Société
Une jeune Algérienne attaque l’Etat pour entrave à son intégration
Sana K., qui a signé le contrat d’accueil et d’intégration, a passé avec succès les tests de français. Mais elle est menacée d’expulsion.
Par Carole Rap
QUOTIDIEN : mercredi 11 juillet 2007
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«L ’expulsion à la place de l’intégration, drôle de conclusion au contrat d’accueil et d’intégration qui doit donc être regardé comme rompu à votre initiative». Le courrier envoyé hier au préfet de l’Hérault par Sana K., Algérienne de 23 ans mariée avec un Français, est la première étape d’une procédure visant l’Etat pour «non-respect et rupture abusive du contrat d’accueil et d’intégration [CAI]». Un contrat que la jeune femme a signé le 31 octobre 2006 et dont elle estime avoir «respecté les termes, et ce, avant même de l’avoir signé». «Elle a respecté toutes les procédures et a aussi trouvé du travail», confirme Nicolas Ferran, juriste à la Cimade Languedoc-Roussillon.
Visa et titre de séjour. Mariée en avril 2005 en Algérie avec Omar, un Français qui vit et travaille à Montpellier, Sana obtient la transcription de son mariage auprès de l’état civil français en octobre 2006. Un acte qui lui permet de bénéficier d’un visa de trois mois, avec lequel elle entre en France en mars 2006. Elle sollicite alors un titre de séjour en tant que conjoint de Français justifiant de plus d’un an de mariage. De nationalité algérienne, elle devrait avoir droit à un titre de séjour de dix ans, en vertu des accords franco-algériens.
Le 31 octobre 2006, elle est convoquée par l’Anaem (Agence nationale de l’accueil des étrangers et des migrations) à Montpellier. Visite médicale, dictée, lecture de texte, Sana passe chaque étape avec succès. «On m’a demandé si je m’entendais bien avec mon mari, si j’avais des amis en France», raconte Sana. Puis on lui présente le contrat d’accueil et d’intégration. «La personne m’a demandé : Est-ce que vous acceptez de vivre en France dans ces conditions, de respecter le drapeau et la République française ? J’ai signé et elle m’a dit bienvenue en France .» Pourtant, la préfecture ne lui remet que des récépissés de trois mois.
Cela n’empêche pas Sana, qui parle bien français, de faire une formation et de décrocher des remplacements d’agent d’entretien hospitalier. Jusqu’au couperet, tombé début juin.
«L’instruction de ma demande de titre de séjour a duré quatorze mois et s’est conclue de manière totalement incompréhensible par un refus de séjour et une obligation de quitter le territoire français (OQTF) le 1er juin 2007», écrit Sana dans sa lettre au préfet. Motif : «Une enquête de police n’a pas pu établir la communauté de vie entre les époux parce qu’ils ne se sont jamais présentés auprès des services de police malgré diverses convocations», justifie le préfet de l’Hérault dans son OQTF. Des convocations que les époux contestent avoir reçues.
Enceinte. La jeune femme, enceinte, a déposé un recours gracieux ainsi qu’un recours auprès du tribunal administratif. En attendant, Sana n’a plus le droit de travailler. La recherche de logement du couple est compromise. Les vacances en Espagne, annulées. Des préjudices qui l’ont incitée à attaquer l’Etat sur la base d’une demande de réparation financière à hauteur de 5000 euros. «On fait peser l’échec de l’intégration sur l’étranger, mais on ne se demande pas si l’Etat donne tous les moyens pour faire respecter ce contrat. Il faut renverser la perspective. Si l’Etat ne reconnaît pas le préjudice, on ira devant le tribunal administratif», dit Nicolas Ferran.
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