jeudi 28 juin 2007 (14h51) :
Autonomie des universités : un projet de loi toujours aussi dangereux
NON A LA NOUVELLE LOI SUR L’AUTONOMIE DES UNIVERSITES
Déclaration du Collectif « Indépendance des Chercheurs » du 27 juin 2007
Indépendance des Chercheurs, http://www.geocities.com/indep_chercheurs , indep_chercheurs@yahoo.fr
NOUS DEMANDONS LE REPORT DE TOUT EXAMEN OFFICIEL
DE CE PROJET DE LOI
Les deux moutures du projet de loi sur l’autonomie des universités françaises n’ont été diffusées que ces derniers jours, dans des conditions telles que la grande majorité des personnels concernés n’a pas eu le temps matériel d’en étudier le contenu. Ni, a fortiori, d’en mesurer la portée réelle. Il nous semble également que l’actuel contexte institutionnel n’est pas vraiment approprié à l’examen d’un tel projet de loi, et que des réformes plus globales seraient en tout état de cause nécessaires avant de légiférer sur la question de l’autonomie des universités dont les enjeux sont très importants. De même, les conséquences pour la recherche scientifique française d’un éventuel Traité européen n’ont pas à ce jour été clairement exposées ni débattues.
Le premier projet de texte sur l’autonomie des universités a été mis en ligne le 19 juin. Il a suscité de nombreuses critiques. Nous évoquerons ici celles concernant ses implications pour les chercheurs des Etablissements Publics à caractère Scientifique et Technologique (EPST). Il a été souligné, notamment, qu’un tel projet « concerne aussi les organismes de recherche car il ouvre la porte à la mise sous tutelle des chercheurs auprès de ces nouveaux super-présidents ». L’éventualité d’un transfert des chercheurs du Centre National de la Recherche Scientifique (CNRS) en direction des universités a été évoquée, faisant valoir qu’un tel transfert reviendrait à vider le CNRS de son contenu. Mais, déjà à l’heure actuelle, les unités mixtes EPST - Universités sont devenues un mode d’organisation standard de la recherche française.
La Présidence et la Direction Générale du CNRS ont réagi à cette controverse (le 25 juin), précisant que : a) « les chercheurs des EPST resteront les employés de leur organisme sous la pleine autorité du directeur général de l’organisme » ; b) « les références aux chercheurs des EPST dans le texte du projet de loi portant sur la nouvelle organisation des universités, (…) sont présentes uniquement pour permettre aux chercheurs affectés aux laboratoires contractualisés de participer dans les instances universitaires avec les mêmes droits que leurs collègues enseignants-chercheurs » . Notre collectif prend acte de ces précisions.
Toutefois, à la lecture du nouveau projet de texte mis en ligne le 27 juin par le Ministère de tutelle, la question n’apparaît pas vraiment réglée. Certes, il n’y aura pas de transfert officiel des chercheurs aux universités. Mais les actuelles unités mixtes sont déjà dirigées par des responsables désignés conjointement par la direction de l’EPST et le président de l’université. Le directeur d’une unité mixte détient, de par sa nomination, des pouvoirs délégués émanant des deux établissements. Dans ces conditions, le danger d’un dessaisissement de fait de la Direction du CNRS par rapport à la gestion des chercheurs paraît bien réel, à l’examen de l’article L. 954-1 qu’il est proposé d’ajouter à l’actuel Code de l’Education :
« Le conseil d’administration [de l’université] définit, dans le respect des dispositions statutaires applicables et des missions de formation initiale et continue de l’établissement, les principes généraux de répartition des obligations de service des personnels enseignants et de recherche entre les activités d’enseignement, de recherche et les autres missions qui peuvent être confiées à ces personnels ».
La promulgation d’un tel article serait, de notre point de vue, susceptible d’ouvrir la voie à une jurisprudence administrative estimant que, dès lors que le Directeur Général du CNRS affecte un chercheur à une unité mixte CNRS – Universités, il accepte que des tâches d’enseignement, voire même indirectement l’orientation de son programme de recherche, puissent être imposées d’office à l’intéressé par les instances universitaires dans le cadre de l’organisation du service. Une telle appréciation semble être confortée par un deuxième article (L. 954-3) qu’il est également proposé d’ajouter au Code :
« Le président [de l’université] peut recruter, pour une durée déterminée ou indéterminée :
(…) des agents contractuels pour assurer des fonctions d’enseignement et de recherche (…) »
Le président de l’université devient ainsi un organisateur de la recherche, fonction traditionnellement dévolue aux responsables des EPST, et l’embauche de chercheurs contractuels se substituera dans la pratique à celle des chercheurs titulaires des EPST.
Il y a une semaine, les organisations syndicales craignaient que le CNRS ne se retrouve réduit à une agence de moyens et de services techniques et administratifs. Mais, le 23 juin, au salon du Bourget le Président de la République a préconisé la création d’une « fondation scientifique européenne », qui « rassemblera les moyens et les allouera aux meilleures équipes du continent », dans l’esprit de « financer des projets, pas des structures ». Non seulement on s’acheminerait à terme vers une concentration des moyens financiers de la recherche à l’échelle européenne, avec un fonctionnement qui ne pourrait que favoriser le dumping social, mais on voit mal comment le CNRS préserverait son potentiel ITA (ingénieurs - techniciens - administratifs) si les institutions européennes encouragent la sous-traitance des services techniques et le recours au travail précaire.
En réalité, les discussions sur un nouveau Traité européen ont repris très rapidement après les élections françaises. Comme pour le projet de loi sur les universités, les citoyens n’ont guère été mis à même d’examiner de près le contenu et la portée des nouvelles négociations européennes. Il n’apparaît pas, non plus, qu’à ce jour les conséquences aient été tirées des dysfonctionnements, au niveau de certaines coupoles universitaires et scientifiques, qu’ont dévoilés l’affaire des résultats falsifiés sur les cellules souches humaines à l’Université de Séoul et le constat de la présence d’un nombre trop élevé de résultats faux parmi les articles parus dans les revues internationales les plus prestigieuses. Malgré ces évidences inquiétantes, les projets politiques continuent à pousser à la concentration du pouvoir dans les instances de la recherche.
Enfin, se pose également, de notre point de vue, la question de l’actuelle configuration institutionnelle de l’Etat, telle qu’elle intervient dans l’examen et l’évaluation des projets de loi.
A présent, un projet de loi concernant les universités serait examiné notamment par une institution comme le Conseil d’Etat, qui compte traditionnellement un certain nombre de professeurs associés de très haut niveau enseignant dans des établissements universitaires prestigieux. Au titre de leur activité d’enseignement, ces magistrats ont pour tutelle effective le Ministère chargé des Universités.
Dans l’actuel système institutionnel, le Conseil d’Etat est à la fois l’entité d’appartenance de membres de cabinets ministériels et de hauts responsables d’administrations, juge des litiges de ces ministères et administrations, conseiller du gouvernement, instance chargée de l’examen des projets de loi… Mais, de surcroît, la simple lecture du Code de justice administrative met en évidence une proximité particulière entre les universités et cette juridiction. La situation n’est pas très différente pour la juridiction de l’ordre judiciaire. Dans ce début du XXI siècle, une réforme institutionnelle globale serait possible et souhaitable, de façon à mieux séparer les différents rôles et fonctions ainsi que les structures de l’Etat qui leur sont propres. Avec tout le respect dû aux institutions actuelles, notre collectif estime que cette réforme devrait précéder l’adoption de nouvelles lois concernant les universités, la justice et d’autres domaines d’importance citoyenne stratégique.
NOUS DEMANDONS DONC LA CREATION
D’UNE COMMISSION D’ENQUETE PARLEMENTAIRE
SUR L’APPARENCE D’IMPARTIALITE
DU FONCTIONNEMENT GLOBAL DES INSTITUTIONS FRANÇAISES
Indépendance des Chercheurs
http://www.geocities.com/indep_chercheurs
indep_chercheurs@yahoo.fr
De : Indépendance des Chercheurs
jeudi 28 juin 2007
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire