21/08/2007

CONSTERNATION, après les propositions de Sarko

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Pédophilie: les propositions de Sarkozy suscitent une certaine consternation
AP
AP - il y a 40 minutes

PARIS - La proposition de Nicolas Sarkozy de placer en hôpital-prison les délinquants sexuels jugés dangereux, après avoir purgé la totalité de leur peine, suscitait mardi une certaine consternation dans le monde judiciaire, médical et chez certains élus. Beaucoup dénoncent une version médicale de la prison à perpétuité et pointent du doigt le manque de moyens pour soigner les pédophiles en détention.

"L'idée de proposer un hôpital fermé pour les pédophiles, ça revient à dire qu'on va reconstruire une prison", a regretté mardi le Dr Edouard Amzallag, adjoint au chef de l'unité d'hospitalisation sécurisée du CHU de Lyon, dans un entretien accordé à l'Associated Press. "La réponse donnée à la pédophilie actuellement, c'est l'incarcération. Si c'est ça le seul traitement qui est proposé, je pense que ce n'est pas la bonne solution".

Comme lui, Christiane de Beaurepaire, chef du service de psychiatrie à la prison de Fresnes (Val-de-Marne), a estimé sur France-3 que "le problème est bien plus vaste qu'un hôpital qu'on va magiquement, comme ça, déposer avec quelques dizaines de personnes qu'on soignera". Et de rappeler que les estimations actuelles évaluent entre 10 et 15.000 le nombre de détenus nécessitant des soins psychiatriques, soit 25% de la population carcérale.

Selon elle, le traitement psychiatrique des prisonniers pendant leur détention est "probablement l'une des meilleures solutions, dans l'état actuel des connaissances, pour éviter la récidive" mais "il n'y a pas de magie". En outre, a noté le médecin, "manifestement, les moyens n'ont jamais suivi en prison".

Ainsi, Christiane de Beaurepaire a rappelé que la loi Guigou de 1998 prévoyait un "suivi socio-judiciaire" de détenus sur "de très longues durées" après la sortie de prison, mais que ce suivi n'existait pas. Pour elle, l'enjeu consiste surtout à le mettre en place "de manière cohérente, rapprochée, et avec tous les moyens possibles".

Coordinateur du centre de ressources interrégional Nord-Pas-de-Calais Picardie pour le suivi des auteurs de violences sexuelles, basé à Lille, le psychologue Olivier Vanderstukken a pour sa part regretté que "la logique du pire" soit privilégiée. "On pense tout de suite aux récidivistes, sans penser que si on met les moyens pour les soins, on minimise la possibilité de récidive", a-t-il dit à l'AP, avant de considérer qu'il valait "mieux faire l'effort à la racine" en prenant en charge les auteurs d'agression sexuelle dès le premier acte.

L'absence de moyens est également critiquée par les syndicats de magistrats. Pour le secrétaire national de l'Union syndicale des magistrats (USM), Christophe Régnard, la proposition de Nicolas Sarkozy relève davantage "du gesticulatoire pour répondre à l'émotion que des mesures pensées, réfléchies, efficaces". Et d'accuser le président d'annoncer une mesure "sans évaluation de l'existant et sans moyens".

"Si à chaque fois qu'il y a un cas de récidive, on a une réforme, ce n'est pas possible", a-t-il déclaré à l'AP. "On a besoin de stabilité et de moyens, pas d'une loi". Dénonçant des "solutions innovantes à la constitutionnalité douteuse", il a rappelé que les préfets étaient déjà autorisés à prendre des mesures d'hospitalisation d'office pour les personnes souffrant de troubles mentaux et pouvant constituer un danger pour elles-mêmes ou pour les autres.

La veille, Laurence Mollaret, vice-présidente du Syndicat de la magistrature, avait estimé que ces annonces allaient "ajouter à une première mesure de peine, une nouvelle mesure privative de liberté, qui a des risques très grands de voir confondus la réponse judiciaire et le traitement médical". "C'est toujours très gênant de mélanger les deux domaines", a-t-elle dit sur LCI. Pour elle, on donne une "réponse qui concourt toujours plus à la ségrégation".

Côté politique, le socialiste Bruno Le Roux plaide dans un communiqué pour que tout détenu soit "pris en charge dès qu'on l'enferme". "Il est aberrant que l'on attende la fin de la peine pour envisager un traitement, et plus encore que l'on décide un enfermement au-delà de la peine", note-t-il.

Par ailleurs, "la proposition d'enfermement après l'exécution de la peine pose un problème constitutionnel si ce n'est pas un complément de traitement. Il ne devrait pas y avoir de problème s'il s'agit d'une poursuite de soins dans un cadre contraint", ajoute-t-il.

Ancien garde des Sceaux sous Jacques Chirac, Pascal Clément s'est lui aussi interrogé sur la validité constitutionnelle de la proposition. "Est-ce qu'on peut considérer que l'enfermement psychiatrique est une peine ou n'est pas une peine", s'est-il demandé sur France-Info. "Si c'est une peine, vous tombez sur l'inconstitutionnalité de la loi, parce que nous ne pouvez pas rajouter à une peine une autre peine". AP

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