Migrants fantômes à Calais
Par Marie Barbier le lundi 20 septembre 2010,
Retour à Calais, un an après le démantèlement médiatique de la « jungle ».

Dans les rues de Calais, les migrants ont disparu. Volatilisés. C’est à peine si l’on croise, parfois, deux ou trois Soudanais. Eric Besson aurait donc réussi. Le 22 septembre 2009, le ministre de l’Immigration détruisait la « jungle » de Calais, principal campement des Afghans à la périphérie de la ville. Il fallait, assurait alors le ministre de l’Immigration, « casser le principal outil de travail des filières clandestines dans la région ». Casser, détruire, démanteler… Ainsi, la politique de l’anéantissement serait gagnante.


La réalité est beaucoup plus sordide. Les migrants sont toujours là, mais réduits à l’invisibilité. Traqués par la police, ils sont des ombres qui se terrent dans des squats et des campements encore plus précaires.
De fait, leur nombre a baissé. En juillet 2009, les associations calaisiennes comptabilisaient environ 1 200 migrants ; aujourd’hui ils seraient moins de 300. Évidemment, ces hommes et ces femmes n’ont pas disparu comme par enchantement, on les retrouve ailleurs, selon le principe des vases communicants. Certains sont partis tenter leur chance en Belgique ou en Suède, réputées plus accueillantes. D’autres se sont réfugiés à Paris (lire ci-contre). Enfin, ils seraient nombreux à avoir simplement quitté Calais pour ses alentours, s’installant dans des camps précaires le long du littoral de la Manche, de Dunkerque à Cherbourg, où l’un de leur campement a récemment été incendié. En tout, environ 500 migrants vivraient dans la région. « Leur nombre a effectivement diminué, mais ce n’est pas dû à l’intervention d’Eric Besson, modère Francis Gest, du collectif d’associations C’Sur. La politique de contrôle aux portes de l’Europe, très efficace, empêche les migrants de passer les frontières. Forcément, ça se répercute ici. »
Dans les rues de Calais, les migrants ont disparu. Volatilisés. C’est à peine si l’on croise, parfois, deux ou trois Soudanais. Eric Besson aurait donc réussi. Le 22 septembre 2009, le ministre de l’Immigration détruisait la « jungle » de Calais, principal campement des Afghans à la périphérie de la ville. Il fallait, assurait alors le ministre de l’Immigration, « casser le principal outil de travail des filières clandestines dans la région ». Casser, détruire, démanteler… Ainsi, la politique de l’anéantissement serait gagnante.


La réalité est beaucoup plus sordide. Les migrants sont toujours là, mais réduits à l’invisibilité. Traqués par la police, ils sont des ombres qui se terrent dans des squats et des campements encore plus précaires.
Emmuré vivant

Burlesques ou dramatiques, les anecdotes sur les abus policiers fleurissent. Récemment, une sortie scolaire dans la citadelle a viré au théâtre de Guignol lorsque les collégiens se sont retrouvés au milieu d’une course poursuite entre migrants et CRS, les premiers se jetant dans les douves pour échapper aux seconds. Autre histoire qui a fait le tour de la ville : la semaine dernière, les forces de l’ordre ont muré un squat, oubliant un migrant à l’intérieur. L’homme a passé 24 heures emmuré vivant, avant que les associations réussissent à faire intervenir les forces de l’ordre. « Vous connaissez une ville où il existe une telle présence policière ? lance Francis Gest, de C’Sur. C’est invivable. La police tourne dans la ville, les repère, puis démantèle, casse, gaze, mure. Ils sont systématiquement délogés et les squats fermés. Leur vie ici est impossible. »
Squat des Africains


Avec une telle surveillance, les migrants se font le plus discret possible, tentant de préserver un tant soit peu leurs campements éphémères. Actuellement, sur Calais et sa périphérie, une quinzaine de camps et squats auraient ainsi vu le jour. Mariam Guerey, énergique salariée du Secours catholique, qui organise des maraudes pour « apporter un peu de chaleur aux migrants », les connaît quasiment tous.

Le matin même, le chat a bien travaillé : une descente à 7h30 s’est soldée par une trentaine d’arrestations. Hachim est passé entre les mailles du filet en se faisant tout petit dans sa cachette : le haut d’une grande armoire, au fin fond de l’usine. Hachim a un beau visage d’adulte pas tout a fait sorti de l’enfance : il a 18 ans, a fui l’Erythrée dans la corne de l’Afrique, traversé la Libye, la Méditerranée, la Grèce puis l’Italie avant de se retrouver coincé dans l’entonnoir calaisien. Il aimerait rejoindre les Pays-Bas et passe ses nuits à se glisser sous des camions.

Nouvelle jungle

Dans la zone dunaire qui jouxte l’hoverport, une nouvelle « jungle » a en effet vu le jour. Rien à voir avec l’ancien campement pachtou et ses baraques sommaires faites de bâches en plastique et de palettes de bois. Ici, pas de construction, à peine quelques affaires cachées au milieu des broussailles. Les migrants se rassemblent par petits groupes. « Pas plus de quatre ou cinq sinon ils savent qu’ils vont être repérés » explique Charles Frammezelle, bénévole connu sous le nom de Moustache. Derrière un bosquet, il montre un blouson, un savon, une bouilloire, autant de signes de la vie fragile qui s’est installée ici.

Mineur et demandeur d’asile, Kadir devrait doublement être logé par l’État français. Dans des structures adéquates et non pas dans des centres pour jeunes délinquants comme l’ont été les mineurs arrêtés lors de l’opération de septembre 2009 souligne Mélanie de l'association de soutien aux migrants Salam : « Beaucoup nous ont raconté qu’ils avaient été maltraités par les policiers, avant d’être emmenés dans des centres qui n’étaient pas adaptés. C’est dommage car c’était peut être le bon moment pour que certains puissent rester en France ». Contrairement aux affirmations d’Eric Besson, pour qui ces migrants n’ont qu’un seul souhait, passer en Angleterre, nombreux sont ceux qui ont déposé une demande d’asile en France. Depuis l’installation d’un bureau de traitement des demandes d’asile à la sous-préfecture de Calais en mai 2009, pas moins de 480 migrants y ont déposés un dossier. Mais ils ne sont que la moitié à avoir obtenu une autorisation provisoire de séjour, les autres tombant sous le coup de la procédure de Dublin II qui renvoie les réfugiés dans le premier pays de l’Europe ayant pris leurs empreintes, la Grèce dans leur immense majorité, où le taux de reconnaissance du statut de réfugié est de 0,04%...
Un ange dans le purgatoire
La création de ce bureau à Calais fait parti des quelques progrès apportés aux migrants depuis l’année dernière. Ainsi, la municipalité UMP a mis en place un point de distribution des repas, des douches, des toilettes chimiques. Le Secours catholique s’est vu attribué un préfabriqué tout beau, tout neuf et tout… caché ! Car ces nouveaux locaux se trouvent en périphérie de la ville, à près d’une heure de marche du centre. Et tout est à l’avenant : les douches se situent à un bout de la ville, le point de distribution des repas à un autre. Certes, les migrants peuvent désormais manger à l’abri, mais dans un lieu excentré et bien à l’abri des regards. Et voilà comment, sur un coup de baguette magique, les migrants deviennent invisibles… « C’est une stratégie de la mairie, regrette Vincent de Coninck, du Secours catholique. Nous éparpiller et nous épuiser. Nous sommes dans un système de navette permanent qui nous demande beaucoup de temps et d’énergie. »
Article paru dans l'Humanité du 21 septembre 2010
http://www.laissezpasser.info/post/Migrants-fant%C3%B4mes-%C3%A0-Calais
un article propulsé par TORAPAMAVOA :
http://torapamavoa.blogspot.com Clikez LIRE LA SUITE ci dessous pour lire la suite de l'article...^^
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