de Bretagne à Levallois voici de nombreuses années. A la mort de Théo, qui tenait le bar, son fils Paul lui a promis de reprendre l’affaire et de veiller sur sa mère jusqu’à la fin de ses jours. Aujourd’hui, elle a 81 ans, elle est handicapée, et veut poursuivre sa vie entourée des siens ! »
Quelle est l’origine du litige ? « La Mairie veut expulser la famille Houée et raser le café. Pour elle, Chez Théo n’est pas dans le ton de Levallois. » Le café accueille des artistes MoDem et PS, et même Loic Leprince-Ringuet, opposant de droite, a apporté son soutien. Trop politisé ? demandons-nous … « Disons qu’il ne cadre pas avec les projets de grandeur du Maire. Par ailleurs il y a une question d’urbanisation : C’est un bâtiment à taille humaine, de deux étages, alors que la mode est aux bâtiments très hauts, comme les derniers construits à Levallois, ou comme ce projet de faire des tours au Pont de Levallois… »
Toujours est-il que la famille Houée a reçu un avis d’expulsion ; la Mairie a versé une somme (dérisoire, nous précise Paul) qu’ils ont fermement et symboliquement refusée. Mais, pas le choix, cette somme est bloquée chez un notaire, et la Mairie est donc maintenant propriétaire des lieux !
« Le Maire nous avait - par le biais de son cabinet d’avocats - donné un délai. Il nous a maintenu dans l’expectative, et comme par hasard, au lendemain des élections municipales, le délai d’expulsion a été officiellement fixé. Au 31 aout ! C’est un drame pour moi, pour ma mère, pour notre famille, mais aussi pour les habitants du quartier, qui trouvent ici un peu d’humanité. »
L’atmosphère qui règne dans le café est effectivement très amicale : deux habitués discutent en souriant, et interviennent parfois dans notre échange, une jeune femme qui promène son chien dans la rue passe la tête pour saluer le patron, qui sert une cliente, en devisant joyeusement sous des peintures et des photos d’artistes du coin. Les habitués des cafés parisiens redoutent souvent les contacts avec les serveurs, qui vous lancent votre monnaie en soupirant, vous enlèvent votre verre alors que vous buviez le fond de sirop à la paille et qui vous disent, du coin de la bouche « ‘Faut consommer toutes les heures ». Non, ici, contre les bouteilles (le lieu fait aussi cave à vins) la sœur de Paul a installé des guirlandes de cœurs, avec des messages: « tolérance », « amitié »… et l’horloge, ironique, affiche le message « Time is Money ».
Paul nous montre le dossier qu’il a préparé pour le procès. Il semble assez complexe : d’après ce que nous en comprenons, la Mairie aurait envoyé un émissaire pour faire une proposition d’achat, afin d’arguer ensuite de cette « négociation » en cours, pour utiliser son droit de préemption. Il faut suivre.
« Ce café crée du lien social, poursuit Danièle Zélic, les habitués n’auraient plus nulle part où aller, les artistes ne sauraient plus où exposer. La Mairie a proposé de reloger la mère de Paul Houée dans une chambre de la résidence pour personnes âgées. La maison familiale contre une chambre en maison de retraite, voilà leur solution de rechange ! »
Je demande à Paul Houée s’il a anticipé et s’il a commencé à chercher ailleurs : « Non », répond-il, ferme, mais avec un demi-sourire, « Je suis peut-être utopiste, mais je continue à penser que nous avons une chance, même faible,même 1 chance sur 10, de pouvoir rester dans note café. »
« Chaque samedi, nous organisons des soirées de soutien : musique, impros, poèmes… Samedi 10 mai, par exemple, une exposition gratuite d’images et textes de Julien Escoffier; et de peintures de Danièle Zélic sera proposée. Nous ne voulons pas laisser détruire ce lieu qui a une âme, qui abrite une famille, qui participe à l’histoire de la ville, cette histoire qu’on est en train de gommer petit à petit au buldozer… »
source: Marlène Schiappa
http://20minutes.neuillybondyblog.fr
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