Presse. L'homme d'affaires revient sur la censure d'un article dans «Matin Plus».
Bolloré laisse passer le papier gommé
Par Raphaël GARRIGOS, Isabelle ROBERTS
QUOTIDIEN : mercredi 6 juin 2007
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Ce matin, Vincent Bolloré, pourtant skipper du chef de l'Etat, Nicolas Sarkozy, va être «extrêmement désagréable pour la France». Hier, l'homme d'affaires a mangé son chapeau et décidé de publier aujourd'hui dans son gratuit Matin Plus un article qui lui déplaisait au point de l'avoir censuré, au point qu'il le qualifiait lundi encore d' «extrêmement désagréable pour la France».
Aujourd'hui, les lecteurs de Matin Plus sauront donc tout des déboires de musiciens roms retenus arbitrairement par la police française de l'aéroport de Roissy. C'est une tribune ironique d'un quotidien hongrois parue dans Courrier international. Selon un accord de partenariat, Matin Plus publie chaque jour un article de Courrier. Car Matin Plus est le fruit d'une alliance entre Bolloré (à 70 %) et le Monde (à 30 %), qui détient Courrier.
Or, le 25 mai, la direction de Bolloré fait sauter l'article lors du bouclage. La comparaison entre la police française et la police soviétique des années 70 déplaît fortement, mais les accords entre Courrier international et Matin Plus interdisent toute coupe. Alors, chez Bolloré, en l'absence d'interlocuteur du groupe le Monde, on décide carrément de trapper l'article. D'après le journaliste de Courrier qui a révélé l'affaire sur son blog le week-end dernier, «c'est le boss lui-même [Bolloré, ndlr] qui a pris la responsabilité». Le papier devait être republié le 29 mai, mais toujours rien : Philippe Thureau-Dangin, directeur de la rédaction de Courrier, accepte une «mise à l'écart» de l'article, celui-ci étant «éventé» .
Mais voilà : lundi, la Société des journalistes de Courrier, lors d'une AG, demande à Thureau-Dangin d'exiger la parution de l'article. Thureau-Dangin, en campagne pour la présidence du groupe le Monde où l'alliance avec Bolloré est parfois mal vue, est tenu d'adopter une ligne dure.
Hier, surprise : Bolloré cède. Joint par Libération, Thureau-Dangin s'estime «très heureux de cette issue», mais refuse d'expliquer comment il a fait plier Bolloré tandis que les syndicats de Courrier disent rester «vigilants et attendre la publication». Selon nos informations, Thureau-Dangin aurait fait valoir à Bolloré qu'il avait plus à perdre que Courrier à la suspension du partenariat. Résultat, une publication à la Salomon. Le papier est accompagné de deux courts articles : la version de Courrier, justifiant la parution d'un article «pertinent et inattendu» , et celle de Bolloré, estimant qu'il était normal d'aller contre un article «outrancier» . Ubuesque, mais chacun espère ainsi sauver la face.
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