11/07/2007

Sarko et le Maghreb

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par Farid Aïchoune,
journaliste au service Etranger du Nouvel Observateur

LA VISITE DE NICOLAS SARKOZY EN ALGERIE

"Sarkozy prend ses distancesavec l'Afrique subsaharienne"

NOUVELOBS.COM | 10.07.2007 | 13:33

Quels sont les fondements de l'Union méditerranéenne que Nicolas Sarkozy entend promouvoir lors de sa tournée au Maghreb ?

- C'est une vieille idée de son mentor, Charles Pasqua. Pour contrer la montée en puissance de l'Allemagne en Europe de l’Est après la chute du mur de Berlin, il a compris que la France avait tout intérêt à s'adosser au Maghreb. D'autant plus que les trois pays, Algérie, Tunisie et Maroc, sont des grands pays de la francophonie. Un récent sondage indiquait que la moitié de la population algérienne regarde quotidiennement les chaînes françaises. L'audience de France 24 en Algérie supplante même celle de la chaîne arabe Al Jazira.
La pratique du français est d'ailleurs plus courante aujourd'hui, dans l'Algérie algérienne, qu'au temps de la colonisation. Le 5 juillet 1962 (date de l'indépendance de l'Algérie), il y avait seulement 10% de lettrés environ en Algérie. Aujourd'hui, on compte 27% d'analphabètes.
En France, l'écrivain Assia Djebar, ancienne "terroriste" du FLN, est récemment devenue académicienne. Les liens qui relient la France et l'Algérie n'ont pas d'équivalent.
En même temps, avec ce projet d'Union méditerranéenne, Sarkozy prend ses distances avec l'Afrique subsaharienne pour privilégier une immigration maghrébine. On peut craindre que l'Afrique noire et ses habitants, trop "visibles", ne soient les grands exclus de cette politique. D'ailleurs, lors de sa visite au Mali, Sarkozy s'est montré très cassant avec les Africains.

Dans un entretien publié dans deux quotidiens algériens, le président français refuse de faire de la question de la mémoire et du "repentir" un préalable aux relations avec l'Algérie. Quel est la position d'Alger sur ce sujet ?

- On retrouve, des deux côtés de la Méditerranée, deux courants de la droite nationaliste. Les islamo-conservateurs au pouvoir en Algérie sont sur la même ligne que les anciens nazillons, venus de l'extrême-droite, présents dans l’entourage de Nicolas Sarkozy. Tels un Devedjian ou un Goasguen, anciens membres du mouvement fasciste Occident, qui n'ont jamais admis l'indépendance de l'Algérie.
Ce sont ces représentants d'une droite dure qui ont saboté la bonne idée de Jacques Chirac d'un traité d'amitié franco-algérien. Ayant tous deux vécu, chacun de leur côté, l'expérience de la guerre d'Algérie, l'ex-président français et Bouteflika tenaient particulièrement à ce projet, symbole d'un "plus jamais ça". Même si les deux étaient de la même génération, ce qui n'est plus le cas avec le nouveau président français, la manière qu'a Sarkozy de dire "J'ai 53 ans, je ne suis pas responsable des fautes de mes aînés", est juste et démagogique en même temps. Elle vise simplement à flatter ces représentants de son électorat lepéniste et les pieds noirs, majoritairement opposés à la signature d'un tel traité.

Comment sont perçues, d'Alger, les différentes mesures concernant l'immigration annoncées par Nicolas Sarkozy ?

- Il y a bien sûr une inquiétude, mais, en même temps, l'Algérie a obtenu, du temps où Nicolas Sarkozy était ministre de l'Intérieur, un assouplissement du système des visas en échange de fichiers algériens recensant les terroristes repentis. Lesquels fichiers ont ainsi été communiqués à la DGSE, la DST, aux Renseignements généraux et à la police aux frontières.
Les mesures de durcissement annoncées par Nicolas Sarkozy pénaliseront sans doute plus les Algériens très pauvres qui souhaitent venir travailler en France que les cadres, qui obtiendront facilement un visa dans ce système d'immigration choisie.

Propos recueillis par Solène Cordier
(le mardi 10 juillet 2007)

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