L'escalade de la biométrie inquiète le Comité national d'éthique
Par Annie HAUTEFEUILLE
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PARIS (AFP) - Image de l'iris, empreintes génétiques, forme de la main, la "généralisation excessive de la biométrie" inquiète le Comité consultatif national d'éthique (CCNE) qui a estimé "indispensable la mise en oeuvre d'un réel contre-pouvoir", dans un avis rendu public jeudi.
"Subrepticement, notre société, au nom du paradigme sécuritaire, s'habitue à l'usage de ces marqueurs biométriques et chacun accepte finalement et même avec quelque indifférence d'être fiché, observé, répéré, tracé, sans souvent même en avoir conscience", relève le CCNE qui "appelle à un débat public".
"A notre insu, un jour on peut se réveiller totalement tatoués par une biométrie", a mis en garde lors d'une conférence de presse le Pr Didier Sicard, président du CCNE.
Evoquant la "hantise sécuritaire" depuis les attentats du 11 septembre 2001 aux Etats-Unis, il invite à s'interroger sur le "prix à payer pour rendre la vie plus sûre".
"En Grande-Bretagne, on arrive à prendre l'image de l'iris des passagers d'une voiture", a souligné le Pr Maxime Seligmann, rapporteur de l'avis N° 98 du CCNE, qui juge "l'escalade de la biométrie préoccupante".
Et de citer : voix, démarche, rythme de frappe sur un clavier qui sont des procédés d'identification associés à des comportements, carte à puce Navigo de transport en Ile-de-France, téléphones portables qui permettent de "repérer notre chemin quotidien dans la ville".
En France, le Fichier national automatisé des empreintes génétiques (FNAEG) contient maintenant celles de près de 500.000 personnes, les données pouvant être conservées quarante ans pour celles qui sont condamnées, vingt-cinq ans dans les autres cas. La durée de conservation est de cent ans en Angleterre où jusqu'à 4 millions de personnes seraient fichées dans la banque ADN de la police, relève l'avocat Mario Stasi, corapporteur de l'avis.
"Rien ne saurait, selon le CCNE, justifier la conservation de ces données" pour les "personnes ultérieurement jugées innocentes".
Dès lors que le refus d'un prélèvement d'ADN peut être sanctionné comme un délit, il y a "absence de consentement", note Me Stasi qui pointe d'autres "risques de dérives", comme l'interconnexion de fichiers.
"Le passeport biométrique récemment mis en service dans 27 pays d'Europe et d'Amérique illustre, selon le CCNE, les risques d'abus de la biométrie".
La confidentialité des données transmises à partir de puces électroniques intégrées au passeport biométrique "est illusoire", d'après les experts mandatés par l'Union européenne, rappelle le CCNE.
Un récent projet européen (www.humabio-eu.org) inquiète aussi le CCNE. Pour suivre en permanence l'état de vigilance de transporteurs de fonds ou des pilotes d'avions notamment, des enregistrements de leurs électro-encéphalogrammes et électrocardiogrammes pourraient être transmis à distance, avec le risque que ces données soient obtenues à "leur insu", précise le Pr Sicard.
Face au développement "en apparence inéluctable" de la biométrie, le Comité d'éthique insiste sur la nécessité d'une "prise de conscience", d'une "résistance".
Il recommande "d'assurer un strict respect des finalités liées au recueil de chaque type de données", et d'interdire toute "interconnexion des fichiers présentant des identifiants communs mais destinés à des finalités différentes".
"En particulier devrait être interdit, selon le CCNE, tout regroupement de données susceptibles d'entraîner des stigmatisations ou des discriminations à l'embauche" ou par les sociétés d'assurances.
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