19/06/2007

Canal Saint-Martin : le mercure monte, le campement subsiste

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Des dizaines de tentes sont encore montées sur les berges du Canal Saint Martin. Les SDF déplorent le manque de sécurité physique et sanitaire – des cas de tuberculose sont d’ailleurs avérés. Depuis le coup d’éclat des Enfants de Don Quichotte cet hiver, la situation a pourtant évolué. Rencontre avec un monde qu’il faudrait pouvoir mettre à l’abri.



Ils étaient sur tous les écrans de télévision cet hiver. Eux, les Sans domiciles fixes, qu’on n’ose regarder qu’en biais, alimentaient l’ensemble des journaux télévisés. Des Parisiens bien logés prirent même le temps d’expérimenter leurs conditions de vie en passant une nuit sous une tente du Canal Saint-Martin. D’autres se risquaient à voir en Augustin Legrand, chef de troupe des Enfants de Don Quichotte, le fils caché de l’Abbé Pierre, décédé le 22 janvier.

Depuis, le mercure est remonté. Chacun a retrouvé son confort. Legrand est reparti travailler. Il passe de temps en temps sur un campement, reste une nuit dans les tentes avec sa femme, et amène des caméras de télévision.

La Fédération nationale des associations d’accueil et de réinsertion sociale (FNARS) et le Groupement d’intérêt public Habitat (GIP), deux organismes mandatés par la préfecture de Paris, ont toujours en charge le suivi des « 280 dossiers » présentés par les Enfants de Don Quichotte. Il y a des SDF pour qui les solutions proposées ont été salutaires. Comme pour Michel, par exemple, qui est aujourd’hui hébergé dans un mobile home d’Ivry-sur-Seine : « Je suis mieux ici qu’au Canal. On a un réfrigérateur, un micro-onde. J’ai des problèmes d’alcool, mais les travailleurs sociaux m’ont installé dans un bungalow avec un autre homme qui ne boit pas. Je vois des amis. La semaine prochaine, je commence un nouveau travail, je vais faire des mosaïques sur du carrelage. Et d’ici quelque temps, l’assistance sociale pourra faire les démarches et demander un logement. Tout va bien pour moi, je suis stable. »

80 hébergements, 44 familles en procédure de relogement. Le bilan est plutôt positif pour les associations et les institutionnels. « L’effet Don quichotte a permis de relancer sérieusement le débat sur la loi Dalo 2007, qui rend le droit au logement opposable. La solution des mobile home est une bonne formule mais ces moyens sont insuffisants par rapport à la demande », confie Thierry Borrel, directeur du GIP Habitat.

Le long des Quai de Valmy et de Jemmapes, il reste quelques dizaines de ces fameuses tentes rouges et jaunes qui se déplient en deux secondes comme l’affirme la pub. Beaucoup d’exilés, de sans-papiers, des Polonais, des Italiens, des Roms. Lundi 11 juin, une trentaine d’exilés afghans du Quai de Jemmapes ont été expulsés.

Dans les tentes, on peut voir aussi quelques anciens Don Quichotte, qui refusent d’ailleurs cette dénomination car pour eux, l’effet « Don Quichotte », ne veut pas dire grand-chose. Satou est une jeune Guinéenne de 33 ans qui voit ses enfants, placés dans une famille d’accueil, une fois tous les quinze jours. « Ces gens du campement sont ma famille, je vis avec eux depuis huit mois. On s’entraide, on fait la manche pour acheter à manger. », raconte-t-elle. Sur le campement de Jean-Pierre, nommé responsable du groupe, il n’y a pas d’eau, pas de sanitaires. 80 personnes y vivent, des centaines y font une halte tous les jours. Et deux cas de tuberculose au moins ont été recensés. « Je réclame depuis quatre mois un dépistage généralisé et rien n’a été fait. J’appelle à l’aide, je redoute une extension des problèmes épidémiologiques sur mon campement. Il n’y a aucune veille sanitaire, ni la Brigade d’Assistance aux Personnes sans abris, ni la DDASS, ni même Médecins sans frontières ne passent nous voir », dixit Jean-Pierre qui veille au grain. « J’ai vu, décrit un médiateur social, des sans abris venir se reposer sur le camp de Jean-Pierre. Ils s’y sentent plus en sécurité qu’ailleurs ». Jean-Pierre, qui se revendique indépendant, est très demandé. Il fait l’objet de documentaires télévisés et travaille dans la mise en scène théâtrale. Ce comédien à moitié poète a très bien compris que les sans abris ont un tel besoin de socialisation qu’ils supportent mal les solutions d’hébergement d’urgence. Son idée : un campement social officialisé. « Augustin Legrand avait organisé une manifestation, moi je veux me situer sur une solution dans la continuité. Je veux mettre en place un campement permanent sécurisé, « sanitarisé » dans Paris intra-muros. Ce serait une structure d’alternative sociale. Je voudrais aménager un système d’autofinancement, de microcrédit et des cours d’alphabétisation. Je commence à recueillir de nombreux soutiens, pour l’instant d’ordre individuel ».

D’après certains travailleurs sociaux qui connaissent bien la situation sur le canal, cette solution est un palliatif intéressant à court terme. Ludovic s’explique : « C’est une bonne idée qui fait son chemin. Sur le campement de Jean-Pierre, il y a des gens qui sont en échec, et c’est un échec de tout le monde, mais personne n’est vraiment abandonné. Ce campement social à condition qu’il y ait des moyens et qu’il soit encadré par des travailleurs sociaux constituerait une première phase de stabilisation pour ces personnes en échec. Ce serait une permanence sociale d’accueil ».

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