Une nouvelle géopolitique
Vers la sanctuarisation des pays riches
octobre 2006
Le retournement de la croissance et la fin de la guerre froide ont modifié la donne en matière de mouvements migratoires. Pour des motifs qui souvent ne relèvent plus strictement de la convention de 1951 sur les réfugiés, des millions de personnes en proie à une détresse multiforme, spontanément ou par force, prennent le chemin de l’exil au moment même où les nations les plus riches, appuyant la montée de la xénophobie, se disent moins que jamais disposées à accueillir la « misère du monde ».
Dans ce mouvement de ciseaux, les Etats-Unis et l’Union européenne (UE) ont mis en place un dispositif de protection contre des déplacements humains désignés comme une menace. Par un effet d’entraînement en cascade, ce processus de sanctuarisation s’est répandu dans toute une série de zones intermédiaires où chaque pays s’efforce d’appliquer la doctrine dite Nimby (Not in My Backyard : « Pas chez moi »). Une conception territoriale du « risque » migratoire remplace la référence aux principes, notamment en matière de droits de la personne. Ses pièces maîtresses évoquent une stratégie de guerre.
Tout d’abord, on observe une criminalisation de l’immigration accompagnant l’usage croissant d’expressions comme « migrants illégaux », y compris pour désigner les demandeurs d’asile. Les mesures prises à leur égard sont souvent légitimées dans les déclarations publiques par la « chasse aux terroristes », voire la protection des valeurs chrétiennes contre un supposé péril musulman.
Les frontières, considérées comme autant de zones de front, sont militarisées. A Gibraltar, le Système intégré de vigilance extérieure (SIVE), financé par l’Union pour protéger la frontière espagnole des migrations venues d’Afrique, fait appel à des techniques sophistiquées de surveillance maritime. Dans le détroit de Torres, l’Australie sous-traite l’exploitation d’un système similaire aux habitants de l’île de Duan.
Repousser les migrants
Des formes de « coopération » militaire apparaissent entre pays de transit et pays de destination : entre le Maroc et l’Espagne, entre la Libye et l’Italie. Aux Etats-Unis, l’opération « Gatekeepers », décidée en 1994, a conduit au déploiement de 11 000 patrouilleurs le long de la frontière avec le Mexique et d’une infrastructure sans précédent en temps de paix. La militarisation fait tache d’huile : l’Angola a décidé en 2005 de se doter d’un système électronique de contrôle de ses frontières.
L’efficacité de ces moyens ruineux se révèle limitée, sauf pour mettre en danger la vie des migrants, procurer des ressources aux intermédiaires et aux employeurs de main-d’oeuvre irrégulière. Au départ des côtes nord-africaines, les noyades se comptent par centaines. Aux Etats-Unis, dans le seul désert de l’Arizona, plus de 200 personnes ont été retrouvées mortes en 2004. En même temps, c’est par milliers que les exploitations agricoles californiennes ou andalouses emploient des travailleurs sans papiers.
Pour les migrants qui ne se sont pas rendus invisibles dans l’emploi illégal, les pays nantis ont développé une logique d’internement sans droits. Alors que les Etats-Unis internaient les boat people qui fuyaient Haïti dans la base de Guantanamo, la pratique des centres de rétention français s’est généralisée dans l’Union, suscitant de vives réactions – comme la création en 2000 du réseau Migreurop qui milite contre « l’Europe des camps ».
Récemment, face à une « pression migratoire » jugée excessive, on se réoriente vers des politiques d’externalisation. En 2001, l’Australie lance la « solution Pacifique » en achetant à l’Etat de Nauru le droit d’y installer des camps gérés par l’Organisation internationale pour les migrations (OIM). En 2003, le Royaume-Uni propose de créer des processing centers (plates-formes) dans des pays tiers pour examiner les demandes d’asile hors de l’UE.
L’idée a été rejetée. Pourtant, des « officiers de liaison » y sont envoyés pour former les agents locaux à la lutte contre l’émigration vers l’UE. Partout, il est question d’établir des « zones tampons » ou des « ceintures de sécurité ». Les pays de transit ou d’origine des migrants sont invités, en contrepartie de libéralités commerciales ou d’un soutien à des régimes douteux, à arrêter le flux à la source. Face à un tel ensemble de surenchères, le respect des droits de la personne paraît bien secondaire.
Droits humains, Immigration, Migrations
1 commentaire:
Salut je vien de me rendre compte qu'il a un virus caché quand je clique sur le lien de la photo qui parle des anti nuclèaires qui descendent d'un pilomne. (la photo est pas affiché et le lien est sur le texte descriptif de la photo)
Vériviez ça svp.
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