22/10/2007

Des noms en pâture aux foules jetés (pendant ce temps-là, les affaires continuent)

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Vous savez tous ce qu’est un « Grenelle » ? vous étiez tous déjà grands en mai 68 pour vous passionner pour la politique ? vous étiez tous sur les barricades ? vous avez participé aux réunions tripartites, gouvernement, syndicats, patronat, qui se déroulèrent alors dans le cadre du Ministère du Travail, rue de Grenelle, à Paris ?
Sa Majesté Sarkus multiplie les « Grenelle » comme petits pains et personne ne s’inquiète jamais de savoir ce que le synecdoquien « Grenelle » veut dire,
Vous savez tous ce qu’est un « Grenelle » ? vous étiez tous déjà grands en mai 68 pour vous passionner pour la politique ?

vous étiez tous sur les barricades ?

vous avez participé aux réunions tripartites, gouvernement, syndicats, patronat, qui se déroulèrent alors dans le cadre du Ministère du Travail, rue de Grenelle, à Paris ?Sa Majesté Sarkus multiplie les « Grenelle » comme petits pains et personne ne s’inquiète jamais de savoir ce que le synecdoquien « Grenelle » veut dire, comme s’il était bien entendu que tout le monde est au parfum, ce qui ne manque pas d’être surprenant de la part d’un peuple aussi frivole que celui de France, qui d’ordinaire oublie tout si promptement.

A mon humble avis, la plupart des moins de cinquante ans qui n’a pas fait d’études supérieures spécialisées en histoire contemporaine, en droit du travail ou en sciences (sic) politiques n’a pas la moindre idée de ce que Grenelle signifie.

On aurait aussi bien pu appeler ces discussions censées dégager un consensus un Matignon*, pour rester dans le même esprit, ou bien un conclave pour y injecter un je ne sais quoi de sacré, ou encore un Sedan, pour dire n’importe quoi tout en étant à peu près sûr de n’être contredit par personne, la plupart des gens ignorant qu’aucun accord particulier n’a été conclu à Sedan, tandis que le peu qui douterait du sérieux de la chose craindrait trop de passer pour une bille en contestant l’appellation.Vous allez me dire, le voilà qui chafouine, qui joue son vieux noc à qui on ne la fait pas, ouais, ouais, en attendant référer à 68 n’est pas innocent, surtout de qui prétend conchier l’esprit de mai, et se servir d’un terme connu des seuls anciens, quand ils s’en souviennent, n’est pas innocent non plus.Autrement dit, quand on parle de Grenelle la majorité des jeunes gens ne sait même pas de quoi il s’agit, et ça tombe bien, car figurez-vous que les éléphants Grenelle n’accoucheront au mieux que d’une portée de souris.Il y a quelques mois encore, Guy Môquet, si l’on excepte un bataillon de résistants et quelques vieux nostalgiques du PCF, c’était une station de métro pour les Parisiens et personne pour la plupart des provinciaux. Un de ces inconnus illustres qui donnent leurs noms aux rues, aux places et aux arrêts obligatoires des transports en commun.

Un de ces patronymes dont on n’a pas envie de percer le mystère par manque de curiosité ou parfois pour n’en pas briser le charme, afin de s’épargner la désillusion de Proust constatant que la vraie Balbec n’était pas celle dont le nom l’avait tant fait rêver.

Et puis, il est exact que les vivants, les jeunes surtout, sont désinvoltes avec les morts, c’est le prix à payer pour qui préfère l’avenir au passé : « Déjà vous n’êtes plus qu’un mot d’or sur nos places », chantait Aragon à propos des poilus, pas plus de quarante ans après qu’ils furent tombés aux tranchées.En dehors de quelques historiens, qui connaît les généraux Mouton-Duvernet et Lecourbe, l’amiral La Motte-Picquet ? Pourtant, l’Etat pourrait dès demain nous en imposer le culte ainsi qu’il le fait avec ce pauvre Guy Môquet, qui n’a sans doute jamais imaginé qu’un pouvoir de droite le déterrerait pour assurer avec force pathos sa propre propagande.

Et Missak Manouchian, alors ? ses lettres à sa Mélinée ?

pas assez émouvant ? pas assez conforme ? pas assez Français ?Faut dire que la rue du Groupe Manouchian –dont la moitié des membres n’était guère plus âgée que Guy Môquet- n’est qu’une médiocre venelle du 20e arrondissement, pas une artère prestigieuse comme la rue de Grenelle.C’était qui, au fait, ce Grenelle ?*Matignon 1936, ou 1988, après tout.Mathias Delfe

source:http://infosensolde.blogs.nouvelobs.com/

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