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Cinq mille hectares de culture de soja transgénique
ont été abandonnés par les agriculteurs en Géorgie, et 50.000 autres
sont gravement menacés par une mauvaise herbe impossible à éliminer,
tandis que le phénomène s'étend à d'autres états. La cause : un gène
de résistance aux herbicides ayant apparemment fait le grand bond entre
la graine qu’il est censé protéger et l’amarante, une plante à la fois
indésirable et envahissante…
En 2004, un agriculteur de Macon, au centre de la
Géorgie (à l'est des Etats-Unis), applique à ses cultures de soja un
traitement herbicide au Roundup, comme il en a l’habitude. Curieusement, il remarque que certaines pousses d’amarantes (amarante réfléchie, ou Amarantus retroflexus L.), une plante parasite, n’en semblent pas incommodées…
Pourtant, ce produit est élaboré à partir de glyphosphate, qui est à la
fois l’herbicide le plus puissant et le plus utilisé aux Etats-Unis.
Depuis, la situation a empiré. Actuellement, et rien
qu’en Géorgie, 50.000 hectares sont atteints et nombre d’agriculteurs
ont été contraints d’arracher leurs mauvaises herbes à la main… quand
c’est possible, considérant l’étendue des cultures. A l’épicentre du phénomène, 5.000 hectares ont été tout simplement abandonnés.

Hampe florale d'amarante. Source Commons
Comment en est-on arrivé là ?
Tous les champs victimes de cette envahissante mauvaise herbe avaient été ensemencés avec des graines Roundup Ready, produites par la société Monsanto.
Celles-ci comportent une semence ayant reçu un gène de résistance au
Roundup, un herbicide également produit par Monsanto. L’argument
publicitaire de la firme repose sur le moindre coût représenté par le
traitement d’une culture ainsi protégée contre un herbicide total auquel
elle est devenue insensible, plutôt que de l’application d’un herbicide
sélectif, plus cher à l’achat.
Selon un groupe de scientifiques du Centre for Ecology and Hydrology, organisation britannique à Winfrith (Dorset), il y aurait eu transfert de gènes entre la plante OGM
et certaines herbes indésirables, comme l’amarante. Bien que considéré
comme très faible car n’ayant jamais été détecté lors d’essais, le
risque ne serait cependant pas nul.
Pour Brian Johnson, généticien et chercheur
britannique, spécialisé, entre autres, dans les problèmes liés à
l’agriculture, la cause ne fait aucun doute. « Il n’est nécessaire
que d’un seul évènement (croisement) réussi sur plusieurs millions de
possibilités. Dès qu’elle est engendrée, la nouvelle plante est
titulaire d’un avantage sélectif énorme, et elle se multiplie rapidement, martèle-t-il. L’herbicide
puissant utilisé ici, à base de glyphosphate et d’ammonium, a exercé
sur les plantes une pression énorme qui a encore accru la vitesse
d’adaptation. »
La firme Monsanto ne nie pas le problème. Lors d’une
interview accordée sur la chaîne de télévision France24, Rick Cole,
responsable du développement technique, a estimé que ces « super
mauvaises herbes » (superweeds, un terme désormais souvent
employé) peuvent être maîtrisées. Pourtant, un communiqué émanant
directement de la firme annonce que les vendeurs incitent les
agriculteurs à alterner Roundup et un autre herbicide comme le 2-4-D (acide 2,4-dichlorophénoxyacétique).

Source Commons
L’amarante vous salue bien…
En attendant, l’amarante « mutante » se porte bien
et prolifère. Chaque plante produit en moyenne 12.000 graines par an, et
celles-ci peuvent rester en état de vie suspendue de 20 à 30 années
avant de germer lorsque les conditions lui sont favorables. Profondément
enracinées, elles sont très difficiles à arracher, comme le constatent
de nombreux agriculteurs, non seulement en Géorgie mais aussi en
Caroline du Sud, en Caroline du Nord, en Arkansas, au Tennessee et au
Missouri, contraints de passer au désherbage manuel… ou de baisser les
bras.
D’autres cultivateurs envisagent de renoncer aux OGM
et de revenir à une agriculture traditionnelle. Ainsi Alan Rowland,
producteur et marchand de semences de soja à Dudley (Missouri), affirme
que plus personne ne lui demande de graines Monsanto de type Roundup Ready
alors que ce secteur représentait 80% de son commerce il y a peu.
Aujourd’hui, la demande en graines traditionnelles est très forte et les
grains OGM ont disparu de son catalogue.
Stanley Culpepper, spécialiste des mauvaises herbes à
l’université de Géorgie, annonce que de nombreux agriculteurs
américains sont en effet désireux de retourner à une semence
traditionnelle, mais pas seulement à cause de la résistance des plantes
parasites, car « l’utilisation des OGM devient de plus en plus chère et tout se joue sur une question de rentabilité », affirme pour sa part Alan Rowland.
Un manque flagrant de statistiques et d'informations
On pourra cependant déplorer le manque de précision
des données statistiques permettant de quantifier la relation entre
semences OGM, nombre de plants résistants apparus et quantité
d’herbicide utilisé. En 2008 en effet, alors que les media agricoles
américains relataient de plus en plus de cas de résistance, le
gouvernement des Etats-Unis a pratiqué d’importantes coupes budgétaires
qui ont contraint le Ministère de l’Agriculture à réduire, puis arrêter
certaines de ses activités.
Entre autres, le programme de recherches statistiques sur les pesticides
et les risques associés aux produits chimiques sur des cultures comme
le coton, le maïs, le soja et le blé est passé à la trappe, au grand dam
des scientifiques. « Je ne serais pas surpris que Monsanto ait mené une campagne de lobby discrète pour mettre fin au programme
», accusait alors Bill Freese, du Centre pour la Sécurité alimentaire
des Etats-Unis (USDA), marquant publiquement son mécontentement.
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