Un rapport associatif dénonce l'impunité des policiers en cas d'abus
Par Matthieu DEMEESTERE
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PARIS (AFP) - Un syndicat de magistrats et un autre d'avocats, tous deux marqués à gauche, et la Ligue des droits de l'homme (LDH) ont dénoncé dans un rapport publié jeudi l'absence de suites judiciaires ou même disciplinaires à la plupart des interventions policières abusives.
"Notre but est d'informer la population sur une réalité sociale qui est dangereuse", a expliqué Jean-Pierre Dubois, le président de la LDH, en présentant le rapport d'activité bisannuel (2004-2006) de la "commission nationale Citoyens-Police-Justice".
Cette commission a été créée en 2002 par la LDH, le syndicat de la magistrature (SM) et le syndicat des avocats de France (SAF), sur la base du constat commun qu'il y a en France un contrôle "insuffisant" de la légalité du travail des policiers et gendarmes, ont expliqué les trois organisations lors d'une conférence de presse à Paris.
Pour tenter de remédier à cette situation, la commission recueille, pour ensuite la diffuser, la parole de ceux qui disent avoir été victimes d'"un usage disproportionné de la force" comme par exemple les prostituées du bois de Vincennes, près de Paris, qui se disent "harcelées" depuis l'adoption en 2003 d'une loi rendant passible de prison le racolage, passif ou actif.
Dans leur cas, "les interpellations ne résultent pas de la constatation directe des éléments de l'infraction", souligne le rapport. En revanche, les policiers "font pression sur leur client pour l'obtention d'un témoignage établissant qu'il a été racolé (..) Ceux qui refusent sont menacés d'une intervention à leur domicile et en général ils cèdent", ajoute-t-il.
Le rapport pointe notamment la répression des manifestations anti-CPE et l'évacuation du squat de Cachan en 2006, ainsi que l'affaire de la rue Rampal en mars, quand une directrice d'école a été brièvement gardée à vue à Paris pour s'être opposée à l'interpellation d'un parent d'élève sans papiers.
"Il est extrêmement rare qu'il y ait des poursuites disciplinaires lorsque l'usage de la force a été disproportionné", a dénoncé Natacha Rateau, vice-présidente du SM. Le constat de cette absence de poursuites est même "ce qui fait la particularité de ce rapport" en comparaison avec le précédent, a renchéri Savine Bernard, du SAF.
Sur le terrain, des policiers peuvent être à l'origine d'"incidents graves" en raison des manquements de leur hiérarchie, souligne le rapport en citant la course-poursuite fatale à un jeune taggueur, en 2004 dans le Val-de-Marne.
"Pas de prise de risque, cela ne sert à rien", aurait répondu le poste de commandement au policier s'apprêtant à plonger dans la Marne pour secourir le jeune homme qui venait d'y tomber. Celui-ci est mort noyé.
Au chapitre des recommandations, la commission préconise que les organismes de contrôle de la police, l'IGS et l'IGPN, "rendent un rapport public d'activité annuel". "Leur travail n'est pas suffisamment connu de la population", a relevé Jean-Pierre Dubois.
Quant à la CNDS, administration chargée de veiller au respect de la déontologie par les forces de sécurité, il y a lieu de "s'inquiéter quant à la pérennité de son action au regard des moyens attribués" (713.000 euros de 2006, ndlr), conclut le rapport.
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