11/07/2007

La Presse française s'unit et pose des questions

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"Les schémas qui régissent les médias sont en train d'exploser"
Par Augustin Scalbert (Rue89) 16H22 11/07/2007

François Malye, journaliste au Point et président du Forum permanent des sociétés de journalistes -qui en regroupe 29-, n’a toujours pas reçu de réponse à la lettre envoyée le 27 juin à Nicolas Sarkozy. Pour lui, les médias ne pourront pas remplir leur fonction de contre-pouvoir tant que leurs problèmes structurels ne seront pas réglés. En attendant, il revient sur les problèmes d’indépendance et de censure de ces derniers mois.

Le président de la République n’a pas encore répondu à votre courrier?

A ce jour, non. Je constate qu’il reçoit tous les jours quelqu’un qui lui semble important-ce que je respecte-, alors qu’il ne nous a toujours pas répondu. Notre forum représente pourtant près de 4000 titulaires de la carte de presse, ce qui n’est pas rien [sur un total de 37000 journalistes titulaires, pigistes et demandeurs d’emploi, ndlr]. Mais nous ne sommes pas là pour batailler contre Nicolas Sarkozy, nous avons d’autres projets.

Que lui demandez-vous ?

Dans notre lettre, nous lui faisons des propositions concrètes, lucides, argumentées juridiquement avec l’aide de spécialistes de haut niveau. Nous demandons trois choses: la reconnaissance juridique des rédactions à travers les sociétés de journalistes; le pouvoir pour celles-ci de faire respecter la charte des journalistes; et un droit de veto des rédacteurs sur la nomination du directeur de la rédaction. Je rappelle qu’une SDJ n’a rien à voir avec un syndicat, puisqu’elle n’a vocation à se prononcer qu’en matière de déontologie.

Après les nombreux incidents de ces derniers mois, constatez-vous une augmentation du nombre de censures ou de pressions sur les médias?

En termes de perquisitions, c’est très net: pas moins de sept depuis deux ans, alors qu’elles étaient tout à fait exceptionnelles auparavant. D’ailleurs, on n’arrive pas à comprendre que l’argent du contribuable soit gaspillé pour envoyer des juges et des policiers dans les médias, alors que ça ne tient pas devant les tribunaux, puisque c’est contraire au droit européen, qui affirme la nécessité de médias indépendants!

C’est aussi une de nos demandes: que le droit français soit, sur ce point, mis en conformité avec le droit communautaire. Les journalistes n’ont pas à être surveillés dans le cadre de l’exercice de leur profession, ils devraient avoir un statut proche de ceux des avocats ou des médecins.

Trouvez-vous que les médias possédés par des actionnaires étrangers sont plus épargnés?

Je remarque que les journalistes ou lecteurs des Echos avaient confiance en Pearson [le groupe britannique qui se sépare du titre, ndlr], et qu’ils n’ont pas confiance en Bernard Arnault. Visiblement, avoir un actionnaire étranger pose généralement moins de problèmes.

Mais le respect de l’indépendance des journalistes dépend aussi de la personnalité de l’actionnaire et de la qualité du directeur de la rédaction. C’est pourquoi nous demandons ce droit de veto pour la nomination de ce dernier.

Globalement, je pense qu’il ne faut pas exagérer: l’écrasante majorité des sujets est publiée. Il y a des rubriques sensibles, bien sûr, comme la politique et l’économie. Pour le reste, il est clair que la précarité économique, ajoutée aux cas réels de censure, favorise un certain phénomène d’auto-censure. Les journalistes ne peuvent pas claquer la porte de leur rédaction et retrouver rapidement du travail ailleurs. Alors ils s’interdisent certains sujets, ce qui est mauvais pour eux, et encore pire pour les médias.

Comment expliquez-vous cette situation ?

Parce qu’il n’y a pas de vrai groupe de médias en France: ce n’est pas rentable, si l’on met de côté la catastrophe mondiale qu’a été la privatisation de TF1, seul exemple sur la planète d’un gouvernement vendant la première chaîne du pays. Nous payons vingt-cinq ans de non-réforme, notamment dans la presse écrite en ce qui concerne les kiosques, la diffusion, l’impression…

Les éditeurs ont donc tendance à pressurer les journalistes sous des prétextes économiques. Nous vivons actuellement une crise historique, tous les vieux schémas qui régissent les médias sont en train d’exploser. Avec un Président qui réforme tous azimuts, je ne comprends pas que la presse soit à l’écart.

La vieille génération de patrons de presse comme les politiques n’ont pas compris que la façon de s’informer des gens avait changé. Désormais, il y a un boulevard numérique sur lequel on analyse la qualité de l’information. Ce qui pend au nez des patrons de médias, c’est un indice de crédibilité de leur support.

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