24/04/2007

Doit on voter pour le moins pire?

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24.04.2007
Doit-on voter Ségolène quand on ne veut pas de Sarkozy?
Faut-il voter pour des gens qu’on n’aime pas pour barrer la route à des gens qu’on aime encore moins ? Voilà le dilemme auquel sont confrontés tous ceux qui ne veulent pas voir Nicolas Sarkozy entrer à l’Elysée, mais qui ne souhaitent pas servir de marchepied à Ségolène Royal. Au premier chef, il y a les électeurs de François Bayrou, mais aussi ceux de Besancenot, Buffet, Bové, Laguiller, Voynet et Schivardi
A gauche de la gauche, les directions ont tranché. La consigne est de voter Ségo, y compris – c’est une première - à Lutte Ouvrière. Cela ne veut pas dire que les électeurs suivront. Tant va la cruche à l’eau qu’à la fin elle se casse. En quoi les bulletins protestataires ont-ils infléchi l’attitude de la gauche gestionnaire depuis qu’ils viennent faire l’appoint au second tour ? Pas une réforme, pas une mesure qui ait été concédée à cette gauche extraparlementaire en échange de ses voix. Le vote inutile par excellence.

Pourquoi donc demain, Ségolène Royal romprait avec cet autisme électoral ? Pourquoi le deuxième tour ne serait pas, une fois encore, un marché de dupes, quand bien même Ségolène aurait retrouvé le numéro de portable de François le Béarnais?

Disons-le, ce mode de scrutin – au premier tour on choisit, au second tour on élimine – s’apparente à une prise d’otages permanente. Avec moi contre Sarko, avec Sarko si tu n’es pas avec moi !

Je ne renvoie nullement dos à dos les deux candidats. Et surtout pas leurs électeurs. Je suis persuadé qu’il y a davantage d’aspiration au changement, à la démocratie et à la justice sociale parmi les électeurs de Ségolène Royal que ceux de Nicolas Sarkozy – ce qui ne veut pas dire que les partisans de ce dernier en soient dépourvus. Simplement – et c’est essentiel - ce n’est pas le moteur de cette majorité là.

Mais cet élan de l’électorat de gauche a été systématiquement bafoué depuis 1981 – pour ne remonter qu’au début de la Vème République. Les lendemains n’ont cessé de déchanter sans que jamais les socialistes s’en expliquent, sinon s’en excusent.

Cette gauche là nous fait le coup à chaque fois. Innocente comme l’agneau qui vient de naître. Virginale comme les tenues immaculées de Ségolène Royal. La maison ne répond pas des dettes contractées par les anciens gérants. Au mieux exerce-t-on un très discret droit d’inventaire - n’est-ce pas Lionel ?

Voilà un quart de siècle que je vote à gauche – exception faite de ce scrutin. Le bilan est maigre. La bourse à flambé sous Mitterrand I et II, la France a achevé de se désindustrialiser sous Jospin. Les plans sociaux ont scandé les renoncements successifs et les accommodements honteux avec la mondialisation. L ’Europe nous a dépossédé de toute souveraineté, ou presque, sans concéder pour autant de nouveaux modes d’expression de la volonté populaire. Et l’Euro n’a réussi qu’à flinguer le pouvoir d’achat.

Surtout la morale n’a cessé d’être piétinée, du Rainbow warrior à l’Angolagate en passant par Elf et la Mnef. Journaliste d’investigation, je n’ai, hélas, pas chômé tout au long des mandatures socialistes.

Sans doute ne plaçons nous pas les curseurs sur les mêmes repères. Je me souviens encore de François Hollande lors d’une soirée de soutien à France-Soir, au printemps dernier, (j’en étais alors le directeur de la rédaction ), m’expliquant à moi, journaliste ayant révélé en 1996 le trafic d’armes à destination de l’Angola, combien la proposition de rachat du titre par le principal protagoniste de cette affaire, le milliardaire franco-russe Arkadi Gaydamac, toujours sous le coup d’un mandat d’arrêt international du juge Courroye, était une bonne solution pour les salariés et qu’il était scandaleux que le tribunal de commerce répugnât à entériner cette solution. Je sais qu’il arrive au premier secrétaire du PS de dire n’importe quoi, mais quand même…

Comment pourrais-je encore faire crédit ? Comment pourrais-je entendre ces sirènes qui me disent, « essaie une dernière fois, tu verras avec Ségo, c’est différent ».

Je suis comme ces femmes battues qu’aime tant citer Madame Royal. Un jour enfin, elles se décident à quitter le domicile et à porter plainte. Et les supplications de leur bourreau n’y font rien. Elles se demandent même comment elles ont pu l’aimer.

Sarkozy sera peut-être élu, parce que ma voix – et celles de quelques centaines de milliers d’autres - aura fait défaut. Mais pourquoi devrais-je me faire hara-kiri pour des gens qui ne m’en sauront pas gré ?

Voilà, entre autres raison, pourquoi il est urgent de refondre nos institutions. Naïf et républicain, je persiste à croire qu’un suffrage doit demeurer un acte d’adhésion et non se résumer à l’option du moindre mal.

Au système du scrutin majoritaire uninominal à deux tours, pourquoi ne pas préférer un seul tour de scrutin comme, par exemple, en Angleterre ? Celui qui est en tête l’emporte. Pas de bals des faux-culs, pas de péroraisons sur la « nécessaire ouverture » et autres « esprit de rassemblement » qui fleurent autant le désintéressement que la quinzaine commerciale de la grande surface du coin.

Et le raisonnement vaut pour les législatives. Que l’on sache la Vème République n’a pas succombé d’avoir adopté la proportionnelle intégrale entre 1986 et 1988. Mais, rétorquera-t-on aussitôt, le FN est entré dans l’hémicycle… Oui et alors ? Soit c’est l’Assemblée qui est le lieu de résolution des conflits, soit c’est la rue. A tout prendre, je préfère la première option. Et puis, le scrutin majoritaire n’a pas empêché les légions du FN de sauter sur l’UMP, le 22 avril.

Je ne veux plus signer de chèques en blanc. Une assemblée où seraient équitablement représentés l’ensemble des courants politiques qui structurent le pays me réconcilierait avec les institutions. Car des majorités différentes pourraient alors s’exprimer. Un président ou une présidente flanquée d’une assemblée croupion ne me rassure pas. Sous cet angle, la blanche Ségolène n’est pas moins dangereuse que le noir Sarkozy.

D’ailleurs, s’il fait si peur, n’est-ce pas parce que la Vème République n’a prévu aucun garde-fou à même contrecarrer les dérives autocratiques? Au fond, chez Sarkozy, ce n’est pas tant l’homme qui inquiète, mais le pouvoir que lui confère un système pervers de représentation. Coup d’Etat permanent disait avec raison Mitterrand avant d’en profiter plus que son compte. Il est temps d’y mettre un terme. Si Ségolène Royal n’avait que cette seule mesure pour étendard, cela suffirait à me convaincre de lui apporter ma voix. Sinon, la campagne est très belle au mois de mai…
Source 20minutes.fr

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