Par Arnaud Aubron (Rue89) 10H48 18/06/2007
"Nous demandons que soient prises les mesures suivantes: dépénalisation totale du cannabis, de son usage, sa possession, sa culture (autoproduction) ou son introduction sur le territoire français en quantités de consommation courante. (...) Ce texte n'est pas un appel à la consommation. Il vise seulement à mettre fin à une situation absurde." Lancé en 1976 dans les colonnes de Libé, l'appel du 18 joint n'a, c'est le moins que l'on puisse dire, apparemment pas été entendu.
La loi est de plus en plus répressive et classe la France en queue de peloton européen: dans l'Union à 25, seules Chypre, la Grèce, la Finlande, la France et la Suède font aujourd'hui de la consommation de cannabis une infraction pénale. Ce qui n’empêche pas notre jeunesse d’être l’une des plus grosses consommatrices de cannabis. Loin devant les Pays-Bas…
Pourtant depuis 1993 le Collectif d'information et de recherche cannabique (Circ) a repris le flambeau et célèbre religieusement chaque année l'appel de Libé. Ce soir, à 18 heures au parc de la Villette à Paris (mais aussi à Lyon, place de la Croix-Rousse, et Chalon, place de l'Hôtel-de-ville), le collectif rassemble ses militants "en tenue de combat (camouflage, nez de clown, casque... et pétards bien chargés!)". La secrétaire nationale des Verts, Cécile Duflot, ainsi que le candidat de la LCR à la présidentielle, Olivier Besancenot, devraient également être présents. Entretien avec Jean-Pierre Galland, porte-parole du Circ.
Quelle est votre revendication pour cet appel du 18 joint 2007?
Nous demandons, comme l'année dernière et comme les années d'avant, la dépénalisation de l'usage de toutes les drogues et, pour le cannabis, qui ne pose pas de problèmes de santé publique sérieux et qui est intégré socialement, sa légalisation.
La période est-elle réellement favorable pour ce type de revendications?
La situation politique a effectivement considérablement changé depuis 2002. On a assisté à un véritable retournement. Avant l'arrivée de la droite au pouvoir, on pensait que la situation avançait grâce, en particulier, à la politique de Nicole Maestracci, présidente de la Mildt. Lorsque la droite est arrivée au pouvoir, il y a cinq ans, elle s'est immédiatement emparée du sujet, à l'instigation des sénateurs les plus réactionnaires. En 2003 ça a donné le fameux rapport: "Drogue, l'autre cancer", qui pointait les extrêmes dangers sanitaires du cannabis, démontait le travail effectué par la Mildt depuis quelques années et traitait la gauche de laxiste en passant. Quand on est incapable de changer la loi, parler de dangers pour la santé publique permet d'évacuer le débat. Pour les gens qui ne connaissent pas le sujet, il vaut toujours mieux l'avis d'une blouse blanche que celui des usagers qui, pourtant, connaissent mieux le sujet que certains scientifiques qui partent avec des a priori idéologiques. Certains disaient en 2002 qu'on pouvait se piquer avec du cannabis... A ma connaissance, tous les rapports qui ont été faits sous n'importe quel gouvernement, qu'il s'agisse des rapports Henrion ou Rocques, concluent que le cannabis devrait être dépénalisé et que l'usager ne devrait pas être tant stigmatisé.
Certains vous rétorquent que le cannabis est dépénalisé de fait en France...
Effectivement, on ne s'en prend peut-être pas trop aux fumeurs de cannabis en général, mais ce sont toujours les mêmes qui sont stigmatisés, à savoir les jeunes des quartiers populaires. Il y a clairement une différence de traitement entre le jeune blanc bien intégré dans la société et le jeune issu de l'immigration qui se trouve en banlieue. C'est cela que nous entendons combattre.
De plus, on a assisté depuis quelques années à une intensification de la répression: il y a eu en 2005 146000 interpellations pour infraction à la législation sur les stupéfiants. Nous disons que l'usager de cannabis n'a pas sa place en prison, l'usager partageur non plus.
Des usagers qui ne se moblisent pas beaucoup pour cette cause.
Le fait qu'il y a ait peu de monde au 18 joint est peut-être dû à la parano ambiante. Les gens ont peur de venir, peur des gendarmes. En 2007, il serait pourtant important que les gens se déplacent pour signifier au gouvernement qu'ils ne sont pas d'accord avec sa politique de tolérance zéro. Nicolas Sarkozy l'a dit: c'est désormais "la guerre totale à la drogue". Il faudrait que les fumeurs de cannabis mais aussi tous les militants de la liberté, qui veulent une société démocratique plus tolérante, nous rejoignent.
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