Le rapport de la Ligue des droits de l'homme, qui sera rendu public demain, dresse un tableau alarmant de la situation en France après un an sous le régime Sarkozy. (REUTERS)
Pour la cinquième année consécutive, la Ligue des droits de l’Homme publie le mercredi 7 mai son rapport sur «L’état des droits de l’homme en France» (La Démocratie asphyxiée, La Découverte, 128 pp., 10 €). En six chapitres précis et documentés, les militants de la LDH y dressent un tableau particulièrement alarmant des atteintes aux libertés et aux droits sociaux par la «République selon Sarkozy», alors que le Président fête son premier anniversaire à l’Elysée. En exclusivité pour Libération, ils ont rédigé la synthèse de leur travail et livrent leurs conclusions.
Une démocratie exemplaire ? «Rupture»… avec les valeurs républicainesOn peut rompre avec tous et avec tout, sauf avec sa propre politique: les "lois Sarkozy" du précédent quinquennat sont toujours là. Pourtant, le 6 mai 2007 a constitué un saut qualitatif dans la forme du politique, comme sur nombre de points fondamentaux. L’Etat est désormais géré comme une entreprise personnelle par un "président-Soleil", dans une ambiance jet-set décomplexée. Le présidentialisme a muté en "monarchie élective", à laquelle aucune institution ne résiste : ni le gouvernement de "collaborateurs" à faire noter par un cabinet privé, ni le Parlement paraphant sa dose hebdomadaire de "réformes" ficelées, ni la justice dont la ministre explique qu’elle est rendue "au nom de la légitimité suprême des Français qui ont élu Nicolas Sarkozy pour restaurer l’autorité". "Ainsi veut le roi, ainsi veut la loi" ? Et le peuple français se réduit-il à la majorité présidentielle ? Rupture, oui, dans la désinstitutionnalisation du pouvoir, l’autoritarisme personnalisé et la privatisation du politique. Rupture, au bout du compte, avec les valeurs républicaines.»
Le droit à l’éducation et à la sûreté pour nos enfants ? Fichons ces graines de délinquants !«Le fichier "Base-élèves" est un bon exemple des pratiques de fichage systématisé et du nouveau contrôle social. Tandis que le ministère de l’Education nationale fait le forcing pour convaincre les directeurs d’école de ses mérites, les parents d’élèves découvrent avec stupeur que ce fichier permettra de conserver pendant quinze ans quantité d’informations sur leurs enfants. Les décrets relatifs à la loi "de prévention de la délinquance" commencent à sortir et les maires sont désormais habilités à se constituer une base de données à partir des informations qu’ils auront récoltées auprès des directeurs d’école, des caisses d’allocations familiales et des inspecteurs d’académie.La LDH et ses partenaires demandent que les différents fichiers qui relèvent de l’Education nationale fassent l’objet d’une information préalable aux parents, d’un débat démocratique sur leur contenu et présentent des garanties quant à la confidentialité et aux possibilités de centralisation ou d’interconnexion des données enregistrées. Une exigence minimale.»Et les droits universels pour les migrants ? La traque et la peur pour des «sans-droits»«Baba Traoré, qui s’enfuit à la vue d’un contrôle de police et qu’on retrouve noyé : voilà le dernier mort de la guerre que le gouvernement mène contre les sans-papiers. Préférant ignorer qu’une partie de l’économie repose sur l’exploitation au travail de ces hommes et femmes de l’ombre, cette guerre est conduite au nom d’une idéologie, celle de la "menace" que ferait peser l’immigration sur l’"identité nationale". Et d’un projet politique : fidéliser sur cette base l’électorat d’extrême droite. Cette idéologie mobilise comme jamais les préfectures, encouragées à faire du chiffre au détriment de l’examen des situations humaines, et les forces de police, entraînées vers des dérives qui traumatisent nombre de fonctionnaires : arrestations au domicile et en préfecture, rafles, brutalités dans les centres de rétention…Mais elle suscite aussi ses objecteurs de conscience et ses résistants : les sans-papiers eux-mêmes, qui luttent pour leurs droits, et les citoyens, ces "innombrables" qui refusent la xénophobie d’Etat et dont la solidarité dessine un autre visage de notre société.»La sûreté pour tous ? La prison pour toute réponse !«Nicolas Sarkozy, chantre de la réforme, a échoué sur l’économique et le social. Alors il alourdit la politique sécuritaire qu’il développait depuis 2002. Ça coûte moins cher et ça paie plus. En cinq ans, quarante lois ont bouleversé le Code de procédure pénale et trente ont désarticulé le Code pénal. Les principes fondamentaux de la responsabilité pénale et des garanties judiciaires s’estompent. Au point que, lorsque le timide Conseil constitutionnel ose rappeler cette pierre angulaire de notre droit qu’est le principe de non-rétroactivité des lois, le Président s’en offusque et tente de le contourner.Rien ne prouve que cette frénésie législative ait fait baisser la délinquance ; mais depuis l’élection présidentielle, le nombre de détenus est passé de 60 571 à 63 211 - pour toujours 50 207 places. Le contrôleur général des prisons n’est toujours pas nommé et la loi pénitentiaire s’éloigne. Mais on construit de nouvelles prisons, y compris pour les enfants.»La France des droits de l’homme dans le monde ? Atlantisme et ethnocentrisme«En fait de droits de l’homme, la politique étrangère de Nicolas Sarkozy mêle un immobilisme qui l’entraîne à choyer les "amis" habituels, fussent-ils peu fréquentables, et une démarche qui le rapproche de la thématique de la guerre des civilisations. Derrière la façade des états d’âme de la secrétaire d’Etat aux Droits de l’homme, rien n’a changé dans les rapports entre Paris et les vieux clients-fournisseurs de la France que sont Ben Ali, Bongo, Sassou Nguesso et tant d’autres. En revanche, le retour dans le giron atlantiste s’accompagne d’un discours sur le monde musulman qui le désigne comme l’ennemi des valeurs du monde occidental, et d’un discours sur l’Afrique qui reproduit les clichés coloniaux les plus éculés. Le choc des civilisations et le complexe de supériorité résument la vision de Nicolas Sarkozy, comme son ministère de l’Identité nationale en fait foi, jusqu’à la nausée : politique étrangère et politique intérieure se rejoignent dans l’inacceptable.»
Le droit à l’éducation et à la sûreté pour nos enfants ? Fichons ces graines de délinquants !«Le fichier "Base-élèves" est un bon exemple des pratiques de fichage systématisé et du nouveau contrôle social. Tandis que le ministère de l’Education nationale fait le forcing pour convaincre les directeurs d’école de ses mérites, les parents d’élèves découvrent avec stupeur que ce fichier permettra de conserver pendant quinze ans quantité d’informations sur leurs enfants. Les décrets relatifs à la loi "de prévention de la délinquance" commencent à sortir et les maires sont désormais habilités à se constituer une base de données à partir des informations qu’ils auront récoltées auprès des directeurs d’école, des caisses d’allocations familiales et des inspecteurs d’académie.La LDH et ses partenaires demandent que les différents fichiers qui relèvent de l’Education nationale fassent l’objet d’une information préalable aux parents, d’un débat démocratique sur leur contenu et présentent des garanties quant à la confidentialité et aux possibilités de centralisation ou d’interconnexion des données enregistrées. Une exigence minimale.»
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