25/07/2010

Prisons pour mineurs: des violences légales, et létales

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“C’est moi le chef, c’est moi qui commande”.
Propos tenus par un gardien de prison à une détenue de 16 ans qui lui faisait remarquer que sa technique d’immobilisation l’empêchait de respirer…
Adam Rickwood et Gareth MyattAdam Rickwood (à gauche) mesurait 1m55 et pesait 48 kilos. Il avait 14 ans lorsqu’il s’est pendu, en prison. Six heures plus tôt, quatre geôliers l’avaient alors tellement frappé sur le nez que du sang en coula une heure durant :
“Quand je me suis calmé, je leur ai demandé pourquoi ils m’avaient frappé sur le nez, et sauté sur moi.
Ils m’ont répondu que c’était parce que je ne voulais pas retourner dans ma chambre, alors je leur ai demandé ce qu’il leur donnait le droit de frapper un enfant de 14 ans et ils m’ont répondu que c’était leur technique de contrôle.”
La méthode, dite “nose distraction“, consistant à appuyer, tordre et frapper avait été validée par le ministère de la Justice. Accessoirement, Adam n’aurait jamais du se trouver dans ce centre de rétention pour mineurs : celui qui l’avait accusé de l’avoir frappé s’était rétracté. Mais le policier qui aurait pu le libérer était en congé.


“Si tu es capable de crier, tu dois pouvoir respirer”

Gareth Myatt (à droite), un Britannique de 15 ans, mesurait quant à lui 1 mètre 46 et pesait 45 kilos. Condamné à 12 mois de prison pour avoir volé une bouteille de bière, et avoir frappé un travailleur social, il refusa, trois jours après avoir été incarcéré, de nettoyer un grille-pain.
Renvoyé dans sa chambre, l’un des gardiens de prison voulut nettoyer son bureau, et prit un petit bout de papier. Gareth se rua sur lui. On découvrit plus tard qu’il s’agissait du nouveau numéro de téléphone portable de sa mère.
Trois gardiens de prison lui appliquèrent alors une technique de contention, validée par le ministère de la Justice afin de contrôler les mineurs incarcérés et quelque peu similaire à celle qui entraîna la “mort naturelle“, à Roissy, de deux sans-papiers, Ricardo Barrientos, et Mariam Getu Hagos, lors de leurs reconduites à la frontière en 2003.
Pendant que deux des geôliers maintenaient Gareth plié, le torse contre les genoux, un troisième lui faisait pression sur sa tête, comme le rapporta Diana Smith, l’une des trois gardiens de prison impliqués :
Technique de contentionGareth n’arrêtait pas de crier et de jurer. A un moment, il cria qu’il ne pouvait plus respirer. Quelqu’un lui répondit que “si tu es capable de crier, tu dois pouvoir respirer.”
Gareth nous avertit qu’il allait se faire caca dessus. Quelqu’un lui répondit : “ben tu vas en chier, parce qu’on ne peut pas te laisser partir dans cet état”.
Après avoir constaté qu’il avait effectivement déféqué, et qu’il s’était calmé, les gardiens réalisèrent au bout de quelques minutes que quelque chose n’allait pas. Du vomi sortait de son nez, et il avait les yeux révulsés. Gareth Myatt venait de mourir, asphyxié.
Deux mois plus tard, en juin 2004, cette technique de contention était interdite, et une enquête sur la façon qu’avaient les gardiens de prison de contenir les adolescents révéla que dans les deux tiers des cas, leurs méthodes étaient “potentiellement létales“.

Des techniques autorisées, mais inhumaines, dégradantes…

Près de trente mineurs sont morts dans les prisons britanniques ces vingt dernières années. Les autorités ont d’abord refusé de répondre aux mères d’Adam et Gareth, et tenté de cacher leurs responsabilités. Mais en 2008, la mère d’Adam réussit à faire condamner par la justice britannique ce genre de techniques, qualifiées de “traitement inhumains et dégradants” contraires à la Convention européenne des droits de l’homme.
Le scandale rebondit aujourd’hui avec la révélation, par le Children’s Rights Alliance for England (CRAE, qui s’est donné pour mission de faire appliquer, au Royaume-Uni, la convention internationale des droits de l’enfant), de l’existence d’un manuel des techniques de contention validées par le ministère de la Justice. Après en avoir interdit la transmission à la commission parlementaire britannique des droits de l’homme, le ministère avait encore tenté, en vain, le mois dernier d’en interdire la révélation.
Le rapport que le CRAE en a tiré est accablant, et détaille point par point les différentes violences physiques autorisées, et validées, par le ministère, à destination des surveillants de ces centres de détention sécurisée, prisons (privées) pour mineurs de 12 à 17 ans.
Les statistiques montrent que si ces violences physiques ont décliné ces dernières années (3727 fois en 2004, 4285 fois en 2005, mais “seulement” 1776 en 2008), elles n’en ont pas moins entraîné des dizaines de blessures avérées (bras, nez, poignets et doigts cassés).

… et susceptibles de tuer

Le manuel averti d’ailleurs les surveillants des “dangers potentiels associés à ces techniques de contraintes” et les invite à apprendre à en “reconnaître les signes avant-coureurs“, dans la mesure où elles sont susceptibles d’entraîner une “fracture du crâne“, ainsi qu’une “cécité temporaire ou permanente causée par la rupture de la rétine ou du globe oculaire” et qu’en cas d’asphyxie, “la situation ne relève plus de la contention, mais de l’urgence médicale“, l’adolescent risquant de mourir “très rapidement“.
Le manuel conseille également aux surveillants de filmer leurs interventions, afin de “protéger l’équipe des risques d’accusations mensongères dont ils pourraient faire l’objet“, mais également de documenter leurs actions, en faisant des gros plans sur le visage des adolescents tout en leur demandant de décliner leurs noms et matricules.
En cas de grave danger, et faute d’alternative, les surveillants sont également autorisés à frapper le détenu au visage avec son propre coude, ou dans ses côtes avec leurs coudes, à enfoncer leurs doigts à l’aine ou au sternum, à lui tordre les pouces, à exercer une pression avant-arrière sur son nez avec la main, ou encore à lui racler le tibia avec leurs chaussures… toutes techniques enseignées aux surveillants pendant un stage initial de 5 jours, suivi de mises à niveau d’une journée.
En conclusion, le CRAE en appelle à l’interdiction de ce genre de techniques destinées à “causer délibérément souffrances physiques et humiliations“, à interdire tout châtiment corporel (ainsi que l’utilisation de menottes) dans les centres de détention pour mineurs, et à informer tous les adolescents, et leurs parents, de leurs droits en cas de mauvais traitement.
Dans la lettre d’adieu qu’il laissa à sa maman, Adam Rickwood lui demanda de jouer “No Woman, No Cry” de Bob Marley à son enterrement. Permettez-moi d’y rajouter “Redemption Song” :
un article propulsé par TORAPAMAVOA :
http://torapamavoa.blogspot.com Clikez LIRE LA SUITE ci dessous pour lire la suite de l'article...^^

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