Info nouvelobs.com : Nous publions en exclusivité la note d’observation du ministère de la Justice qui servira de base à la procédure disciplinaire contre le juge Fabrice Burgaud devant le Conseil Supérieur de la magistrature, dans les suites de l'affaire Outreau. Le juge et ses pratiques y sont lourdement mis en accusation par le monde judiciaire.
Lire la note du ministere de la justice
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(source : http://tempsreel.nouvelobs.com/actualites/societe/20090123.OBS1262/burgaud_devant_le_csm__la_note_de_la_chancellerie.html)
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A Boulogne-sur-Mer, le juge Burgaud aimait répéter à ceux qui défilaient menottés dans son bureau: "cette histoire, c’est l’affaire du siècle".
Le calendrier, en tout cas, lui donne raison, et, d’année en année, les fantômes d’Outreau n’en finissent pas de venir revisiter la justice. Cette fois, c’est Fabrice Burgaud lui-même qui surgit, puisqu’il va comparaitre devant le Conseil Supérieur de la magistrature pendant la première semaine de février pour répondre de son instruction, où 13 personnes -poursuivies pour pédophilie- furent finalement acquittées après des années de prison et deux procès d’Assises.
Dans cette procédure publique très attendue, avec cortège de témoins, de caméras et de rebondissements, nouvelobs.com publie en exclusivité la note d’observation du ministère de la Justice, datée du 20 janvier 2009, qui servira de base à la procédure disciplinaire contre le juge, dont la défense est assurée par deux avocats (maitres Patrick Maisonneuve et Jean-Yves Dupeux) et un magistrat (Jean-Yves Monfort). A vrai dire, la lecture de ce texte est une surprise. Ou plutôt, des surprises.
Tout d’abord, le juge et ses pratiques sont lourdement mis en accusation par le monde judiciaire. Cela peut paraitre surprenant, mais c’est la première fois. Jusqu’à présent, les différentes instances professionnelles paraissaient surtout embarrassées et contrites. En 2006, par exemple, l’inspection de générales des services judiciaires avaient eu des timidités sémantiques pour évoquer "de très nombreuses insuffisances" dans l’instruction, sans pour autant "relever de fautes".
Cette fois, le texte de la chancellerie énumère contre Fabrice Burgaud son «manque de rigueur, d’impartialité et d’égards envers les justiciables", relevant que ses pratiques sont "systématiques voire volontaires".
Par son comportement, il a donné "une image dégradée de l’institution judiciaire", fait qui est "contraire à l’honneur". A la chancellerie, on se vante de ce "sérieux recadrage" : il ne risque en tout cas pas de choquer l’opinion publique qui avait hurlé contre "le corporatisme des magistrats".
Deuxième surprise: le juge est le seul cette fois à être désigné pour monter dans la charrette. Selon elle en effet, les pratiques de Fabrice Burgaud ont rendu le dossier si "confus" que tout contrôle par d’autres magistrats s’en est trouvé empêché.
Or, jusqu’à présent, les différentes commissions qui ont planché des mois durant sur les dysfonctionnements de la justice dans Outreau, avaient au contraire mis en cause l’ensemble de la chaine pénale, relevant qu’au moins une cinquantaine de magistrats avaient pris des décisions dans le dossier.
Peut-on imaginer la chambre de l’instruction, composée de magistrats aguerris, dont la tâche est précisément de contrôler les procédures et en déceler les erreurs, dupée par un débutant de trente ans ? Puis la cour d’appel ? Puis les juges des libertés ?
Aujourd’hui encore, Hubert Delarue, un des avocats des acquittés, énumère tous les mémoires qu’il a déposés à l’époque devant les supérieurs de Burgaud : "s’ils avaient au moins pris la peine de les lire, cela leur aurait permis de comprendre qu’ils avaient mieux à faire qu’entériner mécaniquement les décisions du juge d’instruction».
De son côté, Eric Dupond-Moretti lance : "Des Outreaux, il y en a tous les jours et des Burgaud, j’en connais au moins 150". Chacune à leur manière, les différentes commissions avaient d’ailleurs conclu que c’était justement la justice ordinaire qui avait créé cette extraordinaire injustice. En prenant connaissance de la note du ministère, un membre de la commission parlementaire soupire maintenant: «La chancellerie semble choisir de charger Burgaud, et lui seul, pour sauver l’institution. Au fond, on se demande si ce n’est pas plus corporatiste que les instances judiciaires précédentes ?». Et voila l’affaire d’Outreau repartie pour un tour.
Troisième surprise enfin (en attendant les suivantes):
la rencontre au milieu de nulle part de deux monstres judiciaires, dont nul n’attendait plus qu’ils se croisent, l’affaire d’Outreau et le débat sur la suppression du juge d’instruction. Ces derniers jours, Nicolas Sarkozy vient en effet d’annoncer sa décision de supprimer ces magistrats.
Mais, pour le dire simplement, qui croit encore au hasard, dans le paysage politique aujourd’hui ?
"Le revirement de la chancellerie dans ce dossier correspond parfaitement à l’annonce du Président de supprimer le juge d’instruction, commente Patrick Maisonneuve, un des deux avocats de Fabrice Burgaud. Avant de les supprimer tous, il va commencer par en supprimer un. Burgaud". Et qui va pleurer sur celui, qui aux yeux des français, est devenu le symbole de l’erreur judiciaire ? Même ceux qui seraient en faveur de cette réforme, au prix de garanties sur l’indépendance du parquet, en sont tout embarrassés.
"En rendant Burgaud coupable de tous les maux, on va condamner l’homme mais ressusciter la fonction", reprend l’avocat Hubert Delarue.
Florence Aubenas
Le calendrier, en tout cas, lui donne raison, et, d’année en année, les fantômes d’Outreau n’en finissent pas de venir revisiter la justice. Cette fois, c’est Fabrice Burgaud lui-même qui surgit, puisqu’il va comparaitre devant le Conseil Supérieur de la magistrature pendant la première semaine de février pour répondre de son instruction, où 13 personnes -poursuivies pour pédophilie- furent finalement acquittées après des années de prison et deux procès d’Assises.
Dans cette procédure publique très attendue, avec cortège de témoins, de caméras et de rebondissements, nouvelobs.com publie en exclusivité la note d’observation du ministère de la Justice, datée du 20 janvier 2009, qui servira de base à la procédure disciplinaire contre le juge, dont la défense est assurée par deux avocats (maitres Patrick Maisonneuve et Jean-Yves Dupeux) et un magistrat (Jean-Yves Monfort). A vrai dire, la lecture de ce texte est une surprise. Ou plutôt, des surprises.
Tout d’abord, le juge et ses pratiques sont lourdement mis en accusation par le monde judiciaire. Cela peut paraitre surprenant, mais c’est la première fois. Jusqu’à présent, les différentes instances professionnelles paraissaient surtout embarrassées et contrites. En 2006, par exemple, l’inspection de générales des services judiciaires avaient eu des timidités sémantiques pour évoquer "de très nombreuses insuffisances" dans l’instruction, sans pour autant "relever de fautes".
Cette fois, le texte de la chancellerie énumère contre Fabrice Burgaud son «manque de rigueur, d’impartialité et d’égards envers les justiciables", relevant que ses pratiques sont "systématiques voire volontaires".
Par son comportement, il a donné "une image dégradée de l’institution judiciaire", fait qui est "contraire à l’honneur". A la chancellerie, on se vante de ce "sérieux recadrage" : il ne risque en tout cas pas de choquer l’opinion publique qui avait hurlé contre "le corporatisme des magistrats".
Deuxième surprise: le juge est le seul cette fois à être désigné pour monter dans la charrette. Selon elle en effet, les pratiques de Fabrice Burgaud ont rendu le dossier si "confus" que tout contrôle par d’autres magistrats s’en est trouvé empêché.
Or, jusqu’à présent, les différentes commissions qui ont planché des mois durant sur les dysfonctionnements de la justice dans Outreau, avaient au contraire mis en cause l’ensemble de la chaine pénale, relevant qu’au moins une cinquantaine de magistrats avaient pris des décisions dans le dossier.
Peut-on imaginer la chambre de l’instruction, composée de magistrats aguerris, dont la tâche est précisément de contrôler les procédures et en déceler les erreurs, dupée par un débutant de trente ans ? Puis la cour d’appel ? Puis les juges des libertés ?
Aujourd’hui encore, Hubert Delarue, un des avocats des acquittés, énumère tous les mémoires qu’il a déposés à l’époque devant les supérieurs de Burgaud : "s’ils avaient au moins pris la peine de les lire, cela leur aurait permis de comprendre qu’ils avaient mieux à faire qu’entériner mécaniquement les décisions du juge d’instruction».
De son côté, Eric Dupond-Moretti lance : "Des Outreaux, il y en a tous les jours et des Burgaud, j’en connais au moins 150". Chacune à leur manière, les différentes commissions avaient d’ailleurs conclu que c’était justement la justice ordinaire qui avait créé cette extraordinaire injustice. En prenant connaissance de la note du ministère, un membre de la commission parlementaire soupire maintenant: «La chancellerie semble choisir de charger Burgaud, et lui seul, pour sauver l’institution. Au fond, on se demande si ce n’est pas plus corporatiste que les instances judiciaires précédentes ?». Et voila l’affaire d’Outreau repartie pour un tour.
Troisième surprise enfin (en attendant les suivantes):
la rencontre au milieu de nulle part de deux monstres judiciaires, dont nul n’attendait plus qu’ils se croisent, l’affaire d’Outreau et le débat sur la suppression du juge d’instruction. Ces derniers jours, Nicolas Sarkozy vient en effet d’annoncer sa décision de supprimer ces magistrats.
Mais, pour le dire simplement, qui croit encore au hasard, dans le paysage politique aujourd’hui ?
"Le revirement de la chancellerie dans ce dossier correspond parfaitement à l’annonce du Président de supprimer le juge d’instruction, commente Patrick Maisonneuve, un des deux avocats de Fabrice Burgaud. Avant de les supprimer tous, il va commencer par en supprimer un. Burgaud". Et qui va pleurer sur celui, qui aux yeux des français, est devenu le symbole de l’erreur judiciaire ? Même ceux qui seraient en faveur de cette réforme, au prix de garanties sur l’indépendance du parquet, en sont tout embarrassés.
"En rendant Burgaud coupable de tous les maux, on va condamner l’homme mais ressusciter la fonction", reprend l’avocat Hubert Delarue.
Florence Aubenas
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