24/09/2009

« Vous n'êtes pas digne d'être élue » Dominique Schmitt, Préfet de la Région Aquitaine à Naïma Charaï, Conseillère régionale

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Insulter les élus de la République : la nouvelle mission des Préfets ?
« Vous n'êtes pas digne d'être élue » Dominique Schmitt, Préfet de la Région Aquitaine à Naïma Charaï, Conseillère régionale

Le 22 septembre au soir, l'Association Pour l'Accueil des Femmes En Difficulté inaugurait les nouveaux hébergements d'urgence à Cenon (33) qu'elle va gérer au bénéfice des femmes victimes de violences conjugales.

A cette occasion, plusieurs personnalités politiques étaient invitées à représenter les institutions qui ont cofinancé ces lieux d'accueil. Parmi elles, se trouvaient Naïma Charaï, Conseillère Régionale d'Aquitaine déléguée à la lutte contre les discriminations, Édith Moncoucut, Vice-Présidente du Conseil Général de la Gironde en charge de la solidarité et Dominique Schmitt, Préfet de Région.

Dans leurs discours, Naïma Charaï et Édith Moncoucut ont interpellé le représentant de l'Etat. Mme Moncoucut expliquait qu'avec la disparition de la clause de compétence générale proposée par la réforme de Nicolas Sarkozy, le Conseil Général ne pourrait plus financer les projets comme celui de l'APAFED. En effet, l'hébergement d'urgence est de la compétence de l'Etat et quand le Conseil Général vient en financement, il s'agit de volontarisme politique permis par la clause de compétence générale. Madame Charaï signalait quant à elle qu'il était quasi impossible à des femmes d'origine étrangères victimes de violences conjugales de se voir délivrer par la préfecture un titre de séjour en France. Ironiquement et en écho à de récentes déclarations du Ministère de l'Intérieur, elle souligna que quand il y en a une, ça va, c'est quand il y en a plusieurs que cela pose problème.

C'est alors que le Préfet est sorti de ses gonds et a tenu à admonester les deux insolentes. A Edith Moncoucut, il a expliqué qu'il fallait peut-être que le Conseil Général remplisse correctement ce qui relève de ses compétences obligatoires avant de vouloir oeuvrer dans le champ du facultatif. Il a ensuite nié les affirmations de Naïma Charaï quant à la délivrance des titres de séjours aux femmes battues et s'est posé en fervent défenseur de Brice Hortefeux qu'il connaissait parfaitement et qui « respectait les musulmans ». La réaction du Préfet respire la mauvaise foi absolue. En effet, depuis sa prise de fonction, le Préfet n'a jamais adressé le moindre reproche officiel au Conseil Général quant à la manière dont il remplissait ses missions. Concernant la régularisation de femmes sans-papiers mariées en France et victimes de violences, associations et élus peuvent témoigner de l'impasse administrative dans laquelle la Préfecture les place. Répondre aux déclarations inadmissibles de Monsieur Hortefeux par un « il respecte les musulmans, il fait même les ruptures de jeûne » relève de connexions étranges qu'il ne vaut mieux pas qualifier ici. En plus d'être malhonnête, la réponse du Préfet est, sur le ton, musclée. Toutefois, elle demeure compréhensible de la part d'un représentant de l'Etat qui se fait par ailleurs un devoir de défendre son ami et ministre de tutelle.
La suite est en revanche plus grave.
Pour conclure ses remontrances à l'endroit de Naïma Charaï, le Préfet lui a lancé qu'elle n'était pas digne d'être élue de la République.

Et il faut en revenir au contexte : le Préfet tient ses propos en public, devant une assemblée associative qui est en contact quotidien avec des femmes battues par leur conjoint qui estiment qu'elles ne leur sont pas égales. Quand le Préfet s'arroge un pouvoir qui ne lui appartient pas pour considérer qu'une élue n'est pas digne de l'être, c'est-à-dire qu'elle serait dans les faits moins que ce qu'elle est aujourd'hui, il procède exactement de la même manière que ces crétins de bonshommes qui infériorisent leurs femmes pour justifier leur violence. Seul le peuple français peut dire si une personne est digne ou non d'être élue et qu'un serviteur de l'État, qui n'a pas été choisi par le peuple, se permette de distribuer ou de retirer des points de dignité politique me semble surréaliste. Qu'il me soit permis de penser que jamais le Préfet n'aurait eu une telle réaction si les propos de Naïma Charaï ou ceux d'Édith Moncoucut avaient été tenus par le Président de la Région ou celui du Conseil Général qui tous deux doivent largement partager le fond du discours contesté.

J'invite pour ma part le Préfet à adresser ses excuses à l'intéressée et à méditer ses propos honteux. J'espère qu'ils ne relèvent que d'une fatigue passagère et qu'il ne faut pas chercher des raisons plus obscures. Je souhaite enfin que la réaction du Préfet ne préfigure pas de nouvelles relations entre l'autorité déconcentrée de l'Etat et les élus locaux.

Matthieu Rouveyre
Conseiller général, Conseiller municipal de Bordeaux
http://www.matthieu-rouveyre.fr

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