23/08/2007

Julien Boucher, président du collectif Macaq contre le mal-logement

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Julien Boucher, 29 ans, président du collectif Macaq. Cet activiste nouveau genre fait de l’agit-prop contre le mal-logement en suivant une approche volontiers ludique et marketing

C’est comme un réflexe, presque une manie. A la terrasse d’un café, il jette un coup d’œil aux façades alentour. «L’immeuble en face est inoccupé depuis trois ans. Celui qui fait l’angle, vide aussi. Et le bâtiment au bout de la rue ? Celui-là, on l’a déjà squatté !» Avec Macaq, son collectif «socioculturel un peu fourre-tout» , Julien Boucher occupe depuis six ans des bâtiments vacants de la capitale, pour en faire des lieux de vie où se croisent artistes et associations et y organiser des animations de quartier.



Traquer une boîte à lettres pleine ou des vitres sales, scruter d’éventuelles allées et venues, faire un tour au cadastre. Puis débarquer avec son équipe d’ «ouvreurs bricoleurs» , parfois déguisés en agents municipaux - «juste pour la mise en scène», jure-t-il. Enfin, «sécuriser» les lieux : improviser une déco, meubler à la hâte et se faire discret les premiers jours, avant l’installation définitive. Julien Boucher connaît le rituel mais ne verse pas dans le «côté glauque» ou marginal du squat, récuse une ambiance bohème, veut juste «fédérer les énergies» autour d’un espace auparavant laissé en friche. Son collectif dispose aujourd’hui de trois squats «officiels» en plus du QG, rue de Tocqueville (XVIIe arrondissement), pour lequel il a obtenu une convention d’occupation. Il l’a monté en 2001, l’a appelé Macaq: Mouvement d’animation culturelle et artistique de quartier. L’équipe anime des ateliers (théâtre, danse, chant, aide aux devoirs, aux personnes âgées) pour recréer du lien social. Mi-activistes, mi-amuseurs publics, ils réveillent le quartier - où, aux dires de Julien, «les gens se seraient pendus par emmerdement» - à coups de carnavals, concerts, expos, repas de quartier et vide-greniers festifs.



Pas question néanmoins de se cantonner à une œuvre de charité, ambiance colonie de vacances. Fin 2006, il rencontre le DAL (Droit au logement) et Jeudi Noir, bande de «jeunes galériens du logement» qui s’invitait, avec cotillons et mousseux dans les agences immobilières pour dénoncer la flambée des loyers. Avant la présidentielle, les trois associations veulent interpeller les politiques et l’opinion sur les abus des bailleurs et la spéculation. Début janvier, elles organisent la «réquisition citoyenne» d’un immeuble de 1 600 m2, rue de la Banque (IIe arrondissement), en face du Palais Brongniart. Sur la façade du bâtiment baptisé «ministère de la Crise du logement», une Marianne relookée, pied-de-biche à la main. L’insoumission certes, mais avec créativité et drôlerie.



Julien Boucher ne se voit pas en chef d’une petite bande de fêtards itinérants, plutôt en «patron d’une start-up dont l’intéressement ne serait pas financier mais humain». Ce commercial en bâtiment mène aujourd’hui la vie d’un jeune homme presque rangé, avec sa femme Johanna, responsable de la branche humanitaire du collectif, et sa fille de trois ans dans un appartement (qu’ils louent) près de la porte d’Asnières. «J’ai rencontré Johanna dans une agence immobilière.» Il assume l’ironie du sort : «J’ai été agent immobilier deux ans. Au moins, j’ai pu voir les aberrations du marché de l’intérieur. Mais c’était totalement schizo, j’ai fini par tout plaquer.»



A la veille de la trentaine, Julien se verrait bien embrasser une carrière politique et envisage de se présenter aux municipales dans le XVIIe, face à Françoise de Panafieu. En attendant, avec Macaq et Jeudi Noir, il compte transformer à la rentrée une poignée d’immeubles appartenant à des institutions en résidences universitaires. L’équation est posée : deux millions de mètres carrés inoccupés à Paris pour 350 000 étudiants boursiers en attente d’un logement. «On ouvre ces bâtiments pour les rendre à ceux qui en ont besoin, explique Julien. C’est carrément un autre projet de société qu’on propose.» En son temps, Robin des bois lui aussi devait avoir des penchants alter.

Laure Equy
Libération mardi 21 août 2007

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