Qui veut noyer les jeunes les accuse de la rage ...
Depuis plusieurs annees, a l entree de l ete, la presse locale a l unisson avec les pouvoirs publics entonne, 5 colonnes a la une et plusieurs jours d affile, une sinistre ritournelle sur la "violence des jeunes". Violence "incomprehensible", "sauvage" et patati et pata. Le tout a propos des ... petits baigneurs de la piscine municipale de Toulouse. Un tel etalage de considerations offusquees a propos d un sujet si mince preterait a rire s il n etait revelateur de la haine de notre societe contre certains jeunes (de couleur, of course), du besoin de justifier le flicage des espaces sociaux et de faire de l agitation mediatique pour cacher le fond du probleme.
Mais prenons par le debut. Au debut, il y a bien longtemps, dans les annees 1920/30, il n y avait de piscine a Toulouse que privee. Le club tres chic qui la possedait, le TOEC, en reservait l entree a une "clientele choisie", la "jeunesse privilegie toulousaines". A cette periode ou le mot "gauche" avait encore un sens, la municipalite socialiste decida d offrir aux pauvres beaucoup mieux : la piscine municipale. La bourgeoisie ne s y trompa pas qui denonca la"plage de luxe pour le proletariat" [1] .
Cette piscine municipale devait connaitre un essor considerable, tandis que celle de la bourgeoisie periclitait. Au fil des ans, avec le developpement des loisirs, elle devint "le" lieu de vacances de ceux qui ne partaient pas en vacances, en particulier les jeunes des banlieues populaires. Le tout dans une ambiance sympathique et detendue : on dejeunait sur les pelouses, on faisait des pyramides humaines dans les bassins, on se jetait en grappe des plongeoirs, on jouait au foot sur les terrasses et tout le monde rigolait. Mais ce n etait pas du gout des gens tres chic. Un triste jour, le 16 avril 1992, subrepticement, le conseil municipal de Toulouse, gauche et droite unanimement melees, decidait d en finir avec cet espace trop populaire. Il votait la decision de privatiser notre piscine, d y injecter au prealable 8 202 000 francs de travaux pour creer "un complexe nautique qui rendrait possible l organisation d un grand meeting international mais offrirait egalement une structure d entrainement pour les nageurs de haut niveau et le club du... TOEC" [2]. La boucle etait donc bouclee : la piscine municipale allait etre confisquee aux toulousains !
Fort heureusement, le bruit circula parmi les baigneurs dont un groupe amical d une cinquantaine creait immediatement une association de defense, bientÃ't rejoints par pas mal d autres. Ce fut du jamais vu : assemblees generales en maillot sur la terrasse, tractages dans la piscine, petitions, operations en ville [3] et... inscription de la piscine sur l inventaire "des monuments historiques" (ce qui rendait la creation du complexe plus difficile). Depuis, c est un equilibre instable entre les interets de la population et ceux des clubs. Si la piscine a pu etre sauvee, tout a ete fait pour la degarnir d une population manifestement jugee indesirable.
Systematiquement, methodiquement, les pouvoirs publics ont interdit et meme detruit physiquement tout ce qui pouvait plaire a des adolescents. Ainsi, les magnifiques plongeoir (deux de trois metres dont un souple, un de cinq metre) qui avait fait les delices de generations entiere ont ete purement et simplement rases (alors qu ils avaient ete restaures quelques annees avant et qu ils etaient en etat impeccable). De meme, faire "une bombe" (eclabousser), jouer au ballon dans le "bassin sportif", courir sur les plages... sont devenus des crimes justifiant l intervention de toutes sortes de polices : municipaux , vigiles prives, CRS, brigade canine. Sans compter la fouille a l entree et les cameras... dans les vestiaires. Le criminel de 12 ans qui expedie trop loin son ballon est expulse manu militari entre deux flics. Et gare a qui marche sur la plage avec des chaussures (sauf bien sur, les godillots des flics). Etonnez-vous que face a cette pression permanente (dans un lieu de loisir !), des jeunes se rebellent ! Plus de cinquante ans de presence assidue me permetent de l affirmer haut et fort : les “incidents†sont generes de toutes pieces par la facon insupportable dont est maintenant gere ce lieu. Ils sont ensuite montes en epingle.
Ne soyons plus dupe.
Papy
Paru dans le journal "Anarchosyndicalisme !". Envoi gratuit sur simple demande a contact@cnt-ait.info ou bien a CNT AIT 7 rue St Remesy 31000 TOULOUSE http://cnt-ait-toulouse.fr
[1] Citations d epoque extraites de “Toulouse 1920-40â€, ed Conseil general [2] Deliberation, conseil municipal du 16.04.1992 [3] Voir le Combat Syndicaliste n°21, oct 92 : “Le soleil doit luire pour tout le mondeâ€.
le samedi 18 août 2007 à 09h28
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