Par Laure Heinich-Luijer (avocate) 20H45 26/06/2007/Rue89
Il y a lieu de s’en réjouir. C’est certain. Le policier stagiaire qui a involontairement tué un jeune garçon vient d’être mis en examen et laissé libre sous contrôle judiciaire. Il y a lieu de s’en réjouir parce que la loi a été strictement appliquée: personne ne doute en effet que le policier se présentera à son audience de jugement pour y être certainement condamné, éventuellement incarcéré.
Il y a lieu de se réjouir qu’une détention provisoire ne soit pas prononcée alors qu’elle peut être évitée. Pourtant, on ne s’en réjouit pas.
Que serait-il arrivé si les faits avaient été inversés, si le garçon avait tué le policier? La pratique est loin du droit. Dans ces affaires dont les conséquences sont dramatiques, le principe légal est inversé et la détention provisoire devient la règle. Les magistrats incarcèrent sur le fondement du trouble à l’ordre public alors même que la représentation en justice du mis en examen apparaît assurée.
Le trouble à l’ordre public se définit comme le retentissement des faits dans la Société. Si le garçon avait tué le policier, il aurait été incarcéré précisément sur ce fondement, en raison du trouble qu’aurait causé cette mort dans la Société.
La justice n’est pas la même pour tous. La mort d’un garçon, projeté à plus de 20 mètres par une voiture de police qui, selon les témoins, n’a pas respecté un feu rouge fixe, qui roulait à une vitesse bien supérieure à celle autorisée et sans signal sonore, n’aurait donc pas troublé notre Société?
Le trouble à l’ordre public est une notion bien galvaudée, utilisée tous les jours et à tour de bras pour incarcérer à titre provisoire des personnes mises en examen. On ne peut que davantage s’étonner que cette notion n’ait pas été invoquée pour incarcérer le policier. On espère cependant que le magistrat est de ceux qui respectent la loi et a pris cette décision pour l’un comme il l’aurait prise pour l’autre.
En définitive, on serait tenté de dire que la vie d’un jeune des cités ne vaut pas bien chère. On se tromperait. En revanche, si l’on dit que la vie des policiers vaut plus chère, on doit être proche de la réalité. Voilà une réalité qui trouble l’ordre public.
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