12/09/2008

La sans-papiers Academy s’organise rue Charlot(vidéo)

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Quelque 800 Africains occupent depuis mai la Bourse du travail du 3e arrondissement de Paris, créant des tensions avec les syndicats. L’arrivée prochaine de la Star Ac’, dans la même rue, a donné des idées à certains... VIDEO EN +







Quelque 800 Africains occupent depuis mai la Bourse du travail du 3e arrondissement de Paris, créant des tensions avec les syndicats. L’arrivée prochaine de la Star Ac’, dans la même rue, a donné des idées à certains... VIDEO EN +

La Bourse du travail de la rue Charlot, dans le 3e arrondissement de Paris, est actuellement habitée par plus de 800 travailleurs sans papiers. Cela dure depuis le mois de mai. A l’intérieur, le confort est très sommaire, des matelas fournis par Emmaüs sont entassés dans le moindre recoin encore disponible. Des réserves de nourriture, tels que riz et bouteilles d’huile, sont stockées à même le sol dans une pièce à coté d’une autre où sont empilés d’autres matelas.

La mairie, elle, a fourni des bâches qui servent de tentes. Un réchaud à gaz sur lequel cuit une grosse marmite, est posé au milieu de la cour en guise de cuisine. Autour du « feu », ce jeudi, s’active une dizaine de « mamas ». L’une râpe l’ail, l’autre coupe les légumes. Tout cela dans des conditions d’hygiène douteuses. En effet, il n’y a pas de douches et peu de toilettes. Mais ce n’est pas ce qui préoccupe le plus les squatters du lieu. Ce qu’ils veulent, eux, ce sont des papiers. Pour être plus claire, ces hommes et ces femmes travaillent depuis plusieurs années sans papiers et aujourd’hui, ils exigent d’être régularisés. Ils ne veulent plus sortir dans la rue avec la crainte d’un contrôle d’identité.

« Je n’amène plus mes enfants à l’école car j’ai trop peur de tomber sur la police sur le chemin de l’école. » « Moi non plus, enchaîne une autre maman affairée à préparer le repas, c’est dur mais tant qu’on n’aura pas un titre de séjour, on ne bougera pas d’ici et nos enfants non plus ! » Je leur demande si les forces de l'ordre ont déjà tenté les déloger : « Non, pas encore, la police n’est venue qu’une fois en cinq mois pour nous demander de ne pas faire trop de bruit et comme nous respectons la consigne, ils ne nous embêtent pas. »

D’autres femmes, mères de famille épuisées mais déterminées, parlent de leur situation : « En journée, 800 des sans papiers d'ici partent travailler, les autres restent là à attendre un geste de la préfecture. La plupart ont des chambres dans les foyers Sonacotra, mais ils viennent à la Bourse du travail depuis cinq mois pour ne pas rester seuls. »

Le responsable du mouvement s’appelle Anzoumane Sissoko, il travaille dans le quartier depuis plusieurs années en tant que nettoyeur des rues. Il explique que tous ceux qui luttent avec lui ont un travail mais dans des sociétés ou des entreprises non syndiquées. Ce sont des travailleurs isolés, ils ne peuvent donc pas bénéficier de l’aide de défenseurs de leur cause sur leur lieu de travail. Se sentant en insécurité à partir du moment où ils se découvrent pour demander des papiers, ils préfèrent rester groupés à la Bourse du travail avec des hommes et des femmes dans la même situation qu’eux.

Anzoumane Sissoko est aussi catégorique que les femmes, ils ne bougeront pas d’ici tant qu’ils ne seront pas tous régularisés. S’ils ont choisi la Bourse du travail, c’est en raison de son aspect symbolique, un peu comme une église : « Ici, c’est un des seuls endroits où on respecte l’humain. 80% des personnes sont en France depuis plus de cinq ans et elles ont un emploi déclaré avec des fiches de paie, et sur les 800, seuls douze d’entre ont leur patron qui s’est engagé à leur coté. Par contre, hier (mercredi, ndlr), un patron a licencié un de ses employés, car il a pris peur en voyant la montagne de papiers qu’il devrait fournir pour faire régulariser son employé. »

Ce sont en majorité des Africains de l’Ouest qui ont voulu tenter leur chance en France par tous les moyens. Ils viennent du Sénégal, du Mali, de Guinée, de Mauritanie ou de Cote-d’Ivoire. Une question gênante me taraude, je me lance : « En France, vous vivez dans des conditions indignes et souvent seuls, est-ce que vous pensez que ça vaut vraiment le coup de rester dans ce pays pour être traités de la sorte au risque de ne jamais être régularisés ?

– En France, répond un sans-papier, ce n'est pas un problème pour nous de trouver du travail, ce qui est dur, c’est d’obtenir un titre de séjour régulier. On sait s’adapter à toutes les conditions de vie tant qu’on a un emploi. Alors qu’en Afrique, c’est sûr qu’on a la famille, mais il n’y a pas du tout de travail donc pas de manger, car là-bas, l’aide sociale, la solidarité, ça n’existe pas comme ici. De plus, l’aide qu’on apporte à nos familles, par le biais de mandats Western Union par exemple, est trois fois supérieure à l’aide au développement fournie par l’Occident. Avec mon frère, on fait vivre 60 personnes à nous seuls. »

Je poursuis : « Etes vous soutenus par des syndicats ? – Les syndicats nous ont aidés à constituer les dossiers de demande de régularisation mais ils ne nous ont pas soutenus depuis le début des négociations. » Les avis sur la situation semblent partagés. Au café d’en face, un militant de la CGT nous dit toute son indignation face à cette situation d’enlisement sans fin.

Les militants sans papiers et les syndicats semblent plus se supporter que s’apprécier dans cette cohabitation forcée. Les syndicats considèrent qu’ils ont fait leur devoir en constituant les dossiers et en les déposant à la préfecture et que ce squat n’a donc plus lieu d’être. « Tout ce que j’ai à vous dire c’est que ça m’emmerde, confie un syndicaliste. Y a pas de passage dans la Bourse du travail, on ne peut plus travailler. C’est impossible d’accéder au téléphone ou au fax. Les responsables des sans papiers nous critiquent alors qu’on les bien aidés. Je préfère arrêter de parler parce que ça va aller trop loin ! »

« C’est à la Star Ac’ qu’il faut aller squatter », renchérit un de ses collègues. Cerise sur le ghetto, figurez-vous qu’à 500 mètres de là, au 12 de la rue Charlot, dans l’hôtel de Brossier, TF1 a installé son nouveau « château » de la Star Academy, dont la huitième édition commencera le 19 septembre. Les travailleurs sans papiers seront donc presque voisins avec les 12 élèves candidats à la starattitude.

Entre ces deux mondes se situe celui de Fabien Breuvard, qui dit n’avoir jamais manifesté pour quoi que ce soit, ni adhéré à aucun syndicat. Ce commerçant photographe domicilié au 35-37 de la même rue parodiera cette situation avec sa « Rue Charlot Academy ». Son projet en cours de réalisation, consiste à installer, à partir du 19, trois panneaux grandeurs d’homme devant l’entrée de la Star Ac’ officielle. Ces panneaux représenteront les trois emplois types qu’exercent les travailleurs sans papiers, à savoir : nettoyeur de rue, plongeur dans les cuisines de restaurant et manœuvre de chantier. Les passants seront invités à passer leur tête à la place du trou fait dans les panneaux.

Le monde du rêve superficiel et le monde réel seront appelés à se rencontrer. Cette cohabitation va faire parler d’elle, c’est certain. La chaîne TF1 saura-t-elle tirer son épingle du jeu en en proposant à ses académiciens d’écrire un titre pour soutenir les 800 travailleurs sans papiers dont les bénéfices seraient entièrement reversés à leurs cause ? Ou fera-t-elle appel à la préfecture pour déloger ce monde venu d’ailleurs, considérant que l’on ne mélange pas les serviettes avec les torchons ?



Nadia Méhouri

http://20minutes.bondyblog.fr/

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