04/10/2007

Institut d’Etudes sur l’Immigration et l’Intégration (I.E.I.I.) :

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Communiqués autour de l'Institut d'études sur l Immigration de l'Intégration ( Gros dossier°Institut d’Etudes sur l’Immigration et l’Intégration (I.E.I.I.) :
suite et attente de la suite...


Premier Ministre
Haut Conseil à L'Intégration
Communication

Paris, le 3 Octobre 2007



COMMUNIQUE DE PRESSE


Afin de donner toutes les informations nécessaires sur les futures missions de l'Institut d'études sur l'immigration et l'intégration, créé en son sein, et pour dissiper tout malentendu, le Haut Conseil à l'intégration, en accord avec la Direction de l'Institut, a décidé de reporter son installation officielle à une date qui sera communiquée prochainement.



SOMMAIRE DE CE MESSAGE



1 – INSCRITS DANS l’I.E.I.I. SANS CONSENTEMENT

L’article du 30.09.07 sur TERRA-Infos « Une légion étrangère de la recherche - Le Ministre de l’Identité Nationale crée son think-tank sur l’immigration » (Ici : http://listes.univ-paris1.fr/wws/arc/terra-infos/2007-09/msg00000.html ) a eu, avec d'autres initiatives, des effets positifs contre ce dispositif de subordination de la recherche qu’est l’I.E.I.I. mais a aussi amplifié la diffusion de noms de collègues qui n’ont pas donné leur accord pour y participer et dont les noms ont été inscrits à leur insu sur le document officiel diffusé le 19 septembre par les services du Premier Ministre. A ceux là, et à ceux là seulement, je tiens à exprimer ma sympathie, mes excuses pour la mise en cause dont ils ont fait l’objet dans mon message et à leur donner la parole pour se défendre face aux pratiques du gouvernement.


2 – « UNE LEGION ETRANGERE… » : CORRECTIFS ET CONFIRMATIONS

Ce message a apporté au bon moment des informations nécessaires à beaucoup mais comportait des erreurs factuelles et des problèmes d’interprétation : ils sont corrigés dans le texte ci-dessous « La recherche sur les questions migratoires au cœur d’un champ de bataille politique » (J. Valluy, 04.10.07). Retour réflexif grâce aux centaines de réponses reçues.

3 - Communiqué de chercheurs contre l’I.E.I.I.

Une vingtaine de chercheurs ont rendu public mardi 2 octobre un communiqué dont la rédaction consensuelle a nécessité plusieurs jours de discussions depuis le milieu de la semaine dernière. Ils l’ont ouvert à d’autres signatures depuis sa publication. A suivre...


4 – PRESSE : 3 ETAPES, 3 CADRAGES, 3 STYLES

Trois articles de presse, successivement, de Rue 89 (01.10.07), Libération (02.10.07) et Le Monde (03.10.07) permettent de suivre le fil de cette histoire et on pesé, probablement, sur la décision gouvernementale de reporter l'inauguration de l'I.E.I.I. Chaque journal a son rythme, son cadrage et son style…


L’inauguration de l’IEII est reportée, mais ce n’est qu’une suspension de séance. La menace d’un tel dispositif est toujours là.


Jérôme Valluy


§ 1 – INSCRITS DANS l’I.E.I.I. SANS CONSENTEMENT


Communiqué de Paul Schor


Je n'ai jamais fait partie du groupe de travail du futur Institut d'études sur l'immigration et l'intégration et donc il ne pourra en mon cas en aucun cas s'agir de "désistement", mon nom s'est retrouvé sur cette liste sans que j'ai jamais été sollicité, il va de soi que si je l'avais été j'aurais refusé catégoriquement.

Pour que cela soit clair, je n'ai jamais ni souhaité ni fait partie de ce groupe de travail et je condamne aussi bien la manière dont il a été constitué que l'exposé des missions et je considère que le fait que mon nom soit sur cette liste et soit diffusé par voie électronique constitue un préjudice dont je suis victime, d'autant plus que certains peuvent avoir cru ou insinué que j'étais d'accord.

Paul Schor
U. Paris X et CENA-EHESS


Communiqué de Jean-Luc Richard


Communiqué de Jean-Luc Richard (4 octobre 2007)

Bien sûr, même si l’attitude d’un chercheur ne saurait reposer scientifiquement sur de seules positions politiques, il y a d’abord ce contexte politique détestable. Etant contre les tests ADN sur les candidats au regroupement familial, étant contre l’instauration de quotas, étant contre tous les amendements Mariani combattus par Emmaüs France, étant aussi contre tout appareillage ethno-racial officiel dans la statistique publique, et pour plein d’autres raisons, je n’ai naturellement jamais eu l’intention de participer à un « think tank » dépendant de M. Hortefeux et du pouvoir politique.


Le Haut Conseil à l’Intégration présidé par Blandine Kriegel ne m’a jamais présenté le moindre projet IEII provisoire ou finalisé, ni même contacté sur ce projet ; lire que je serais (conditionnel) « membre d’un think tank du Ministre de l’Identité nationale » - expression de Jérôme Valluy - m’a tout surpris, désagréablement surpris. Un lancement sous l’égide de M. Hortefeux n’aurait jamais pu m’amener à accepter de participer à la réunion du 8 octobre à laquelle, je le répète, je n’ai pas été invité et, invité, je n’y serais (conditionnel) pas allé. D’autres aspects sont aussi inquiétants et je comprends la réaction de nombreux collègues. Présenté comme il l’a été aux collègues qui avaient accepté de figurer dans cet institut, c’est-à-dire présenté comme « groupe français de Metropolis », « rattaché au HCI pluraliste depuis 1989 », cet institut méritait qu’on y regarde à deux fois, mais en réalité, je n’ai jamais donné mon accord de principe, et vu les circonstances, la configuration, et le fait que l’on ne m’a pas demandé d’en faire partie, je ne peux être considéré comme en faisant partie. Je n’ai donc pas à en démissionner car cela serait accréditer qu’il suffit que d’autres vous fassent rentrer dans une liste pour faire partie malgré soi d’un groupe qui n’en n’est pas un en réalité !

Je veux surtout aussi dire ma solidarité à Benjamin Stora, à Paul Schor, à Elikia M’Bokolo.

Merci aussi à Hervé Le Bras qui m’a appris, au milieu du week-end dernier, quelques heures avant le message de J. Valluy, que le « machin » allait être inauguré par M. Hortefeux, et que cela n’était pas acceptable pour lui (HLB) de participer le 8 octobre au lancement de l’Institut IEII qu’il croyait être « Metropolis France », ce qu’il n’est pas.

Merci aux collègues, signataires ou non de la pétition des collègues, qui m’ont transmis des infos, des courriels privés, le texte de la pétition annoncée dans la presse, pétition qu’ont signée nombre de collègues qui me sont sympathiques.

Oui, sans certitude de l’indépendance par rapport au politique, la notion de « guichet unique » est dangereuse. Je voudrais offrir une réflexion constructive, car je suis plongé dans cette affaire de manière incroyable, victime des dysfonctionnements du HCI, des amalgames, et aussi du comportement particulier de certains collègues qui auraient été trop contents de me voir sur une photo aux côtés de M. Hortefeux : curieux quand même de n’avoir reçu aucun courriel et aucun message à l’exception, durant le week-end du 30 septembre, de ceux de Hervé Le Bras et ceux, maladroits, de Jérôme Valluy.

Je veux avoir une attitude réflexive car elle correspond à ce que j’essaye de faire dans ma démarche scientifique qui peut et doit naturellement être discutée.

Je ne voudrais pas que les personnes extérieures à cette affaire en aient une lecture naïve.

Il n’y a pas d’un côté les bons aux indignations vertueuses, et les mauvais de l’autre : ces derniers ont pu croire participer au lancement sérieux de Metropolis France, et sans savoir que mon nom apparaissait, j’avais –rarement- entendu parler de Metropolis France en gestation. Finalement, on sait, grâce au Monde daté de ce jour, ce qu’il en est, ce n’est pas avalisé par Metropolis « international ».

Par ailleurs, l’amalgame « chercheurs liste – « curieuse » IEII 19 septembre » = « chercheurs dévoyés » ou « fourvoyés », car le mot a aussi été utilisé par certains qui n’ont pu faire passer le terme dans la pétition, n’était pas acceptable : indépendamment de l’accord réel ou supposé ou non-avéré des uns ou des autres, voir circuler une liste avec les noms de Stora, Le Bras, Wihtol de Wenden, Kepel, Jazouli, Schor, Richard, M’Bokolo, Schweitzer, cela fait penser, normalement, à quelque chose de sérieux, au moins pluraliste, et pas spécialement « hortefesque » ou hostile à la liberté de la recherche, sinon quel procès d’intention ! En démocratie, il faut aussi accepter que d’autres fassent des choix autres que soi-même.

Je le redis, sans indépendance par rapport au politique, la notion de « guichet unique » est dangereuse, de même que cela serait le cas sans pluralisme, et certains accords de principe initiaux -et non sur le résultat final dans le contexte actuel-, ont été manifestement fondés sur cet attachement au pluralisme.

La présence de Mme Carrère d’Encausse à la présidence du Conseil Scientifique de l’IEII est problématique. J’aurais aimé, de certains collègues, une indignation plus ancienne, puisque elle a présidé le Conseil scientifique de l’OSII ces dernières années ; puisque, par ailleurs le n’importe quoi sur la prétendue « polygamie des immigrés » chez certains chercheurs est ancien, cf. Le Démon des origines… A cette époque certains se sont tus… comme ils se sont tus sur un certain nombre d’anomalies. Quand les jurys de recrutement d’un grand organisme de recherche étaient présidés, en d’autres temps, par un chercheur qui publiait des trucs incroyables aux côtés d’hommes politiques d’extrême-droite dans des supports d’extrême-droite, j’aurais aimé entendre des discours indignés de même nature…

Tout le monde sait (voir la presse d’hier) que le HCI est intervenu récemment, tant mieux, pour que la loi Hortefeux soit modifiée. Louis Schweitzer, président de la HALDE, s’inquiète aussi du contenu de plusieurs aspects de la loi Hortefeux. Très bien.

Je suis surtout attaché à cette liberté de pouvoir critiquer tous les éléments de cette loi Hortefeux.

Jean-Luc Richard
maître de conférences


Déclarations de Benjamin Stora à la presse

"J'ai reçu des centaines de mails d'insulte! Je n'y vais pas dans ce groupe de travail. J'ai été contacté une première fois et j'avais donné mon accord. Mais quand j'ai appris qu'il y avait du Hortefeux dans le coup, j'ai refusé. Point." (Rue89 01.10.2007)


Extrait de presse sur Elika Mbokolo

Laetitia Van Eeckhout, journaliste du Monde : « Enfin, des chercheurs figurant dans la liste des membres du Conseil scientifique affirment ne pas avoir donné leur accord. Ainsi, Elikia M’Bokolo, directeur d’études à l’Ecole des hautes études en sciences sociales (EHESS) ou Paul Schor, maître de conférences à Paris X-Nanterre. » (Le Monde 03.10.07)


2 – « UNE LEGION ETRANGERE… » : CORRECTIFS ET CONFIRMATIONS




« La recherche sur les questions migratoires au cœur d’un champ de bataille politique »


Prolongement de l’article « Une légion étrangère de la recherche… », disponible ici :
http://listes.univ-paris1.fr/wws/arc/terra-infos/2007-09/msg00000.html

Jérôme VALLUY (04.10.07)

La lettre d’invitation à la séance inaugurale du futur Institut d’Etudes sur l’Immigration et l’Intégration, datée du 19 septembre, et la « Note technique » l’accompagnant circulaient depuis plusieurs dans le réseau des chercheurs lorsque vous les avez reçus par TERRA-Infos. Les documents étaient officiels et déjà rendus publics lorsqu'ils ont été diffusés sur cette liste, augmentant simplement leur audience immédiate au 30 septembre, dans un sentiment d'urgence, 8 jours avant l’inauguration officielle de l’IEII.

Pourquoi ce sentiment d’urgence ? Tout simplement parce que la situation politique sur ces questions est dramatique. Nous vivons aujourd’hui dans un pays où les rafles d’exilés sont devenues quotidiennes dans la capitale, au nord de la France et dans le reste du pays ; où l’on discute à l’Assemblée Nationale de test par ADN sur les étrangers ; où les expulsions vers des destinations dangereuses font des victimes de plus en plus nombreuses ; où les camps d’étrangers se multiplient dans et autour du pays et surtout de l’Europe ; où les droits humains fondamentaux, notamment le droit d’asile, se réduisent à chaque réforme législative au détriment des étrangers ; où « l’identité nationale » a été officiellement constituée en catégorie de politique publique, objectivant ainsi un véritable nationalisme d’Etat qui ne date pourtant pas de ce gouvernement. C’est un contexte où l’activisme des politiques publiques stigmatisant chaque jour davantage l’étranger comme problème, risque ou menace est devenu, depuis plusieurs années, une orientation centrale, banalisée et consensuelle de l’action publique.

Ce contexte, historiquement très particulier mais pas inédit, est inquiétant pour l’avenir. Il place les chercheurs travaillant sur ce domaine dans une situation également particulière. Plus que jamais le problème de l’autonomie des finalités de la recherche en sciences de l’humain et de la société et le problème connexe de nos dépendances statutaires ou financières mais aussi idéologiques à l’égard des pouvoirs publics devient un enjeu crucial pour la validité de nos travaux. Plus que jamais la question des effets que produisent inéluctablement nos travaux sur la société, ses évolutions culturelles et politiques devient également cruciale. De nombreux chercheurs, pour des raisons d’éthique de la recherche et à cause de ce contexte particulier, se battent, depuis des années pour que la profession retrouve une maîtrise de son agenda scientifique, c'est-à-dire une certaine autonomie dans la définition des sujets que les chercheurs traitent et dans la hiérarchisation de leurs priorités de travail... c'est à dire, in fine, des sujets abordés dans les milliers de livres publiés chaque année, dans les articles de revue spécialisées puis généralistes, dans les contenus pédagogiques des enseignements puis dans les débats publics, dans la presse, etc.


De ce point de vue, la configuration de cet Institut d’Etudes sur l’Immigration et l’Intégration est totalement inacceptable : 1) la visée première d’un « guichet unique » placerait les financements de la recherche sous la dépendance de cette instance paragouvernementale avec tous les risques d’exclusion des sujets politiquement gênants ; 2) le mécanisme selon lequel les chercheurs proposeraient des sujets et qu’un regroupement de technocrates ministériels, académiques industriels en décideraient, dans le cadre d’un guichet unique, est d’une rare violence symbolique à l’égard d’une profession qui revendique la liberté de pensée comme fondement de son activité ; 3) la volonté de mise en réseau des chercheurs et des chefs d’industries alors que la perspective gouvernementale est celle de l’immigration choisie - qui signifie recrutement de main d’œuvre ! - et que le Premier Ministre a, par ailleurs, invité les chercheurs en sciences sociales à se rendre utiles en aidant les entreprises à prospecter les marchés étrangers est, pour le moins, sulfureux.

Ceux des chercheurs qui ont accepté de participer en étant pleinement informés sur le dispositif (mais certains ont été enrôlés à leur insu ou par une information tronquée !) ont fait un choix politique qui était éclairé par tout ce qui s’est passé depuis le mois de juin sur ce domaine : la démission des historiens de la CNHI en mai a été largement médiatisée ; le forum de plus de deux cents chercheurs réunis à l’EHESS le 27 juin a également été médiatisé. A moins de considérer les chercheurs comme des êtres exceptionnels au-dessus de toute critique politique, je ne vois aucune raison de ne pas les attaquer personnellement lorsqu’ils assument des engagements publics aussi fortement politisés que ceux-là et qu’ils acceptent de surcroît d’exercer un pouvoir aussi orienté que lucratif sur l’ensemble de la profession (sélection de sujets et allocations de financements). Lorsqu’ils font de la politique de la recherche ou de la politique tout court, les chercheurs sont des citoyens comme les autres et ne disposent d’aucun privilège personnel d’immunité politique.

Un collègue m’a aimablement envoyé avant-hier cette citation de Pierre Bourdieu (citation, paraît il, très utilisée dans ce genre de situation). Elle est parfaitement adaptée au contexte : « Dans un univers où les positions sociales s’identifient souvent à des "noms", la critique scientifique doit parfois prendre la forme d’une critique ad hominem. Comme l’enseignait Marx, la science sociale ne désigne « des personnes que pour autant qu’elles sont la personnification » de positions ou de dispositions génériques — dont peut participer celui qui les décrit. Elle ne vise pas à imposer une nouvelle forme de terrorisme mais à rendre difficiles toutes les formes de terrorisme.» (Déclaration d’intention du n° 5-6, novembre 1975, Actes de la Recherche en sciences sociales, in Pierre Bourdieu, Interventions, Agone, Marseille, 2002, p. 129.). Or les positions visées dans mon attaque contre les membres de l’IEII ne sont pas celles d’un espace de débat mais d’une instance de pouvoir, monopoliste ( « guichet unique ») de définition des sujets de recherche financés en France… excusez du peu !

Fallait-il mettre en cause les compétences personnelles des membres officiels (mais involontaires, pour certains !) du « Groupe de travail » de l’IEII ? Oui, pour la raison suivante : ce projet d’Institut est en préparation depuis le début du mois de mai. Une réunion de travail a eu lieu entre les deux tours de l’élection présidentielle. Des chercheurs, souvent éminents, ont été contactés individuellement depuis six mois et la plupart d’entre eux ont refusé de participer. Il est très difficile de savoir qui a été contacté parce que les intéressés ne voient pas nécessairement l’utilité de le faire savoir publiquement et de claironner leurs refus. Mais par ce démarchage individuel, les autorités parviennent toujours à trouver in fine des individualités pour cautionner un dispositif quand bien même une large partie de la profession et, probablement la grande majorité, en refuse le principe. Dans le cas présent, à cause des refus successifs, le niveau d’exigence scientifique c’est progressivement abaissé jusqu’à contraindre les autorités à faire entrer dans le groupe de travail des collègues n’ayant jamais fait de recherches sur le domaine et surtout à inscrire des noms de collègues sans leur accord ou en ayant obtenu leur accord sur la base d’une information tellement partielle que l’on peut considérer que leur consentement n’a pas été donné vis-à-vis du dispositif final.

A ces derniers, victimes de cette méthode d’enrôlement politique forcé digne des régimes autoritaires, je veux exprimer ma sympathie et renouveler mes excuses pour le tord que j’ai pu contribuer à leur faire en amplifiant l’audience de documents portant leur nom sans leur consentement. Je tiens néanmoins à souligner que ces documents étaient officiels, déjà publics depuis 11 jours et que, sans mon message du 30 septembre, certains auraient découvert leur enrôlement forcé en lisant la presse entre le 30 septembre et l’inauguration du 8 octobre. Ils auraient eu alors plus de difficulté encore à faire entendre leur voix et à faire connaître leur état de victime de cette opération gouvernementale. Je veux leur dire aussi que l’expression « A quelques exceptions près… » dans mon attaque sur les compétences, s’adresse particulièrement à eux, même si cela peut paraître être une facilité rétrospective. Mon attaque visait le dispositif plus que les personnes mentionnées dans le document officiel… mais il faut aussi, parfois, procéder à des attaques ad hominem pour les raisons déjà indiquées.

Le quatrième paragraphe contenant une liste de chercheurs spécialisés dans le domaine, a été diversement comprise : certains m’ont demandé si je me prenais pour Dieu (également Pol Pot, Staline, etc.) ; d’autres, beaucoup plus nombreux, m’ont demandé d’inscrire leurs noms dans cette liste… ce que je ne peux évidemment pas faire sans avoir l’air de les enrôler comme soutiens personnels et donc de changer la signification de cette liste (…et au risque de me faire traiter de Richard Cœur-de-Lion ou de Napoléon).

A quoi servait cette liste de chercheurs compétents ? 1) Elle était simplement la seule manière de faire apparaître le processus précédemment décrit d’abaissement de la qualité scientifique du Groupe de Travail par suite des multiples refus de participation que le gouvernement a essuyé durant l’été. 2) Elle permettait également d’indiquer combien ce Groupe de Travail de l’IEII, qui se voit confier le pouvoir exorbitant de suggérer les sujets finançables par un guichet unique, se trouve dépourvu de légitimité scientifique comparée à l’ampleur des compétences scientifiques existant par ailleurs dans la profession. 3) Elle permettait aussi de montrer aux technocrates du pseudo « Comité Scientifique » de l’IEII, que ce ne sera pas eux qui définiront les sujets de la recherche française dans ce domaine mais les chercheurs qui échappent aux pouvoirs politiques et financiers aujourd’hui dramatiquement orientés.

Cette liste n’avait donc pas besoin d’être exhaustive pour atteindre ces trois objectifs. Je l’ai constitué (certes trop vite) à partir de ma bibliographie personnelle et en consultant les sites des deux principaux laboratoires de recherche sur ces domaines en France. Cette bibliographie personnelle est plus focalisée sur certains sujets que sur d’autres et beaucoup de chercheurs travaillent sur ce domaine en étant rattachés à d'autres laboratoires moins spécialisés. De là de très nombreux oublis et quelques erreurs factuelles (deux personnels administratifs mentionnés par erreur). Les collègues qui m’ont écrits pour me demander de rajouter leurs noms, l’on fait pour exprimer un choix de positionnement dans cette affaire et parfois une marque de soutien dont je les remercie. Les trois objectifs de mon précédent message ayant été atteint je crois qu’il ne servirait à rien de prolonger cette fabrication de liste sauf à le faire dans une perspective de constitution d’un annuaire professionnel (qui pourrait d’ailleurs être utile).

Sur la critique des institutions (5ème §) je dois faire des correctifs à l’égard d’une institution que j’ai chargée trop lourdement : l’EHESS. On ma fait remarqué, avec raison, que les mandarins de l’EHESS ne sont pas surreprésentés au sein du think tank de l’UMP (la Fondation pour l’Innovation Politique… http://www.fondapol.org/v2/fondation-contributeurs-home.php?lg=fr qui a déjà publié sur l’identité nationale et l’immigration choisie) et en tout cas certainement pas dans la même proportion que ceux de Science Po Paris qui est effectivement au coeur des instances "scientifiques" de ce think tank. Parmi les trois personnes de l'EHESS que j’ai désignées, l’une n’en fait pas partie et les deux autres n’ont eu qu’une information très partielle sur le projet IEII au moment où elles en ont eu connaissance. Cela relativise le rôle de cette école dans la mise en place de l’IEII comparé à celui de Science Po Paris… Pour le reste il n’y a rien à changer : je n’ai pas parlé des positionnements politiques de mes collègues de Lyon-III, qui peuvent se trouver dans l’IEII pour des raisons diverses, notamment de proximités personnelles, j’ai parlé en revanche de la symbolique bien connue liée à l’histoire politico médiatique de cette université. Le concept de « gauche caviar » semble avoir terrorisé certains (on m’a écrit « néo-stalinisme » !) ; je ne peux que renvoyer au livre d’un éditorialiste du Nouvel Observateur, Laurent Joffrin (Histoire de la gauche caviar, Paris : Robert Laffont, avril 2006, 208 p.) qui ne semble guère stalinien (c’est un euphémisme). Cette histoire de la gauche caviar sera évidemment à actualiser en conceptualisant le phénomène des débauchages systématiques, repositionnements et enrôlements politiques que l’on observe depuis plusieurs mois dans le champ politique, mais aussi dans bien d’autres secteurs de la société dont celui de la recherche.

Enfin, si il est vrai aussi que l’observatoire évoqué à la fin mon texte, du fait de sa spécialisation scientifique sur l’institutionnalisation de la xénophobie, ne se situe pas sur le même plan que l’IEII, c’est bien sur ce domaine que l’essentiel se joue aujourd’hui. Et l’on m’a fait remarquer, avec raison, une omission dans mon message : la Présidente de ce nouvel Institut d’Etudes de l’Immigration et de l’Intégration est Hélène Carrère d'Encausse, éminente historienne, spécialiste de l'Union soviétique et secrétaire perpétuelle de l'Académie française, qui a expliqué la crise des banlieues françaises en 2005 à la télévision russe NTV dans les termes suivants (Source : Moskovskie Novosti - Cité par Libération 15/11/2005 ): «Ces gens, ils viennent directement de leurs villages africains. Or la ville de Paris et les autres villes d'Europe, ce ne sont pas des villages africains. Par exemple, tout le monde s'étonne : pourquoi les enfants africains sont dans la rue et pas à l'école ? Pourquoi leurs parents ne peuvent pas acheter un appartement ? C'est clair, pourquoi : beaucoup de ces Africains, je vous le dis, sont polygames. Dans un appartement, il y a trois ou quatre femmes et 25 enfants. Ils sont tellement bondés que ce ne sont plus des appartements, mais Dieu sait quoi ! On comprend pourquoi ces enfants courent dans les rues.» Dans cette même interview, diffusée dimanche soir, l'académicienne ajoutait que «pendant des années le gouvernement n'osait même pas appeler ces gens des "hooligans" : ce mot n'était pas autorisé. Lorsque Nicolas Sarkozy les a appelés "voyous" et "racailles", ces jeunes gens, ces chéris, ont demandé qu'il s'excuse. En France, nous avons une abominable manie des excuses».

Il faut ajouter en outre, pour alimenter le florilège de l’IEII les déclarations, publiées avant-hier par Libération, de François Guéry, Doyen de la faculté de philosophie de Lyon-III : «On va par exemple regarder comment les immigrés eux-mêmes planifient leur intégration, quel est leur souhait, leur stratégie. Il ne faudrait pas qu’une immigration mal agencée vienne mettre en cause le régime républicain. Il peut y avoir des ennemis de la République qui s’arrogent tous les moyens pour mettre les institutions en danger». (Libération, 02.10.07)

Je vais donc céder à cette abominable manie française et renouveler mes excuses aux collègues qui ont été enrôlés malgré eux sous l’autorité symbolique de cette dame et de ce monsieur…(effectivement, cela a du être pour eux un mauvais moment à passer) tout en me réjouissant que l’IEII reste aujourd’hui sans chercheurs qualifiés ou presque et que son inauguration soit reportée à une date indéterminée. Cependant les problèmes de fond soulevés par cette initiative gouvernementale restent entiers.

Si le dispositif I.E.I.I. est maintenu en l'état (guichet unique, subordination des chercheurs aux technocrates, articulation des spécialistes de l'immigration avec les entreprises...), il faut que la profession s’organise pour boycotter non seulement les financements mais aussi l’ensemble des activités de cet institut c'est-à-dire boycotter à la fois les publications, colloques et journées d’études organisés par cet institut mais aussi les personnes qui s’engagerons dans ce dispositif. Il faut qu’elle s’organise pour tenter enfin de maîtriser son agenda de travail : l’agenda scientifique c'est-à-dire la définition des sujets à traiter prioritairement par les chercheurs.

Jérôme Valluy
Jeudi 4 octobre 2007


3 – COMMUNIQUE DE CHERCHEURS CONTRE L’IEII


3.1 - Dépêche AFP :
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Immigration-gouvernement-université

Pétition de chercheurs contre la création d'un Institut d'études sur l'immigration


PARIS, 2 oct 2007 (AFP) - Une vingtaine d'universitaires ont lancé, mardi, une pétition pour exprimer leurs "plus vives inquiétudes" au sujet de la création d'un Institut d'études sur l'immigration et l'intégration, dont l'inauguration est prévue lundi par Brice Hortefeux.

Dans cette pétition, les chercheurs dénoncent, dans la création de cet institut "un nouvel instrument de pilotage politique des recherches qui déterminera les +champs et sujets pertinents+ sur lesquels engager des travaux scientifiques".

Parmi les initiateurs de la pétition figurent Patrick Simon, chercheur à l'Ined (Institut national des études démographiques), Patrick Weil, spécialiste des questions d'immigration, Gérard Noiriel, historien, Eric Fassin, sociologue.

Créé par le Haut conseil à l'intégration (HCI) présidé par Blandine Kriegel, sous l'égide du ministre de l'Immigration Brice Hortefeux, l'Institut d'études sur l'immigration et l'intégration a vocation, selon ses fondateurs, à constituer "un guichet unifié rassemblant des chercheurs, des universitaires, des administrations et des entreprises privées qui commanditent des recherches sur ces questions".

Le conseil scientifique de l'Institut, qui doit être inauguré lundi à Paris, sera présidé par Hélène Carrère d'Encausse, secrétaire perpétuel de l'Académie française.

Dans leur pétition, les chercheurs "expriment leurs plus vives inquiétudes" au sujet de la création de cet institut "dans un contexte où le discours politique tend de plus en plus à présenter l'immigration comme un danger pour la collectivité nationale, où les législations successives restreignent toujours plus les droits des étrangers, où la rhétorique sur l'intégration sert à occulter les discriminations".

Les chercheurs s'"inquiètent" particulièrement "pour la menace qu'il constitue pour la liberté de la recherche", ainsi que "pour le symbole que représente la nomination à la présidence de son conseil scientifique d'une personnalité (ndlr Mme Carrère d'Encausse) dont les propos publics sur les familles africaines ont suscité étonnement et indignation".

"Il n'appartient pas à un institut sous tutelle politique, écrivent les chercheurs, de poser « les bonnes questions » auxquelles les chercheurs devront trouver de « bonnes réponses »".

aml/il/jlc
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3.2 Communiqué de chercheurs


Communiqué au sujet la création
d’un Institut d’Etudes sur l’Immigration et l’Intégration
Un Institut d’études sur l’immigration et l’intégration vient d’être créé par le Haut Conseil à l’Intégration sous l’égide du Ministre de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du co-développement. Il a vocation, selon ses fondateurs, à être le « guichet unifié » des financements venant des administrations et des entreprises pour les recherches portant sur ces thèmes. De fait, l’institut - dont l'indépendance annoncée n'est assortie d'aucune garantie institutionnelle - est un nouvel instrument de pilotage politique des recherches qui déterminera les « champs et sujets pertinents » sur lesquels engager des travaux scientifiques. Dans un contexte où le discours politique tend de plus en plus à présenter l’immigration comme un danger pour la collectivité nationale, où les législations successives restreignent toujours plus les droits des étrangers, où la rhétorique sur l’intégration sert à occulter les discriminations, nous exprimons les plus vives inquiétudes quant à la création de cet institut :

pour la menace qu’il constitue pour la liberté de la recherche sur une thématique aussi sensible, dès lors qu’il prétend devenir le lieu exclusif de contrôle des financements des travaux scientifiques,
pour le symbole que représente la nomination à la présidence de son conseil scientifique d’une personnalité dont les propos publics sur les familles africaines ont suscité l’étonnement et l’indignation.
Qu’au moment où le gouvernement annonce un accroissement du potentiel de la recherche en France, le choix soit fait de renforcer le pilotage politique du travail scientifique nous semble inacceptable non seulement pour les chercheurs mais aussi pour l’ensemble des citoyens. Nous croyons que la crédibilité de la recherche sur l’immigration, les discriminations ou la diversité, comme celle de toute recherche, ne peut être assurée que par l’entière liberté de définir les thèmes à aborder et les méthodes à appliquer. Il n’appartient pas à un institut sous tutelle politique de poser les « bonnes questions » auxquelles les chercheurs devront trouver de « bonnes réponses ». Engagés depuis des années dans des programmes scientifiques nationaux et internationaux autour de ces questions, nous considérons que la recherche ne peut se développer fructueusement qu'avec l'appui d'institutions publiques indépendantes et pluralistes.



Paris, le 1er octobre 2007



Liste des initiateurs (par ordre alphabétique) :



Marie-Claude Blanc Chaléard, historienne, Université Paris 1

Catherine Coquery-Vidrovitch, historienne, Université Paris 7

Véronique De Rudder, sociologue, CNRS

Didier Fassin, anthropologue, EHESS

Eric Fassin, sociologue, ENS

Denis Fougère, économiste, CNRS

Nancy Green, historienne, EHESS

Nacira Guénif, sociologue, Université de Paris 13

Nonna Mayer, politiste, CNRS

Pap Ndiaye, historien, EHESS

Gérard Noiriel, historien, EHESS

Catherine Quiminal, anthropologue, Université Diderot-Paris 7

Daniel Sabbagh, politiste, FNSP

Emmanuelle Santelli, sociologue, CNRS

Paul Schor, historien, Université Paris 10

Patrick Simon, socio-démographe, INED

Jocelyne Streiff-Fenart, sociologue, CNRS

Sylvie Thénaud, historienne, CNRS

Vincent Tiberj, politiste, FNSP

Patrick Weil, historien, Université Paris I



Liste des soutiens (par ordre alphabétique au 04.10.07 pour des raisons techniques une trentaine de noms, à ce jour, n’ont pas pu encore être entrés dans cette liste) :



Jean-Loup Amselle, anthropologue, EHESS

Alain Anselin, anthropologue

Etienne Balibar, philosophe, Université Irvine

Nicolas Bancel, historien, Université de Lausanne

Alain Battegay, sociologue,

Sophie Bava, sociologue, IRD

Catherine Benoît, anthropologue

Jean-Luc Bonniol, anthropologue, Université d’Aix-Marseille

Nadir Boumaza, géographe, Université Pierre Mendès France, Grenoble

Yael Brinbaum, sociologue, Université de Bourgogne

Stéphanie Condon, géographe, INED

Jocelyne Dakhlia, anthropologue, EHESS

Corinne Davaut, sociologue, doctorante, Université de Paris 8-URMIS

Françoise De Barros, sociologue, Université Paris 8

Irène Dos Santos, sociologue, doctorante

Caroline Douki, historienne, Université Paris 8

Stéphane Dufoix, sociologue, Université de Paris X

Mireille Eberhard, sociologue, post-doc INED

Jules Falquet, sociologue, Université Paris 7

Brigitte Fichet, Sociologue, Université Marc Bloch, Strasbourg

Camille Gardesse, sociologue, doctorante IUP

Michel Giraud, anthropologue

Luca Greco, sociolinguiste, Université Paris 3

Christelle Hamel, sociologue, INED

Marie-Antoinette Hily, sociologue, CNRS-MIGRINTER

Fanny Jedlicki, sociologue, doctorante URMIS, Université Paris 7

Marie-Thérèse Lanquetin, juriste, Université de Paris X

Didier Lapeyronnie, sociologue, Université Bordeaux

Jean-Baptiste Leclercq, doctorant URMIS, Université Paris 7

Luc Legoux, démographe, Université de Paris I-IDUP

Françoise Lorcerie, sociologue, CNRS

Eric Macé, sociologue, Université Paris 3

Sylvie Mazzela,

Pierre Merklé, sociologue, Université de Lyon 2

Dominique Meurs, économiste, ERMES

Elise Palomares, sociologue, Université de Rouen

Emmanuelle Picard,

Edmond Préteceille, sociologue, OSC

Christian Poiret, sociologue, Université de Paris 7-URMIS

Janine Ponty, historienne

Philippe Poutignat, sociologue, CNRS-URMIS

Aude Rabaud, sociologue, Université de Prais 7-URMIS

Isabelle Rigoni, sociologue, Université de Poitiers-MIGRINTER

Christian Rinaudo, sociologue, Université de Nice

Paul-André Rosental, historien, EHESS

Valérie Sala Pala, politiste, Université de Saint-Etienne

Emmanuelle Sibeud, historienne, Université Paris 8

Roxane Silberman, sociologue, CMH-CNRS

Serge Slama, juriste, Université Evry-Val-d'Essonne

Alain Tarrius, sociologue,

Maryse Tripier, sociologue, Université Paris 7

Jérôme Valluy, politiste, Université Paris 1

François Vourc’h, sociologue, CNRS-GRASS

Loïc Waquant, sociologue, Université de Berkeley

Claire Zalc, historienne, ENS-EHESS

4 – PRESSE : 3 ETAPES, 3 CADRAGES, 3 STYLES


Immigration: Hortefeux fait main basse sur la recherche
Par Rue89 17H04 01/10/2007

Des chercheurs ont déjà claqué la porte du futur Institut d'études sur l'immigration et l'intégration, installé sous son égide.

Petite tempête dans le milieu universitaire: un Institut d'études sur l'immigration et l'intégration (IEII), créé par le Haut conseil à l'intégration, sera installé le 8 octobre. Or, si le Haut conseil à l'intégration dépend de Matignon, ce n'est pas François Fillon qui installera l'Institut la semaine prochaine mais le controversé ministre de l'Immigration, de l'Intégration et l'Identité nationale, Brice Hortefeux.

Pour le service communication du Haut conseil à l'intégration, la raison en est simple: "C'est Hortefeux qui installe parce que c'est le principal concerné. Lorsque l'Observatoire statistique de l'immigration et de l'intégration, a été installé (en 2004), c'était Jean-Louis Borloo, alors à l'Emploi, qui s'en était chargé."

Pourtant, le fait que le nouveau think tank passe de facto sous l'égide -en tout cas symbolique- de Brice Hortefeux n'a rien d'anodin pour bon nombre de chercheurs initialement impliqués dans le projet. C'est le cas, par exemple, de Benjamin Stora. Contacté il y a quelques mois, il a d'abord donné son accord, avant de prendre ses distances avec le projet lorsqu'il a su que l'Institut serait inauguré au ministère de l'Immigration.

C'est un professeur de sociologie politique de Paris I, Jérôme Valluy, qui, sur la base d'un communiqué du 19 septembre annonçant la création de l'IEII, a lancé l'alerte. Dans une série de mails envoyés à un vaste carnet d'adresses, il brocarde l'absence de nombreux spécialistes de la question, mais dénonce surtout le "contrôle politique de la production des savoirs", "de serviles enrôlements académiques au service des pouvoirs en place quels qu'ils soient" et "la négation collective par les engagés de l'idée même d'indépendance de la recherche".

Certains intéressés ont toutefois peu goûté cette campagne, à l'instar de Benjamin Stora: "J'ai reçu des centaines de mails d'insulte! Je n'y vais pas dans ce groupe de travail. J'ai été contacté une première fois et j'avais donné mon accord. Mais quand j'ai appris qu'il y avait du Hortefeux dans le coup, j'ai refusé. Point."

Jean-Luc Richard, socio-démographe à Rennes I et "jospiniste", affirme carrément qu'il a appris par Jérôme Valluy qu'il était membre du nouvel institut. Sans avoir jamais été contacté par les pouvoirs publics. Il explique qu'il n'a "jamais reçu d'invitation" et qu'il ne se rendra pas à l'inauguration par Brice Hortefeux s'il y était invité. Pour lui, le patronage de ce ministère relève de la 'provocation', même s'il se distancie de ceux qui voient "un think tank sarkozyste" dans l'IEII. Il estime que l'absence de chercheurs, y compris de gauche, qui défendent les statistiques ethniques ou les quotas, invite à nuancer l'alarmisme très viral de Jérôme Valluy.

Du côté du futur Institut, le malaise est certain. Le jeu de chaises musicales des historiens ayant fuité, on craint la mauvaise publicité faite par ces départs: "Il y a des discussions prévues avec Benjamin Stora", a-t-on affirmé à Rue89. Nous confirmons que l'historien ne rejoindra pas l'Institut d'études sur l'immigration et l'intégration. Pour l'heure -nous attendons toujours la liste définitive-, les seules certitudes concernent la direction de ce groupe de travail: Hélène Carrère d'Encausse en sera la présidente et Gilles Kepel l'animateur principal.

Alors que la Cité nationale de l'histoire de l'Immigration ouvrira elle aussi officiellement ses portes la semaine prochaine, le tollé autour des nominations du nouvel institut fait désordre. De quoi faire regretter aux services de Brice Hortefeux d'être passés en force. Alors même que cette nouvelle initiative pourrait bien avoir eu pour but de calmer le jeu entre universitaires et gouvernement sur l'immigration. Gérard Noiriel, qui fait partie des chercheurs ayant claqué la porte de la Cité de l'immigration suite à la création d'un ministère "de l'Identité nationale", révèle avoir été démarché par Blandine Kriegel "dès le mois de juin" pour rejoindre le nouvel Institut. Même après la bronca à la Cité. Une "offensive assez insistante" à laquelle il a opposé une fin de non recevoir.

Chloé Leprince et Zineb Dryef
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Source: http://www.rue89.com/2007/10/01/immigration-hortefeux-fait-main-basse-sur-la-recherche
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Le malaise des historiens

Ils craignent que la recherche sur l’immigration ne soit inféodée au pouvoir.

Par CATHERINE COROLLER

Libération : mardi 2 octobre 2007

Nicolas Sarkozy tente-t-il de créer des think-tank de droite avec des chercheurs à sa botte sur les questions d’immigration et de colonisation? La prochaine inauguration d’un Institut d’études sur l’immigration et l’intégration et d’une Fondation pour la mémoire de la guerre d’Algérie et des combats du Maroc et de la Tunisie suscitent une forte émotion dans les milieux scientifiques. Une pétition contre la création de l’Institut circule, coordonnée par Patrick Simon, chercheur à l’Institut national d’études démographiques (Ined), et devait être rendue publique la nuit dernière. D’autres universitaires, dont l’historien Gilles Manceron, réfléchissent à une «prise de position des milieux scientifiques» sur la Fondation.

Point commun entre les deux projets? «On assiste à une reprise en main de la droite en général et du gouvernement en particulier dans le domaine de la production de recherche sur les questions d’immigration, d’intégration, de mémoire et d’histoire de la colonisation, analyse Patrick Simon. Le gouvernement fonde les décisions qu’il prend sur des diagnostics, et il est important pour lui que ces diagnostics soient partagés par la communauté scientifique.»Or, en matière d’immigration notamment, les chercheurs contestent certains diagnostics gouvernementaux, comme le fait que la France accueillerait plus de migrants que les autres pays.

Le gouvernement lance-t-il la contre-attaque avec ces deux projets? Concernant la Fondation, il est trop tôt pour le savoir. Certes, la création de cette instance figurait dans la loi de février 2005. Une autre disposition de ce texte, incitant les programmes scolaires à reconnaître le «rôle positif de la présence française outre-mer», avait provoqué une mobilisation du monde de la recherche, contraignant Jacques Chirac à retirer cet article. Mais la Fondation, elle, est restée. Dans un discours prononcé le 25 septembre lors de la Cérémonie d’hommage national aux harkis, François Fillon a annoncé sa création pour 2008. Pas plus de détails si ce n’est une allusion à des «historiens indépendants». Pour l’Institut, les intentions du gouvernement sont plus précises. Parmi les points qui inquiètent les chercheurs, le fait que cette instance soit créée par le Haut conseil à l’intégration, dont le président est nommé par le Premier ministre. C’est d’ailleurs Brice Hortefeux qui «procédera à [l’]installation officielle» de cet institut, lundi prochain. Autre souci: sa présidente est l’historienne et académicienne Hélène Carrère d’Encausse, qui s’était fait remarquer en associant les émeutes en banlieue de l’automne 2005 et la polygamie. Enfin, des chercheurs figurant dans la liste des membres du Conseil scientifique affirment ne pas avoir donné leur accord. Ainsi, Elikia M’Bokolo, directeur d’études à l’Ecole des hautes études en sciences sociales (EHESS) ou Paul Schor, maître de conférences à Paris X-Nanterre.

François Guéry, secrétaire général du HCI, ne voit pas où est le problème. «Nous sommes rattachés au Premier ministre, c’est normal qu’il confie l’inauguration de cet institut au ministre qui s’occupe de l’intégration». «Les chercheurs sont libres, poursuit-il. Je n’ai jamais vu un chercheur ne pas être libre». Pour lui, le rôle de l’Institut sera de présenter des préconisations au gouvernement: «On va par exemple regarder comment les immigrés eux-mêmes planifient leur intégration, quel est leur souhait, leur stratégie . Il ne faudrait pas qu’une immigration mal agencée vienne mettre en cause le régime républicain. Il peut y avoir des ennemis de la République qui s’arrogent tous les moyens pour mettre les institutions en danger». La présence de Carrère d’Encausse? «C’est quelqu’un d’absolument respectable. Certains ont mis en avant des déclarations, mais qui n’en a pas fait?»

La rentrée des chercheurs s’annonce donc chargée. D’autant qu’ils ont un troisième sujet de préoccupation: l’ouverture, le 10 octobre, de la Cité nationale de l’histoire de l’immigration. Huit intellectuels avaient démissionné de son Comité d’histoire, avant l’été, pour protester contre la création d’un ministère dont l’intitulé associe «immigration» et «identité nationale». En précisant qu’il ne s’agissait pas d’une remise en cause du projet lui-même, piloté par Jacques Toubon. Ils craignent que la Cité ne pâtisse de ces polémiques, y compris celles entourant le projet de loi Hortefeux sur la maîtrise de l’immigration. Au risque d’ajouter à la confusion, selon eux, la Ligue des droits de l’homme appellerait à une manifestation contre la politique d’immigration de Sarkozy devant la Cité, le jour de l’ouverture. Ces huit chercheurs préparent un communiqué rappelant leur soutien à ce musée.

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Source: http://www.liberation.fr//actualite/societe/281996.FR.php?utk=01dbaf6f

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Un nouvel institut vient faire de l'ombre à la Cité de l'immigration

LE MONDE | 03.10.07 | 13h49 • Mis à jour le 03.10.07 | 14h25

Lundi 8 octobre, un nouvel Institut d'études sur l'immigration et l'intégration sera installé. Il sera inauguré à Paris par le ministre de l'immigration, Brice Hortefeux. Mercredi 10 octobre, un autre projet va aboutir : la Cité nationale de l'histoire de l'immigration (CNHI) doit ouvrir ses portes après des années de gestation. Mais il n'est pas prévu, pour elle, d'inauguration officielle.

La création du nouvel institut a été annoncée, mercredi 19 septembre, par le Haut Conseil à l'intégration (HCI), qui dépend du premier ministre. L'initiative provoque de vifs débats. Elle intervient quatre mois après la démission de huit chercheurs membres de la Cité de l'immigration, pour protester contre la création d'un ministère alliant "l'immigration" et "l'identité nationale".

L'institut a vocation à être, selon son instigatrice, Blandine Kriegel, présidente du HCI, un "guichet unifié" rassemblant des universitaires travaillant sur l'immigration, les administrations commanditaires de recherches et des entreprises privés prêtes à contribuer à ces études. "L'objectif, explique Mme Kriegel, est de donner des moyens élargis à cette recherche. Sans aucune exclusive ni exhaustivité." Mais l'initiative ne convainc pas. "Avec cet institut, le gouvernement cherche à redonner à son ministère de l'immigration une légitimité auprès de la communauté des chercheurs", analyse Gérard Noiriel, l'un des historiens démissionnaires de la CNHI.

Mardi 2 octobre, une vingtaine d'universitaires, dont M. Noiriel, Patrick Simon, démographe, Patrick Weil, historien, et Eric Fassin, sociologue, ont lancé une pétition pour exprimer leurs "plus vives inquiétudes". "Dans un contexte où le discours politique tend de plus en plus à présenter l'immigration comme un danger pour la collectivité nationale, où les législations successives restreignent toujours plus les droits des étrangers", les signataires craignent pour l'indépendance de la recherche.

Ils s'inquiètent aussi du "symbole" que représente la nomination à la présidence du conseil scientifique de Hélène Carrère d'Encausse, "dont les propos sur les familles africaines (liant les émeutes de banlieue à l'automne 2005 et la polygamie) ont suscité l'étonnement et l'indignation". La pétition est déjà signée par une soixantaine de chercheurs.

"Ce nouvel institut sera totalement indépendant, comme l'a toujours été notre observatoire statistique, même si c'est Brice Hortefeux qui l'installera", défend Mme Kriegel, pour qui la coïncidence de la date d'installation de l'Institut et de celle de l'ouverture de la Cité de l'immigration n'est que fortuite. "Il n'y a aucun calcul politique", soutient-on aussi dans l'entourage de M. Hortefeux, selon lequel la date retenue répond simplement à des contraintes d'agendas.

Président de la CNHI, Jacques Toubon a été informé en juillet du projet d'institut. M. Toubon n'en avait plus entendu parler jusqu'à ce qu'il en apprenne, lundi, l'ouverture par des informations circulant sur Internet. "Mais, affirme-t-il, cela ne brouille ni la vocation ni le message de la Cité. Notre projet consiste à changer le regard sur l'immigration en transmettant son histoire. Cela ne change en rien notre programme, y compris en matière de recherche."

La mise sur pied de l'Institut soulève cependant des questions. Le Haut Comité pour l'intégration le présente comme "l'antenne française" de Metropolis, réseau mondial de recherche sur les migrations, la diversité et la ville. Les coordinations européenne et canadienne de Metropolis ont cependant adressé lundi 1er octobre un courriel à Mme Kriegel, pour lui dire qu'il était pour le moins prématuré de parler d'une telle affiliation.

Contacté par Mme Kriegel, juste avant l'élection présidentielle, l'historien spécialiste de l'Algérie, Benjamin Stora, avait donné son accord, intéressé par l'idée d'un lieu d'échange entre universitaires, administrations et entreprises. Il a cependant indiqué au Monde avoir décidé de se "retirer pour garder (son) indépendance." Selon lui, "vu la façon dont cet institut est lancé, maintenant, le débat est quasiment impossible. C'est plus que regrettable. Car nous avons besoin de ce type d'échanges".

"Nous sommes très en retard en France dans la communication entre le monde de la décision et le monde de la recherche. Des tas de décisions ne seraient pas prises si un tel échange existait", appuie Catherine Wihtol de Wenden, directrice de recherches au Centre d'études et de recherches internationales qui a pour sa part décidé de rester, en souhaitant "garder (sa) liberté de parole."

Laetitia Van Eeckhout

Source: http://www.lemonde.fr/web/article/0,1-0@2-823448,36-962444@51-959910,0.html





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